Christine
Angot
Quitter
la
ville
(Stock) |
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"On
arrête avec ça, les noms, on enlève tous les noms, on
enlève tous les mots. On enlève tous les papiers. Il n'y a
qu'une chose qu'on gardera intacte, c'est: je trouve
que." page 202. |
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Prenons
l'auteur de Quitter la ville au
mot et accordons lui tout ce qu'elle revendique comme personne,
sujet moral et sujet de droits: au demeurant, elle a raison: c'est l'œuvre
qu'il faut considérer; abandonnons cette détestable méthode, fort
prisée dans nos provinces, d'expliquer l'œuvre par la vie de
l'auteur comme si Phèdre n'était que la projection des aventures
hasardeuses de Racine. Nous dirons donc l'auteur
de Quitter la ville et l'héroïne.
L'héroïne est présentée à la fois comme une aliénée des temps
modernes suspendue aux ventes de son précédent livre et comme une
figure d'Antigone qui brave les avatars de la cité. Elle est
libre, elle suit l'impulsion du moment, ou se clôt dans des
attitudes de refus, mêlant ainsi le oui et le non, enfermant les
autres dans le cercle de la double contrainte qui l'étreint. C'est
bien là un aspect d'Antigone au service de la tribu contre la
cité. Le premier magistrat de la ville ne s'y trompe pas et loue
cette liberté. (page 15).
Cependant cette Antigone n'est-elle pas en réalité Électre, cette
fille de la vérité, qui amène le malheur dans une ville en
faisant apparaître le mal, en le découvrant, à la lettre, en
enlevant la couverture. Cette femme à histoires refuse la lâcheté
des hommes qui l'entourent et fait trembler cette Maison bien verrouillée
qui voulait lui offrir "aux frais de la princesse" un
voyage exotique à trois. Mais la noblesse de l'héroïsme lui
permet de revendiquer le titre de princesse. Va-t-elle exorciser le
mal par la lumière?
Il me
semble qu'on n'a rien compris au parcours de l'auteur si on n'a pas prêté
attention au style qui purifie tout au grand feu de la vérité et
d'une simplicité d'un nouveau classicisme.
Quitter la
ville, oui. Mais ce n'est pas quitter les médiocres qui ne font
rien avec beaucoup et qui s'offusqueront toujours des créateurs qui
font beaucoup à partir de rien.
Quitter la
ville, ne débarrassera pas la ville de l'auteur car Christine
Angot laisse son oeuvre, en particulier, chez Fanette, rue des Étuves.
Le lecteur de
Quitter la ville, passe un très bon moment à lire cette
prose à la fois précise, sensible, qui a le génie des formules,
ce qui oriente peut-être l'auteur vers le théâtre où elle
excellera.
Joseph Llapasset
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