Régis Debray
scrute les secrets de la transmission d'une bonne nouvelle: Dieu n'est
pas mort, nous l'avons toujours sur le dos, ou si l'on préfère dans le
dos.
En positiviste qui trouve
Auguste Comte "génial", l'auteur s'intéresse au
"comment de la transmission", pour apporter un complément d'information explicative
aux interprétations d'un Ricoeur (pages 22 et 23). Le "comment"
renvoie au concept de stratégie qui est bien, accordons le, un des
instruments de la transmission, peut-être pas le plus efficace. C'est dire
que, pour l'auteur, Dieu a besoin des hommes non seulement pour exister mais
pour continuer son existence de caméléon. Comprenons que cette dépendance
le condamne à devenir au gré des porte-voix. Accordons tout à Régis
Debray: cela nous amène à qualifier de caméléon sincère l'homme qui
produit une telle image de Dieu.
Le projet de ce
livre est fabuleux: suivre Dieu à la trace, car un retentissement est
toujours observable puisqu'il utilise nécessairement les technologies
successives pour parvenir jusqu'à nous. A cette enquête l'auteur excelle et
donne toute sa mesure en faisant se lever de multiples perspectives, une fête
pour le lecteur. Les nombreuses illustrations réconcilient le regard et
l'intuition.
Reste que le positivisme
décidé réduit trop souvent la transmission à des recettes et à des
machineries qui, dirait Nietzsche, sentent la cuisine. L'équation,
transmission = église, permet effectivement de trouver ce qu'on cherche,
précisément parce qu'on le cherche là où on veut le trouver, au risque de
ne le trouver que parce qu'on l'y a déposé. Il y avait peut-être un
troisième terme à scruter, c'était la foi et, comme je le suggérais à
l'auteur, lors de son passage à Montpellier, le siècle d'or espagnol donnait
beaucoup à penser sur les secrets de la transmission. (Jean de la Croix et
Thérèse d'Avila). Et si Dieu "se" faisait entendre?
L'entreprise de
suivre Dieu à la trace était grandiose, mais la trace n'est qu'une image, le
reflet d'un modèle: elle ne prend son sens que par rapport au modèle.
Refuser la prise en considération du modèle c'est risquer l'illusion ou la
conjecture et, en tout cas, nous condamner à un feu d'artifice(s) qui relève
plus du beau que du vrai.
Un beau livre, un
livre sincère dans lequel l'auteur ne se renie jamais, n'abandonne jamais sa
sincérité, et qui a le courage de se dire; à lire et à
relire, à offrir. Nous voilà invités au dialogue, à la discussion, à
poursuivre une enquête si bien commencée avec l'auteur, à rentrer en
nous-même pour échanger, et peut être à entrer en contact avec cette part
d'irréductible que chacun porte en soi et qui est peut-être la racine de sa
foi: l'essence de toute vie humaine.
Joseph Llapasset
Voir- La
foi au fondement de la transmission: Gide, Claudel, Madeleine André Gide
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