Comment l'existence pourrait-elle varier comme les marches d'un escalier
selon les divisions quantitatives d'une échelle de mesure! Serait-ce
qu'on me prendrait pour quelqu'un d'assez bête pour croire que
l'existence parcourt des divisions. Autant mettre des étiquettes sur un
jet d'eau et croire que celles-ci expriment le jet d'eau. Je n'avais
même pas besoin de penser tout cela pour répondre NON. C'est immédiat
... comme l'opinion.
Objection à
l'opinion: mais s'il n'y a pas des degrés d'existence, pourquoi penser,
réfléchir, se cultiver ou même faire attention, puisque l'existence
spontanée et l'existence réfléchie se valent? Si je ne me retiens
pas, je vais finir par envier l'existence de l'animal dans son pré.
Première
approche du problème: l'existence est-elle de l'ordre du possible ou du
réel? Est-elle une donnée ou une conquête?
Compréhension de
la question:
Deux petits textes.
-
Que la pensée existe,
que l'existence émerge aussi du je pense, que la pensée échoue à penser
l'existence, que nous puissions cependant parler de l'existence signifie que l'existence
est une donnée, un don qui accompagne l'effort de penser par soi-même, comme une grâce,
et qui a besoin d'une reprise pour être comme si l'existence authentique éclairée de
conscience avait pour seule origine l'acte de philosopher. (voir le cours
sur l'existence.)
-
"Entre
monde et raison, mais sans aucune distance, nous sommes le rapport
qui s'autodétermine. La personne est un masque d'acteur tourné
vers le théâtre et serviteur du texte. Sa vie, comme toute vie,
est dans l'intelligible: nous ne faisons qu'y changer de limites.
Selon notre courage, nous la trouverons belle ou nous serons
désolés de notre insuffisance." Francis Courtès, La
RAISON et la VIE, Vrin page 309.
Le tableau de
définition.
-Y
a-t-il
-La
réalité présente-t-elle; existe -t-il effectivement?
-degrés
=>Au
sens strict: des variations quantitatives, mesurables, qui
permettent de parcourir des divisions vers le haut ou vers le bas:
exemple: degré de température.
=>Au
sens large: des variations qualitatives selon le plus ou le moins.
-Existence
-Ce
qui s'élève de l'existant, ce qui apparaît.
=>Au
sens large: ce qui est effectivement.
=>Au
sens strict, sens contemporain: être pour quelqu'un, renvoie à
la conscience comme double présence, du monde et d'autrui (acte
de transcendance, intentionnalité, toute conscience est
conscience de quelque chose) et présence à soi, épreuve de soi,
auto-affection de l'acte de transcendance. L'existence est
un acte par lequel le sujet se choisit dans un projet. Existence
renvoie donc à un verbe d'action: exister. "L'exister est
toujours celui de quelque chose qui existe" (Gilson)
De la question au
problème:
L'exister comme
acte est-il susceptible de variation vers un plus ou de régression
vers un moins? L'existence est-elle susceptible de varier du point de
vue de la qualité?
Y a-t-il des
niveaux de conscience? L'existence est-elle une donnée ou une
conquête?
Seule la
résolution du problème permettrait de répondre à la question (si
l'existence est donnée comme on donne une essence, une chose il n'y a
pas de degré de ce qui est donné: on l'a, on l'exerce, on ne l'a
pas, on ne l'exerce pas. Tout y est).
Si l'existence est donnée comme possibilité d'exister, acte à
accomplir plus ou moins bien, elle variera en fonction de la qualité
de l'acte.
Pour la recherche des
idées:
Parce qu'elle
précède l'essence, l'existence exclut la mesure (mesurer c'est
comparer deux espaces). Peut-elle être rapportée à une échelle, un
ensemble de divisions? Peut-elle croître ou décroître?
Si l'existence
est l'acte d'une conscience qui révèle des significations par un
acte de transcendance qui s'éprouve soi même, cette double
révélation ne dépend-elle pas de l'attention et de la pensée?
Demandez-vous ce qui peut enrichir qualitativement cet acte et par là
le faire varier?
=>"Exister
pour nous c'est sentir" Rousseau.
=>
Exister c'est penser. La première des vérités c'est l'existence (je
pense, je suis, j'existe: je puis douter de tout mais je ne peux pas
douter de mon doute). Conséquence pour le sujet?
=>
Montrer que l'existence pour un homme est une possibilité: révéler un
monde de signification et donner un sens a sa propre vie, dans un même
mouvement. Dans les deux termes de ce rapport, n'y a-t-il pas possibilité
d'une variation qualitative selon l'effort d'attention et l'effort de
volonté pour maîtriser les moyens nécessaires à la réalisation d'un
projet (relire plus haut la citation de Francis Courtés).
Pour la recherche du
plan.
Vous pouvez
harmoniser le plan dialectique et le plan progressif:
Le plan dialectique assure la rigueur de la forme car il épouse le
mouvement de la pensée et assure que l'on se rapproche de la vérité
et de la justice en pesant le pour et le contre;
le plan progressif assure l'ajustement de votre discours à la
réalité par l'effort pour toujours mieux cerner l'existence (ici).
Par exemple:
=>1.
Au sens strict il n'y a pas de degrés d'existence (on peut utiliser
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, chap.
I)
=>2.
Comme acte, l'existence se déploie grâce à la temporalisation, à
l'attention et à la pensée. Ce déploiement permet de parler, par
métaphore, de degrés.
=>3.
C'est là que vous devez prononcer un jugement, motivé par la résolution
du problème. Si l'existence est donnée comme possibilité de liberté,
elle doit être reprise par le sujet car un acte n'est jamais donné, il
s'accomplit. L'accomplissement dépend du sujet.
Quelques citations:
Lagneau: "Exister c'est être supposé intelligible et être
perçu". (comprendre que l'existence accompagne l'être).
Sartre: "L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe
que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que
l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie".
"Pour la réalité humaine, il n'y a pas de différence entre exister
et se choisir". Merleau-Ponty: "L'existence au sens moderne, c'est le
mouvement par lequel l'homme est au monde".
Pistes de lectures:
Sartre, L'Être et le Néant, page 660
Merleau-Ponty, Sens et non-sens, page 57
Michel Henry, L'essence de la manifestation. Lévinas, De l'existence à l'existant, page 15
Incontournable: Jacques Maritain, Court traité de l'existence (en
particulier page 83).