Autrefois,
du temps de nos grand'mères, la mode des arbres de Noël n'était
pas arrivée jusqu'en France, encore moins là-haut, dans la
montagne, jusqu'au petit village où habitait Pompon.
Or voici qu'un matin de décembre, monsieur
Chanudet, le maire de Fraimbois s'est réveillé de très bonne
humeur. Il vient d'avoir une idée géniale et il a hâte de la
communiquer à ses amis du Conseil Municipal.
Dans chaque ferme, c'est déjà le
branle-bas pour la livraison du lait, le nettoyage des étables, la
distribution du fourrage aux bêtes. Avant le travail, il a fallu
enlever à larges pelletées la neige tombée dans la nuit. Il fait à présent un froid de loup, mais on n'a vraiment
pas le temps de s'en apercevoir.
"Rrran,
rrran, rran, tan plan...rrran, .... Aujourd'hui, à dix heures
précises, réunion du Conseil à la mairie. Rrran, rran...." le
Tambour passe pour convoquer son monde.
Alors, chez tous les conseillers, c'est la bousculade: "Dépêche-toi,
Gustave! ... Avec tout ce qu'on a à faire, on sera jamais prêt...C'est encore
bien une invention de notre maire, de nous convoquer à cette heure!
...Passe-moi une chemise propre, Justine!... Lave-toi au moins les mains,
Joseph!..."
A l'heure dite, ponctuels
comme des militaires, ces messieurs sont là, curieux d'apprendre quelle importante
nouvelle les réunit. Le maire est devant eux, grave et souriant. Il commence: "Dans
quinze jours, vous le savez, nous fêterons Noël. Nous souhaitons tous que ce soir-là,
nos enfants soient heureux, qu'ils soient fêtés, qu'ils puissent rêver..." "Pour cette année, il m'est venu
une idée, vous me direz si elle vous convient. J'ai pensé qu'on
pourrait installer devant la mairie un bel arbre
qu'on garnirait de choses jolies et gaies,
des choses brillantes
et de toutes les couleurs,
des boules, des étoiles,
des guirlandes, des bonshommes, des bonbons,
des gâteaux..."
Tous
ces messieurs sont enthousiasmés. Ils sont si contents de
leur idée, car maintenant, c'est leur idée, qu'ils veulent tout de
suite la mettre à exécution. Sans plus réfléchir, ils filent
vers la forêt pour trouver leur arbre et emprunte une hache à
petit Louis.
Ils
n'ont pas longtemps à chercher: au bord de la grand'route, voici ce qu'il
leur faut, un magnifique sapin qui balance sa haute cime tout près des
nuages. Vous allez voir, en dix coups de cognée, on l'aura mis par terre.
Dix coups! Au bout de quinze, l'entaille
est à peine amorcée... Après une heure d'efforts, l'arbre leur semble
prêt à céder. Il faudrait une corde, maintenant, mais bah! on est assez
grands pour s'en passer. "Grimpe là-haut, petit Louis, toi qui es agile, accroche-toi à
cette grosse branche et secoue-toi de toutes tes forces. Quand ça
commencera à pencher, saute de côté."
Petit
Louis est vite en haut, et il s'agite autant qu'il peut, mais va donc voir!
Mieux vaudrait faire bouger une tour de béton. Il appelle le gros Léon: "Monte! Attrape mes jambes, et démène-toi!"
Rien à faire, l'arbre tient bon. "J'y vais, dit Gustave, qui s'accroche
aux jambes du gros Léon.
Ensuite,
Joseph s'agrippe aux jambes d'adolphe. Le secrétaire de mairie, qui n'est
plus tout jeune, réussit à se cramponner, lui aussi. Enfin, monsieur le
maire, malgré sa mauvaise jambe, vient à son tour se suspendre à la
grappe, et tous se secouent et remuent et s'agitent comme des diables. Personne
n'a froid, ça, c'est sûr!
Mais là-haut, le petit Louis se fatigue.
Aussitôt, patatras!
Louis
tombe sur Léon, qui tombe sur Joseph, qui tombe sur Adolphe, qui tombe sur le
secrétaire, qui tombe sur monsieur le maire, qui lui, tombe par terre et
reçoit tous les autres en désordre. Un
charretier qui passait par là entend ce vacarme. Il accourt, croyant qu'un
accident s'est passé, mais il comprend vite de quoi il retourne: "Ah, mes amis, vous voulez de l'aide?"
clac! clac! clac! en trois coups de fouet, il a mis tout le monde sur pied,
et il reprend sa route vers la vallée en riant à pleine gorge. Nos
pauvres héros rentrent au village tout perclus, tout clopinants, tout meurtris de partout. Et sans
demander son reste, chacun court chez lui soigner ses bobos.
Pour
le sapin, on en chargera Paul, le bûcheron, c'est à lui, après tout, de
s'occuper de ce machin-là!
Tous les jours qui suivent, on prépare la décoration. Les mères de
famille font cuire des choses qui sentent bon le chocolat, la cannelle, la
vanille. Celles qui savent cousent des poupons, des lapins, des bonshommes
et même des princesses. A l'école, on ne perd pas son temps non plus. La
salle de classe bruisse comme une ruche, on dessine, on colorie, on
découpe, on colle, on tresse des guirlandes, on déplie des ribambelles
d'étoiles dorées, de sapins vert sombre, de cœurs rouge vif... Les
enfants s'en donnent à cœur joie et réalisent des chefs d'œuvre.
Le vingt quatre décembre, le sapin est dressé devant la mairie. Il fait
un temps superbe, on a de la chance.
Bientôt, le
village rassemblé va pouvoir admirer la merveille.
Tout
le monde est enchanté et regarde ce sapin extraordinaire, un
arbre comme il n'en a vu dans aucun de ses voyages. Tout le monde, au village, y a mis du
sien., ça se voit. On comprend qu'ils en soient fiers.
Et, sous le sapin illuminé, tous les
visages séclairent de la joie de NOËL.