Rubrique
: http://www.philagora.net/contes/
C'est le vent des
étoiles, pense Joseph le juste.
Jamais peut-être il n'y a eu autant d'étoiles et autant de vent, et
jamais il n'a eu aussi froid au cur maintenant que le petit peuple s'est retiré,
que la Vierge s'est
endormie, que le bébé sourit au buf qui lui souffle doucement sur
le bout du nez.
Eh oui, le bon Joseph
se prend à douter.
Il ne doute pas de Marie, il n'a
jamais douté d'elle depuis le Songe qui avait fait refleurir son bâton de noisetier.
Certes, il grogne contre la tradition qui voulait qu'après la célébration du mariage la
jeune mariée reste encore un an chez ses parents, probablement pour laisser au jeune
marié le temps de préparer son arrivée... Un an! Il s'en passe des choses... Mais
quand on est juste comment ne pas suivre la tradition? Il s'en était passé
des choses en un an! Et puis le "Songe" qui
n'avait rien d'un rêve, avec cette certitude d'avoir épousé ce qui était devenu, par
le vent paraclet, une Vierge enceinte. De cela Joseph ne doute pas mais quand il
voit le bébé, il se dit que cela fera peut-être un "saint innocent" de plus.
Au mieux, il devra se cacher toute sa vie. Que pourra-t-il contre ces gens qui, en
son nom s'entretueront, persécuteront, brûleront!
Tout à coup, Joseph
le juste, Joseph le bon, Joseph le fort se met à trembler de froid et pour un peu, lui
qui n'a jamais reculé malgré les sourires sur son passage, il s'enfuirait.
Mais Joseph a le sens du devoir, il serre une fois
de plus son bâton de berger et regarde le ciel par l'ouverture de l'humble demeure
habitée de lumière.
Soudain, le voilà qui se ramasse
sur lui-même, qui rassemble ses forces, car un craquement s'est fait entendre malgré les
hurlements du vent malin.,
Une vieille femme, très pauvrement
vêtue qui n'est plus que l'ombre d'elle même, s'avance courbée. Elle titube au point
que Joseph le généreux lui tend son bâton. Elle le prend, sourit à la Vierge, sourit
à l'enfant, sourit à Joseph.
La Vierge se réveille pour sourire à la vieille et lui dire très doucement:
-"Teresa, mon enfant, pourquoi ce Songe?" puis, elle se rendort car le
songe n'est pas pour elle...
Joseph ne comprend pas:
pourquoi Marie a-t-elle appelé "mon enfant" une vieille qui pourrait
être sa grand-mère?
Mais Joseph, avec confiance, met ses pas dans les pas de Marie et reprend:
"Teresa, mon enfant
(? !), pourquoi
ce songe".
-Bien
dit répond la Mère des pauvres en montrant l'humble berceau: je suis un peu l'enfant
de cet enfant, je suis venue te le dire pour que tu ne doutes plus. Écoute:
"Tout de même"
-Teresa-
"Les
gens sont déraisonnables, illogiques et égocentriques
-Aime-les tout de même!
Si tu fais le bien, les gens te prêteront des motifs égoïstes ou calculateurs.
-Fais-le tout de même!
Si tu réussis, tu gagneras de faux amis et de vrais ennemis.
-Réussis tout de même!
L'honnèteté et la franchise te rendront vulnérables
-Sois honnète et franc tout de même!..."
Et la petite vieille
se redresse alors devant les yeux d'un Joseph éberlué qui entend: "Je serai de
la postérité de ton enfant"
La tête de Joseph va
exploser!
Mais l'enfant a souri à Mère Teresa et la vieille pauvresse rend à
Joseph un bâton qui allume dans ses yeux l'étincelle de
l'espérance. Désormais, la nuit
de Noël, le regard des enfants brillera de
mille feux.