Plusieurs poèmes font
choc en liant la misère des faibles et l'opulence des puissants:
"Regorgez quand la faim tient le
peuple en sa serre,
Et faites, au-dessus de l'immense misère,
Un immense festin." (III 9 III)
(notez la mise en oeuvre des oppositions par deux images
fortes et une répétition)
En VI 5. Tandis que le bal grotesque
des vainqueurs bat son plein, les condamnés politiques endurent leur martyre. Ces deux
images antithétiques sont effacées à leur tour par la vision radieuse de Jersey.
En III 9,
l'horreur naît de la double absurdité insoutenable:
"Une petite fille à figure de vieille me dit: "j'ai dix-huit ans!' En IV 7, un chiasme (croisement de termes:
vb/cclieu-cclieu/vb) met en relief la duplicité d'un tartufe:
"Il ripaille à huis clos, en public, il sermonne ".
En Nox I, la reprise de termes
identifie odieusement fête et meurtre:
"Du vin plein les bidons! des morts plein les
civières!"
En I 12, l'alternance
répétitive nous enferme dans un désert funèbre:
"La lune, chaque nuit, se lève en un suaire,
Le soleil chaque soir se couche dans du sang."
En Il 7 VIII, un vers aux faux airs
de maxime énonce une opinion inhabituelle:
"Puisque l'honneur décroît pendant que
César monte."
Autre
paradoxe, bien frappé sur deux hémistiches parallèles en VI 3:
"Ils ont le plus d'honneur, ayant le plus de peine."
En IV 6, le double paradoxe lié par
un chiasme est cinglant:
"Méprisant votre estime, estimer votre
haine." (IV 6)
En V 11, les opposés sont aux deux
extrémités:
"Les nains sapant sans bruit l'ouvrage des
géants."
En IV 12, c'est une répétition en
crescendo qui amène l'étonnante sentence finale:
"J'admire, ô
Vérité, plus que toute auréole,
Plus que le nimbe ardent des saints en oraison,
Plus que les trônes d'or devant qui tout s'efface,
L'ombre que font sur ta face
Les barreaux d'une prison."
C. FAMILIARITES, PROSAÏSMES ou
INCONGRUITES.
Pour malmener Napoléon III et son équipe, le ton
de la plaisanterie relaie parfois les grincements
de dents:
On se moque gentiment
des bien-pensants en-pensants et autres
personnages d'église:
-
En I 3 "La douairière aux yeux gris s'ébat sur
leur Journal,
Comme sur les marais la
grue et la bécasse."
-
et dans le même poème:
"Ce pauvre vieux bon Dieu... ...ne sait où se fourrer..."
En V 2, une chanson raconte une
partie de cartes entre Dieu et le diable. Ils ont pour
atouts le futur pape et Louis-Napoléon:
Rappelons aussi l'énorme
vocabulaire d'insultes colorées rencontré
dans un chapitre précédent...
C. TROUVAILLES à la Victor
Hugo, géniales, irrésistibles. En voici quelques unes:
En I 2,
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"Les rois lâchaient sur toi le tigre et la panthère,
Et toi tu lâchais les lions."
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En I 12,
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"Peuples! le clairon sonne aux quatre coins du ciel."
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En VI 6,
à Ceux qui Dorment:
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"Prends ta fourche, prends ton marteau!
Arrache le gong de ta porte,
Emplis de pierres ton manteau!"
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En IV 1O,
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"Le rayon, flèche d'or, perce l'âpre forêt."
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En V 10
III,
|
"...le Dieu vivant qui peut
rouler
Les cieux comme une toile!"
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En I 5,
|
"Et mon coeur orageux dans ma poitrine gronde
Comme le chêne au vent dans la forêt profonde!"
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Mais sur ce chapitre, chacun a ses coups de
coeur!
La PERSONNIFICATION.
Une vie mystérieuse parcourt les pages, comme si un
autre monde agissait autour du nôtre: présence divine, présence de la Nature, mais
aussi présence de concepts qui s'animent en
ALLEGORIES.
En I 5,
|
"La
Marseillaise, archange aux chants aériens,
Murmurait dans les cieux: Aux armes, citoyens!"
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A la fin du même
poème:
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"Le Jour parut. La nuit,
complice des bandits,
Prit la fuite, et, traînant à la hâte ses voiles,
Dans les plis de sa robe emporta les étoiles
Et les mille soleils dans l'ombre étincelant,
Comme les sequins d'or qu'emporte en s'en allant
Une fille aux baisers du crime habituée,
Qui se rhabille après s'être prostituée."
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En Nox I,
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"La guillotine au noir panier...
A ressaisi sa hache..."
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En IV 13, dernière
strophe:
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"Pendant que dans l'auberge ils
trinquent à grand bruit,
Dehors, par un chemin qui se perd dans la nuit,
Hâtant son lourd cheval dont le pas se rapproche,
Muet, pensif, avec des ordres dans sa poche,
Sous ce ciel noir qui doit redevenir ciel bleu,
Arrive l'avenir, le gendarme de Dieu."
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