2ème
partie: Confidences: souvenirs puis
regrets comme un hymne à l'amour
Misogyne, il ne l'est guère dans l'hymne à l'amour qui conclut
superbement la fable et lui sert de morale. Ce sont des conseils
(V65 à 69) - ensuite des confidences: souvenirs puis
regrets (V
66à 83).
*V65 "Amants,
heureux amants " L'apostrophe est une invocation fervente dont le
mouvement va s'amplifiant: 2, 4 et où "amants" enserre "heureux"
parce que le bonheur vit de l'amour. La Fontaine s'adresse à ceux qu'il voudrait
protéger en les avertissant
..... voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines".
Ce désir de voyager est surtout l'aveu qu'on ne se suffit plus et qu'il faut se changer
les idées par ce que Pascal appelait "le divertissement" en le condamnant parce
qu'il n'apporte pas de vrai remède. Celui de La Fontaine est simple et sage:
*V67 "Soyez-vous
l'un à l'autre un monde toujours beau....
toujours divers, toujours nouveau."
Pour éviter la routine et l'insatisfaction il faut savoir
dit-il s'émerveiller chaque jour de son amour.
V69 "Tenez-vous lieu de tout,
compter pour rien le reste."
Egoïsme à deux?
peut-être mais s'il offre autour de lui l'image du bonheur ce n'est pas si mauvais!
Peut-on
donner ces conseils sans avoir soi-même vécu un grand amour?
La confidence de La
Fontaine est toute vibrante:
V70 "J'ai quelquefois
aimé..." (imprécision qui
veut évoquer un seul amour). Avec un lyrisme triomphal il évoque ses sentiments:
" ....je n'aurais pas alors
contre le Louvre et ses trésors,
contre le firmament et sa voûte céleste,
changé les bois, changé les lieux
honorés par les pas, éclairés par les yeux"
Des répétitions de mots et de rythmes en 6/6 et 4/4 alternés scandent la force de cet
amour. Puisqu'il est question de voyage c'est en opposant "les bois" et
"les lieux" très ordinaires de son bonheur, aux endroits les plus
prestigieux qu'il chante et magnifie sa passion.
V75 " ...L'aimable et jeune
bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers
serments"
nous rappelle les romans précieux avec leur code de fidélité et de soumission. Malgré
ces quelques conventions quelle belle ardeur juvénile! Juvénile?
Dès le vers 70, "Alors" annonçait la nostalgie
poignante où s'achève ma confidence: "Hélas quand reviendront....?
Faut-il....? Ah si mon coeur osait encore...! ne sentirai-je plus.....? Ai-je
passé...?"
Soupirs, questions, regrets vains, souhaits... La
Fontaine a dépassé la cinquantaine (la précision "jeune" du vers 75
est d'un barbon: elle serait trop évidente pour être notée par les autres).
Mais cet éternel amoureux qui n'a pas cessé d'être sensible à "tant d'objets
si doux et si charmants", souffre que son âge et sa condition,
V81 "Ah si mon coeur osait
encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme (=force magique) qui m'arrête?
aient rendu impossibles les belles amours d'antan."
*Qui peut rester insensible à ce
cri d'angoisse et de chagrin
V83 "Ai-je passé le temps d'aimer?" de celui qui
affirmait: