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Electre de Jean Giraudoux.

Une jolie famille 

et le reste de leurs visiteurs  (page 8)
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"Maman" Clytemnestre:
Si nous disons que l'expression dans ce qu'elle peut avoir de tendre, de maternel, de populaire est aux antipodes du personnage, si nous nous souvenons de ses coquetteries, de ses aigreurs de l'horreur physique qu'elle éprouvait pour son mari, au point de le tromper et de le tuer, nous en saurons assez sur cette reine qui a du mal à nous toucher, malgré les frustrations, les tourments et les regrets dont elle fait état.

Le petit frère Oreste:
Il aurait été prêt à suivre "la piste de ce gibier qui s'appelle le bonheur", à tout oublier pour avoir enfin une mère à aimer, à croire que tout le monde est gentil. Il est plein de bons principes, mais sa soeur, qui non sans raison le juge faible, prend des décisions pour lui; Après s'être laissé maîtriser par trois petites filles, puis délivrer par des mendiants, il devient l'instrument du châtiment: il frappe en fermant les yeux des gens qui lui étaient plutôt sympathiques.

Le fiancé:
Ce gentil jardinier est le seul à inspirer confiance à Electre et à la faire sourire. Avec simplicité, il incarne dans la douceur et l'apaisement ce goût de l'innocence et de la vérité qui se concrétise chez elle de façon si tourmentée. Pourtant il est une victime puisqu'après lui avoir fait accepter un mariage avec une princesse qu'il vénère de toute son âme sans oser en être amoureux, on la lui retire sans explications ni excuses. S'il supporte bien des avanies, il est un sujet, pourtant où il n'admet aucune attaque, c'est celui de son cher jardin, le seul endroit où Electre soit détendue. Il a pour en parler des mots pleins de fierté du travail bien fait. Dans le chagrin et dans sa lucidité, avec sa poésie et ses paradoxes, son lamento plein de dignité est inoubliable: il faut le lire par le coeur.
Malgré sa déception et son amertume, c'est de joie qu'il veut nous parler; "joie et amour, oui. Je viens vous dire que c'est préférable à aigreur et haine"; Cet humble serviteur cet éternel renonçant nous livre la plus belle méditation de toute la pièce.

Le couple Théocatoclès:
Refuse énergiquement de faire partie de la famille! Cette création de Giraudoux, lui permet, nous l'avons vu, de souligner les particularités d'Electre et de faire avancer la vérité. Avouons que notre auteur a dû bien s'amuser en inventant cette double caricature: lui très installé dans la vie, très conformiste, très avisé -sauf lorsqu'il s'agit de sa trop jeune et trop charmante épouse - elle toute en sourires, docilité et gentillesse, mais la ruse incarnée.

Les visiteurs, les Euménides et le mendiant, sont-ils des humains, sont-ils des dieux?
Leur présence s'enveloppe de mystère, leur parole a des résonances étranges. Ils intriguent, ils inquiètent parce qu'ils en savent plus long que nous. Essayons de voir quel est leur rôle:

Les Euménides:
Le rôle de furies vengeresses auquel elles se savent destinées sous le nom d'Erinyes -ce sont donc bien des divinités- ne doit pas leur sourire, car elles font tout pour empêcher le parricide. Elles ont assez peu de sympathie pour Electre dont elles sentent bien qu'elle ne sera pas facile à adoucir et elles ne se gênent pas pour multiplier les mises en garde contre ses intentions et leur suite désastreuse. Quand le drame est arrivé à son terme elles l'accusent avec violence et l'avertissent cruellement "Plus jamais tu ne verras Oreste. Nous te quittons pour le cerner... Nous ne le lâcherons plus".
Clytemnestre dont les crimes sont à l'origine de leurs soucis n'a pas leur estime: elles se moquent de son mauvais teint et de sa peur du rouge; Elles jouent entre elles un dialogue perfide entre Oreste et clytemnestre où celle-ci rêve la mort de sa fille et en suggère l'idée au garçon: "Si une épée comme celle-là tuait ta soeur, nous serions bien tranquilles!"; D'Egisthe son complice, elles se s'occupent pas, sans doute savent-elles que cela revient à Electre; Arrivées avec Oreste, elles se montrent particulièrement soucieuses de lui. Pour contrer les projets d'Electre, elles lui font miroiter les tentations du bonheur, et l'horreur de l'existence, pour un assassin de sa mère. La persuasion ayant échouée, elles n'hésitent pas à le ligoter pour le mettre hors d'état de nuire.

Le mendiant:
Avec sa misère et sa sueur, c'est le plus incarné des humains de la pièce et il a cette sagesse surprenante qu'on rencontre chez les vagabonds. Sa familiarité avec les bêtes et toutes les choses de la nature lui confèrent en outre une autorité presque cosmique. Entre le mendiant et le dieu, peut-on trancher? Ni Egisthe ni son entourage ne s'y aventurent. L'extraordinaire pénétration de ses remarques va-t-elle au-delà de ce qu'un humain peut connaître? Parce qu'il pousse ses raisonnements au bout de leur logique, parce qu'il pénètre jusqu'au fond des coeurs et qu'il ose dire ce qu'on tait, il nous semble doué d'une prescience surnaturelle. Mais c'est aussi la marque de ceux qui prennent le temps d'observer et qu'aucune passion, aucun intérêt personnel ne font dévier de la juste pensée;
Le mendiant est-il autre chose qu'un témoin particulièrement objectif? Pourquoi est-il là? A-t-il un rôle actif à jouer?
Il nous éclaire en commentant avec un bon sens redoutable les faits et gestes de chacun. Il remarque la peur de Clytemnestre et celle de la jeune Agathe; Il ouvre les yeux à Egisthe, "vous voulez tuer Electre" (et vous le faites en la mariant) parce qu'elle va devenir dangereuse et que vous avez peur d'elle. Malgré sa lucidité il ne condamne personne et jette sur le drame un regard plein de pitié. Il cherche à ralentir le cours des choses en retardant le réveil d'Oreste, puis en calmant son indignation. Il s'émerveille et s'inquiète du revirement d'Egisthe... attitude humaine? attitude divine? C'est en finale, dans le terrible récit où éclate la culpabilité des amants qu'il nous révèle toute sa dimension.

Et nous voulons voir la prophétie d'un dieu dans son annonce de "l'aurore".

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