Dans la classe de Quentin, tout le monde sait siffler. Tous sauf lui !
Personne ne fait attention à lui. Il est bien triste de rester dans son coin, et de ne pas être capable de siffler le ralliement comme les copains.
Il a bien regardé les autres qui gonflent leurs joues à merveille avant d'émettre sans aucune fatigue un sifflement strident. Il n'y arrive pas, aucun son ne sort de sa bouche. 
Même Caroline sa copine sait siffler, un sifflement bien rond, presque aussi lumineux que celui des oiseaux.

Il a beau tirer la langue, respirer très fort,  souffler à en devenir tout rouge, rien n'y fait! Quand il remue sa bouche dans tous les sens, seul un souffle poussif qui fait rire tout le monde arrive à la surface . Mais il a bien l'intention d'y arriver, il se sent tellement abandonné, si isolé de ne pouvoir faire comme les autres qu'il essaie dans la rue, le soir à la fin de l'école, il essaie aussi sous sa douche, le soir dans son lit  et même le matin en préparant ses affaires, espérant que ça viendra tout seul, par surprise. Il commence même à s'inquiéter et se demande s'il est vraiment comme les autres...

Dimanche, Quentin est invité à un déjeuner chez ses grands parents avec toute la famille de Bretagne. Grand père saura peut-être lui, comment on fait pour siffler.
"Regarde comment font les oiseaux lorsqu'une magnifique journée de printemps s'annonce comme aujourd'hui et que les martinets parcourent le ciel à tire d'aile. Tu vois, ils foncent dans l'air, le bec en avant et sifflent tout en attrapant quelques insectes en vol" lui dit -il. "C'est très facile, respire à fond, pense au grand vent qui souffle lors des tempêtes, prépares-toi à faire vibrer l'air qui sort de tes lèvres."

Quentin se concentre et croit bien qu'il va y arriver quand ... tout à coup, la voix de Mamie appelle toute la famille à table. Quentin s'assoie, lui, au bout de la table et comme il s'ennuie un peu, presque sans y penser, il arrondit ses lèvres, gonfle ses joues, et, comme par miracle, un Sssouiiiiiiiii retentit à la surprise générale; c'est le plus aigu des sifflements que l'on avait pas entendu depuis longtemps.

Quentin a vraiment de la peine à s'imaginer que c'est lui qui a fait ça ! D'autant plus que, justement, à ce moment là, plus personne à table ne parlait. 
Chacun regarde avec étonnement du côté du tout petit Quentin! 

C'est amusant, mais, tout intimidé Quentin dit : Oh ! pardon à tous les membres de la famille qui parlent d'un air très important.

Il est tout rouge maintenant, mais ... de joie! Ah, ils vont être étonnés tout mes copains demain !
Grand-mère a envie de rire, et même de danser; grand-père est content de voir ou plutôt d'entendre le résultat de tant de persévérance de la part de son petit-fils.
Quentin d'habitude si discret est un peu gêné, mais dans son coeur, il est profondément heureux...
Enfin, il sait siffler, lui aussi ! Demain, à l'école, il montrera à tous ce qu'il sait faire.
- Pourvu que, d'ici là, il n'ait pas oublié ... Aussi, le lendemain, sitôt levé, Quentin se remet à siffler.
Tout le long du chemin, Quentin siffle comme un rossignol, respire à fond, fait ses vocalises, essaie plusieurs airs en sautillant pendant le trajet .
Arrivé le premier aujourd'hui dans la cour de l'école, c'est lui qui appelle toute la bande avec le sifflement sonore du vainqueur. Et tout le monde, autour de lui, se met aussi à siffler de bon coeur: Caroline, Mathieu, Thomas, chacun émet un son de manière différente 

La maîtresse a tout entendu et alors, elle a une idée:
- Je suis sûre que cela vous ferait plaisir de continuer pendant l'exercice de musique ! 
Alors, dans la classe, Thomas prend sa guitare et voici que la plus assidue des chorales se met à envahir l'espace de sonorités harmonieuses, Tous bien concentrés, se mettent à siffler en coeur.
- Mais c'est magnifique, dit-elle.

  Ensemble, vous faites un véritable petit orchestre. Bravo !

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== Joëlle Llapasset   - Copyright

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