Soit
Y: la haine: c'est une passion, un désir et une volonté de nuire qui finissent
par colorer, envahir toute la subjectivité: c'est une structure fixée de la
conscience: il semble impossible de s'en débarrasser, on la subit
Si la haine est une passion elle rend inopérante la conscience réfléchie:
peut-on sans contradiction, dans le même discours, unir la réflexion et dire en même
temps que le moi est haïssable?
Soit
X: le moi: c'est la conscience, un mouvement qui est désir, c'est à dire projet
par rapport à un futur qui deviendra présent pour plonger dans le passé, si le moi est
ce qui devient, ce qui se change ce qui advient à soi, alors ce qui n'est pas objet mais
devenir peut-il être haï? Peut-on souhaiter la disparition de ce qui va disparaître?
Mais qu'est-ce que le moi? C'est ce qui s'apparaît à soi-même en faisant
apparaître le monde: -La conscience spontanée se tourne vers ce qui lui semble
promesse de plaisir; -la conscience réfléchie, comme un rayon que revient à son point
de départ, se prend elle-même pour objet, se met en question.
Dans les deux cas la conscience est toujours présence à soi, épreuve de soi: c'est la
vie.
Comment la
vie, la conscience pourrait-elle se haïr, vouloir sa propre disparition?
Comment ce point d'appui et cette lumière qui éclaire le monde voudrait-elle se
supprimer, pour quelle raison? En effet, on comprend qu'on veuille faire disparaître un
objet parce qu'il nous blesse et parce que nous croyons que la disparition de l'objet nous
soulagera, qu'elle n'entraînera pas notre destruction, mais comment comprendre que le
sujet poursuive sa propre disparition, qu'est-ce qui dans la vie pourrait blesser la vie
au point qu'elle voudrait la mort?
Haïr,
c'est toujours éprouver de la haine pour un objet autre que soi: dans ces conditions le
sujet ne peut se haïr car ce qu'il haïrait en réalité serait l'objet qu'il ne veut
plus être: il suffit de haïr un égoïsme, une générosité restreinte, une vanité
pour s'en distinguer: le moi n'est plus cela car il ne l'a jamais été, c'est comme un
vêtement qu'il quitte: le soi est au contraire ce qui ne peut échapper à soi.
L'illusion vient peut-être
de ce que, refusant le temps, nous confondons le moi avec un objet, un personnage qui
finit par tellement nous peser que nous voulons nous en débarrasser: nous croyons être
cloué pour toujours à ce personnage comme le soi est cloué à soi: il n'en rien et
l'acceptation de la violence exercée par le temps libère l'espérance et l'amour.
Le moi comme épreuve de soi
ou présence à soi ne peut donc être haï car il est ce qui ne peut être objet, ce dont
on ne peut se séparer, ce dont on ne peut envisager la séparation, ce qui exclut la
distance d'un regard sans lequel un jugement est impossible: autant dire que ce qui ne
peut être jugé ne peut être haï.
* On
prêtera attention aux sens de "haïssable": cela peut renvoyer à
"peut-on", les conditions d'une haine sont-elles réunissables dans la
réalité? Mais cela peut signifier "doit-on", "est-ce notre devoir"?,
dans ce dernier cas on demanderait s'il est de notre devoir de vouloir la disparition de
l'origine de l'autonomie et de la morale...
* On ne
peut demander à un candidat au bac de resituer l'affirmation dans son contexte. Pourtant
ce serait l'occasion de comprendre ce qui rend possible un tel jugement mais cela suppose
la connaissance de Saint Augustin, Cité de Dieu XIV, 28 et
Raymond Sebond: Théologie naturelle CLXX. Comprendre
que l'essentiel est l'oubli de soi, la solidarité, le partage, le dépassement de la
générosité restreinte, le tout devant être distingué du moi. La haine ne portera donc
que sur autre chose que le moi: en haïssant l'égoïsme ce n'est pas le moi qui se hait
lui-même, mais un comportement dont le moi se détache!
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