C Les
Contrefaçons, ou la Préciosité Ridicule.
Malheureusement, les imitations dans d'autres salons, chez des grandes dames,
qui souvent "en rajoutaient", chez de riches bourgeoises qui voulaient
s'imposer, chez des snobinettes désireuses de paraître "in", chez
les poétaillons cherchant protectrices ont donné des résultats carrément
absurdes et inacceptables. Des dictionnaires, des modes d'emploi deviennent vite
nécessaires.
Voici, tiré de l'un d'eux, une définition des précieuses, elles "sont
des dames du grand monde qui se tirent du prix commun des autres, ...
s'élèvent au-dessus du vulgaire par la dignité des moeurs, l'élégance de la
tenue, la pureté du langage"... un programme ambitieux et risqué! Toute
une grammaire, tout un glossaire se constituent. Le langage s'interdit les mots
crus ou triviaux, on évite de dire les choses trop directement, on enveloppe
les idées dans des formules compliquées, on se délecte de périphrases. La
main est "la belle mouvante", les pieds, "les chers
souffrants", le miroir, "le conseiller des grâces". Des adverbes
nuancent le discours et surchargent les phrases.
Ces vers de Trissotin:
"Votre prudence est endormie
De traiter magnifiquement
Et de loger superbement
Votre plus cruelle ennemie".
Enchantent les Femmes Savantes:
- "J'aime superbement et magnifiquement,
Ces deux adverbes joints font admirablement", déclare
Philaminte.
Dans ce monde précieux, où tout le monde est beau, admirable, hors du commun,
on ne saurait jamais pousser trop loin les louanges, les superlatifs, les
hyperboles. Chaque femme est la plus belle qu'on puisse rêver, chaque lieu le
plus enchanteur, tout gentilhomme a des mérites infinis...
On imagine jusqu'à quel point d'irréalisme et de prétention peut conduire cet
état d'esprit... C'est dans des romans-fleuves de plusieurs tomes que ces
inventions donnent leur pleine mesure. L'Astrée, d'Honoré D'Urfé, les
énormes volumes de La Calprenède et de mademoiselle de Scudéry, qui dessina
dans sa Clélie la célèbre Carte de Tendre, guide touristique des belles
amours, étaient la Bible des apprenties précieuses. (ous la trouverez dans les
Précieuses Ridicules des classiques scolaires).
Songez à la scène hilarante des Femmes Savantes (I-4) entre la vieille tante
Bélise et le jeune Clitandre venu lui demander son aide pour obtenir la main de
sa nièce. La bonne demoiselle toute nourrie de romans ne peut pas imaginer
qu'on adore quelqu'autre qu'elle-même!
Égoïsme féminin, sentimentalisme et romanesque sans frein, voilà ce que les
plus sottes apprenaient à la lecture des grands romans précieux, où de braves
garçons bien sympathiques passaient des années à gagner les faveurs de jeunes
femmes capricieuses.
Même le vieil Harpagon venant faire sa cour à la jeune Marianne se croit
obligé de s'affubler de lunettes astronomiques! "Je sais que vos appâts
frappent assez les yeux, sont assez visibles d'eux-mêmes et qu'il n'est pas
besoin de lunettes pour les apercevoir, mais enfin, c'est avec des lunettes
qu'on observe les astres et je maintiens et garantis que vous êtes un astre,
mais un astre, le plus bel astre qui soit dans le pays des astres."
Molière, dans sa première pièce sérieuse les "Précieuses
Ridicules" présente deux jeunes personnes gâtées par leurs lectures et
ridicules par l'imitation de leurs idoles, leur prétention, et leur manque de
jugeotte. "Le mariage, affirment ces perruches, ne doit jamais arriver
qu'après les autres aventures" :
L'amant tombe amoureux, il est tout rêveur, il cache ses sentiments, il trouve
une occasion de se déclarer, la jeune fille se fâche, le renvoie, il faut
attendre, viennent des rivaux, il y a des duels, des enlèvements, des
réconciliations... j'en passe et des meilleures...
Vers => D.
Un bilan très positif.
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