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La Fontaine,
Les
animaux malades de la peste. (Livre VII - 1)
=
La fable Les
Animaux malades de la peste (lien
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Solidarité et transparence
... comédie, mensonge Le lion n'a plus qu'à
laisser parler sa cour érigée en tribunal.
On commence par absoudre le lion (Vers.34 à 42)
* C'est le renard qui s'en charge, sur un ton qui rend légère
toute faute: désinvolture du "eh bien...en les
croquant", tellement agréable et tellement pardonnable! fausse
hésitation bien vite effacée dans:
"Est-ce un péché. non, non". Le rusé minimise les
fautes du roi en flagornant:
"Vous êtes trop bon roi,
Vos scrupules font voir trop de délicatesses,
Vous leur fîtes, seigneur,
en les croquant trop d'honneur". En
vilipendant ses victimes: "canailles, sotte espèce,... il était digne
de tous maux", et en présentant comme des usurpateurs :
"Ces gens-là qui sur les animaux
se font un chimérique empire". (notons la flatterie du mot
"chimérique")
* 43 "Ainsi
dit le renard et flatteurs d'applaudir": son autorité s"impose
dans le premier hémistiche, très net par ses termes et son rythme, tandis que s'exprime
dans le second la rumeur confuse des courtisans: pas de déterminant, mode impersonnel du
verbe.
Voilà donc le lion mis hors de cause. Le ton est donné pour la suite. Il y aura ceux
qu'on excuse rapidement: les Grands, puis les forts en gueule (Vers.44à 48) et enfin les
petits représentés par l'âne qu'on laissera s'enferrer pour le condamner férocement. |
* 44 "On osa
trop approfondir
du tigre ni de l'ours, ni des autres puissances
les moins pardonnables offenses".
C'est grâce à l'intimidation que les Grands ne sont pas retenus en examen. La licence
poétique qui met en avant leur personnalité pour rejeter leur faute dans l'ombre est
particulièrement bienvenue. Remarquons pourtant la gravité des faits soulignée par le
superlatif: "les moins..."
* 47 "Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples
mâtins": voilà maintenant ceux qui en imposent, parce que malgré une
situation médiocre, ils ont le verbe haut et la dent dure.
* 48 "au dire de chacun étaient de petits saints".
Dans ce milieu agressif et hypocrite, on se craint et on se soutient mutuellement, aussi
les faux témoignages vont-ils bon train.
Nous sommes arrivés au bas de l'échelle sociale "jusqu'aux simples mâtins",
sans avoir trouvé de coupable!
* 49 "l'âne
vint à son tour": curieusement alors qu'on n'a guère pris le temps
d'écouter les aveux des autres, sauf ceux du lion, qui étaient exemplaires, on va
laisser l'âne s'exprimer à loisir:
"J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
Le faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue".
"J'ai souvenance", il y a une douceur un peu désuète dans
l'évocation d'un passé dont il n'a rien oublié, comparons avec la désinvolture du
lion: "Quelquefois...". Les précisions: "la
faim...l'occasion, l'herbe tendre"pourraient être des circonstances
atténuantes puisqu'il avoue aussi sa gourmandise.. Quant à l'allusion au "diable",
elle trahit à la fois le remords et le péché de celui qui a succombé à la tentation.
Seulement l'âne dans sa naïve confiance insiste sur sa culpabilité: "Je
n'en avais nul droit puisqu'il faut parler net" . Il imite
ainsi son roi:
"Que m'avaient-ils fait? nulle offense". Le succès
sera bien différent, car les jeux sont déjà faits: "A ces mots, on
cria haro sur le baudet": Haro, cette clameur horrible donnait le
signal du déchaînement populaire sur un coupable, celui-ci n'est plus un âne mais un
"baudet".
|
* 56
"un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux d'où venait tout le mal".
Au royaume de la langue de bois, on s'offre le luxe d'un simulacre de procès. Il suffira
pour cela d'un juge mal dégrossi, choisi surtout à cause de sa brutalité bien connue.
Ses preuves se limiteront à des affirmations violentes: "Il fallait
dévouer... maudit (voué au malin)...d'où venait tout le mal", à des
insultes: "pelé =misère,...galeux=contagieux... à trois
démonstratifs pointés sur la pauvre bête dans un geste accusateur.
*
59 "Sa peccadille fut jugée un cas pendable".
Il suffit donc pour envoyer un innocent à la potence qu'une foule anonyme (la forme
"fut jugé" est passive: pas de responsable nommé) en décide ainsi.
La structure de l'alexandrin, qui place aux deux extrémités: "pendable....et
.. cas pendable", deux notions inconciliables en bonne justice, pour les
identifier l'une de l'autre à l'hémistiche: "fut jugée", souligne le
caractère paradoxal et arbitraire de ce retournement. |
*
60 "Manger l'herbe d'autrui, quel crime abominable!
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir".
-Texte de Jacqueline.
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