Internet
et psychanalyse
Internet au miroir des philosophes: la libération de lintelligence collective.
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Le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel
Gilles Deleuze, Différence et répétition.
La réalité virtuelle corrompt, la réalité absolue corrompt absolument
Roy Ascott, Prix Ars electronica 1995.
La réflexion philosophique traditionnelle na jamais
vraiment questionné la technique en son essence. A cet égard, loeuvre inachevée
de Marx et non intégralement publiée de Heidegger font figures dexception. Mais si
Marx indique jusquà quel point la nature des rapports socio-politiques de la
technique est soit aliénante soit libératrice, Heidegger invite plutôt à la défiance
en montrant les
multiples dangers de dépendances que celle-ci entraîne. La dernière figure historiale
de la technique, celle la révolution cybernétique présente la phase ultime de
lêtre de lhomme sans intériorité, sans
subjectivité, sans aucune chance de produire la moindre expérience de la pensée.
Lhomme cybernétique liquide son intériorité dans lextériorité dun
espace purement virtuel où rien dActuel ne peut arriver. Sans véritable
dedans, lhomme de lâge cybernétique est exilé de son
propre dehors: il na avec le réel quun rapport opératoire,
euphorique, virtuel, lintelligence artificielle devient la possibilité réalisée
de linintelligence de lêtre désormais aussi invisible, imperceptible que le
carré blanc sur fond blanc de Malévitch. Si jamais lessence de la technique, de la
cybernétique restait simplement technique notre XXI siècle serait le siècle de tout les
dangers, de toutes les confusions: la régression au point de la pensée magique. Bien au
contraire, nous avons à penser lessence non technique de la technique soit
lévénement paradoxal de lêtre comme équation du Virtuel qui existe vers
lActuel qui arrive.
Internet, vampirisme post-industriel
(Contribution à une théorie du Hors-là)
La pudeur traditionnelle du discours philosophique, voire
limpasse humaniste classique à lendroit de la technique aujourdhui,
explique la distance frileuse, la prudence voire la méconnaissance de la plupart des
intellectuels -le psychanalyste y compris- face à lInternet en particulier, à la
révolution cybernétique en général.
Afin de surmonter de telles impasses, dressons pour linstant,
schématiquement le contraste des positions de ceux qui, à divers titres, prennent
position, et plus rarement position critique éclairée par le discours philosophique
lorsque celui-ci renoue audacieusement avec lhéritage radical du Siècle des
Lumières: lapport de la découverte freudienne notamment: inconscient + transfert,
puis Lacan.
Bien des métaphores épinglent le phénomène mondial de
lhyper-Toile notamment autour des figures essentiellement négatives qui
sorientent du côté dune logique du Spectre, du fantôme, voire du
Parasite et, pourquoi pas du Vampire. Attardons-nous sur cette dernière, sachant que de
la théorie de linconscient à la théorie du vampire, il ny a quun pas,
mais un pas délicat, difficile à franchir. Pour les ordinateurs, les agents collectifs
intelligents webmasters, il n'y a pas de temps, il ny a que des fichiers, des fichiers de fichiers: espèce de théatre océanique
virtuel en réseau mondial. Sur le plan technique, linternet est un simple
parasite des lignes téléphoniques, du câble satellitaire: il ne vit que de
sucer lénergie morte/vivante de nature
informationnelle. Le débit électronique de cette informatique en circulant à haute
vitesse, proche du temps réel produit une nouvelle marchandise au mieux un nouveau
régulateur, léquivalent dun système nerveux qui tend à innerver de plus en
plus profondément les sociétés.
Le réseau des réseaux (www)
résultat et producteur dune synchronie post-industrielle est aussi une synchronie
post-historique. Un hyperphilosophe remarquerait volontiers que le Monde au sens de
Shopenhauer comme Volonté et Représentation devient le (World Wide
Web) comme Virtuel et comme Actuel. Actualiser le virtuel, virtualiser tout
lactuel voire toute lactualité, tel serait le mot dordre (pseudo)
révolutionnaire de Bil Gates, tout à la fois antipolitique et
antiphilosophe. Faire
basculer lensemble de léconomie réelle en économie virtuelle permettrait
déradiquer un fois pour toute la vieille résistance subjective des hommes à
lAutre des machines, du capital, de lexploitation du travail. Le
télé-travail serait la connection généralisée dun réseau de production de plus
en plus mondial, délocalisé, a-centré et surtout a-subjectif. Le réseau des machines,
les machines en réseaux nont guère affaire avec le sujet au contraire, elle
exhibe, mime, présente, représente sa seule doublure. Lhypertechnologie comble le
rêve de la métaphysique comme doublure du monde réel: la
production du sujet, du désir, du signifiant nest quun simulacre de plus, une
plus-value de code supplémentaire que lécran digital peut exhiber sans
conséquence. Lautoréférenciation des codes et protocoles techniques libère le
sujet de son principe associatif élémentaire: sa trame signifiante, ses mailles
fantasmatiques. Le sujet devient imputrescible, atteint dans le principe spectral de sa
présence immédiate, de sa visibilité. Mais tel un vampire qui ne peut mourir le
cybersujet ne peut accéder au principe métaphysique ou philosophique de son immortalité
= il ne pense plus, il nest plus. Tel un spectre, un mime inconscient, un faux
double du fond sans fond dun sujet a-subjectif. Leuphorie provoquée par les
nouvelles technologies nest pas moins grand que langoisse, la phobie
quelles peuvent susciter. Il sagit de comprendre que nous sommes entrés dans
une erre virtuelle de psychotisation du social, du sujet. La forclusion ontologique se
révèle dautant plus réussie que le principe de sa mise en question, de sa
formulation est problématique. La question de la mémoire reste prise dans un jeu
machinique sans image ni de la pensée et ni du désir. Le sujet cybernétique est
autoréférencié il nest divisé par rien, désir sans cause, il reste sans objet
autre que virtuel: il na aucune chance datteindre la question bien réelle,
bien matérielle, bien signifiante de sa finitude ontologique.
Texte de Jean-Louis Blaquier: jealier@wanadoo.fr
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