Il y a beaucoup de beaux passages,
beaucoup de morceaux sont férocement drôles, intéressants, ou bouleversants, certains
font pressentir le ton de la Légende des Siècles et des Misérables. Nous les avons
déjà presque tous rencontrés, nous n'y reviendrons pas, espérant que vous avez eu la
curiosité de les voir dans leur ensemble.
En fait, les poèmes qu'on peut
considérer comme des chefs d'oeuvre, sont relativement rares dans Châtiments. Voici les
plus connus, qui sont aussi mes préférés (je me bornerai à quatre d'entre eux):
l'ode à l'OBEISSANCE PASSIVE
(II 7)
Les deux premiers mouvements de l'EXPIATION (V 13 I et II):
retraite de Russie - Waterloo,
le court poème
"SONNEZ, SONNEZ TOUJOURS, CLAIRONS DE LA PENSEE" (VII 1).
Il faut les lire et les
relire. Tout ce que nous avons glané ailleurs, mouvements splendides, oppositions
fracassantes, images, métaphores, répétitions, mots qui claironnent, allégories
puissantes, émotions vives, nous le retrouvons ici, jaillissant de source. Ils nous
donnent la quintessence de l'art et de la pensée des Châtiments.
L'ode A l'obéissance
passive illustre dans ses huit mouvements le schéma constamment repris par Victor Hugo et
qui est le moteur même de Châtiments, : opposition entre la gloire passée et la
situation présente, promesse d'une vengeance.
Nous verrons ici le premier mouvement:
"Ô soldats de l'an
II! ô guerres! épopées!"
Dans cette invocation, qui veut faire ressurgir une
époque héroïque et déjà légendaire, vibre l'ENTHOUSIASME. Appels, exclamations
répèteront cette ferveur joyeuse: ô France...
"Et ton rire, ô
Kleber!",
"Oh que vous étiez grands au milieu des mêlées,
Soldats!"
Un souffle épique
entraîne ces soldats de fortune dans une marche triomphale: "Ils
chantaient, ils allaient...", "passant torrents et monts","Ils
allaient, fiers, joyeux...", "frontières effacées sous leur pas souverain"
(notez la force du singulier)
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"on allait! en avant!", "Allez, mes vieux soldats, mes généraux
imberbes!" L'espace
qu'ils foulent s'élargit à l'infini:
"Au levant, au couchant, partout, au sud, au pôle",
"Et l'on voyait marcher
ces va-nu-pieds superbes
Sur le monde ébloui".
"Ils eussent sans nul doute escaladé le ciel",
"dans leur course
olympique".
"Et l'on voyait marcher ces va-nu-pieds superbes
Sur le monde ébloui".
"Ils eussent sans nul tout escaladé le ciel",
"dans leur course
olympique".
Rien ne peut arrêter ces "audacieux", ni le danger:
"Les rois tirant
ensemble leurs épées"
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(image qui impose de façon saisissante la
Coalition des souverains ligués contre la jeune République), danger scandé par les
répétitions:
"contre les rois..., contre toutes
les Tyrs..., contre le czar...contre ce chasseur..., contre toute l'Europe... tout
entière debout, "suivi de tous ses chiens",
"avec... avec ... avec ..."
ni les difficultés, ni les obstacles,
soulignés, eux aussi, par des répétitions:
"ils allaient, l'âme sans épouvante,
Et les pieds sans souliers",
(notons, bien sûr, l'alliance du "sublime" et du
"grotesque", un principe cher aux Romantiques, et que nous venons de voir dans
"va-nus pieds superbes")
"Avec de vieux fusils sonnant sur leur épaule",
"Sans repos, sans sommeil, coudes percés, sans vivres".
"Dans la pluie et la neige et de l'eau jusqu'au ventre."
Leur SOUFFLE, dont il font sonner les
"cuivres ainsi que des démons", devient "vent",
"tourbillon", "ils aspirent la tempête quand souffle l'aquilon".
Une jubilation sacrée anime ces "lions":
"L'oeil plein d'éclairs, faces échevelées
Dans le noir tourbillon,
Ils rayonnaient, debout, ardents, dressant la tête."
Comme le faisaient dans l'Iliade les divinités homériques, les
grandes allégories révolutionnaires les accompagnent:
"la liberté sublime", "la Marseillaise ailée et volant dans les balles",
"La grande République
Montrant du doigt les cieux!" et
"La
Révolution leur criait: Volontaires!
Mourez pour délivrer tous les peuples vos frères!"
Les batailles
victorieuses se
succèdent en accumulations de phrases nominales, juxtaposées ou soulignées
de répétitions (et... et..., le fer ...le fer):
"Flottes prises d'assaut, frontières effacées...
Chocs, rencontres, combats, et Joubert sur l'Adige
Et Marceau sur le Rhin."
"Le fer heurtant le fer...
Les tambours, les obus, les bombes, les cymbales."
La dynamique irrésistible de deux vers très balancés:
"On battait l'avant-garde, on culbutait le centre...
Et l'un offrait la paix, et l'autre ouvrait ses portes",
nous amène à
l'anéantissement des rois coalisés, dans une métaphore superbe:
"Et les
trônes, roulant comme des feuilles mortes,
Se dispersaient au vent!"
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Du très beau Victor Hugo!
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