Quand nous
percevons,
comment savons-nous que nous ne rêvons pas?
Tableau
de définitions
== Sujet délicat, qui peut paraître impossible. Heureusement
Descartes, Kant, Pascal, Schopenhauer, Sartre et en 1956 R. Caillois se
sont attaqué au problème. Nous vous donnons quelques clés.
Quand
Chaque fois que.
nous
L'ensemble des hommes: l'homme comme
être raisonnable sensiblement affecté.
percevons
Percevoir c'est prendre connaissance
d'une chose: "La perception est l'appréhension de la chose à la
fois comme extérieure et comme présente." Ducot.
comment
Par quel critère, par quel instrument
de reconnaissance.
savons-nous
Avons-nous une connaissance certaine,
indubitable que...
nous ne rêvons pas
Nous ne vivons pas comme réels des
événements purement imaginaires
=>Pour la
problématisation. Nous
percevons indique que nous sommes à l'état de veille: lorsque nous
percevons nous avons une connaissance d'une chose extérieure: qu'est-ce
qui peut nous assurer que c'est une perception et non pas un rêve? =>
Comment la perception d'un sujet pourrait-elle porter en elle un élément
prouvant son objectivité? Le subjectif peut-il être garant de
l'objectivité?
=>Pour la recherche
des idées et du plan.
Pour le plan il
possible de suivre l'ordre chronologique, la succession des auteurs
puisqu'ils semblent avoir discuté sur la question posée. La diversité
des thèses marque bien l'embarras et l'aporie de la démarche.
1-
Pour la première partie il est possible de reprendre les critères de
distinction proposés par Descartes, puis par Kant.
2-
La deuxième partie mettra en question ces critères en s'appuyant sur les
critiques de Pascal et de Schopenhauer.
3-
Dans la troisième partie, on explorera la solution proposée par Sartre.
Si la perception est son propre critère il n'y a plus de problème. On
prendra en considération les observations faites par R. Caillois à la
thèse de Sartre.
Le
mouvement de la dissertation oriente vers une réponse nuancée: si
"la réalité est un ensemble de vécus bien liés" (Leibniz),
cela ne suffit pas pour distinguer radicalement la perception et le rêve.
Lectures
incontournables pour la recherche des idées.
Descartes.
(pour la problématique et la première
argumentation.)
- Méditations métaphysiques, I.
"Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d'avoir
souvent été trompé en dormant par de semblables illusions et, en
m'arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu'il n'y a
point d'indices certains par où l'on puisse distinguer nettement la
veille d'avec le sommeil, que j'en suis tout étonné."
- Méditations métaphysiques, VI.
"Mais lorsque j'aperçois des choses dont je connais
distinctement et le lieu d'où elles viennent, et celui où elles
sont, et le temps auquel elles m'apparaissent, et que, sans aucune
interruption, je puis lier le sentiment que j'en ai, avec la suite
du reste de ma vie, je suis entièrement assuré que je les
aperçois en veillant, et non point dans le sommeil."
Kant
- Prolégomènes à toute métaphysique future:
"Voici un doute qu'on peut facilement dissiper, et nous le
faisons constamment dans la vie commune en examinant dans deux cas
la liaison des phénomènes d'après les lois générales de
l'expérience; et si la représentation des objets extérieurs
concorde absolument, nous ne pouvons douter que ces objets ne
doivent constituer une expérience véritable." (p.118)
"La différence entre la vérité et le
rêve ne résulte pas de la nature des représentations qui sont
rapportées à des objets, car elles sont identiques des deux
côtés, mais de leur association, d'après les règles qui
déterminent la liaison des représentations dans le concept d'un
objet, et en tant qu'elles peuvent ou non coexister dans une
expérience." (p.55)
Pascal
(s'interroge sur la valeur des critères proposés)
- Pensées, Brunschvicg, 386
"Mais parce que les songes sont tous différents, et qu'un
même se diversifie, ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on
voit en veillant, à cause de la continuité, qui n'est pourtant pas
si continue et égale qu'elle ne change aussi, mais moins
brusquement, si ce n'est rarement comme quand on voyage; et alors on
dit: "Il me semble que je rêve"; car la vie est un songe
un peu moins inconstant."
"Si nous rêvions toutes les nuits la même
chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons
tous les jours."
Schopenhauer
- Le Monde comme volonté et comme
représentation, PUF
" L'unique critérium usité est tout empirique; c'est le fait
du réveil qui rompt d'une manière effective et sensible tout lien
de causalité entre les événements du rêve et ceux de la
veille." (p.42)
"Si l'on se place, pour juger des choses, à
un point de vue supérieur au rêve et à la vie, on ne trouvera
dans leur nature intime aucun caractère qui les distingue
nettement, et il faudra accorder aux poètes que la vie n'est qu'un
long rêve." (p.43)
Sartre
- L'imaginaire, Bibl. des Idées.
"Cette conscience réflexive me donne tout de suite une
connaissance précieuse: il est possible que, dans le rêve, je
m'imagine que je perçois; mais ce qui est certain c'est que,
lorsque je veille, je ne puis pas douter que je perçoive."
(p.207)
"Le rêve nous apparaît donc tout de suite
avec un caractère de fragilité qui ne saurait appartenir à la
perception: il est à la merci d'une conscience réflexive."
(p.209)
"En réalité, la perception, comme la
vérité chez Spinoza, est index sui, et il ne saurait en
être autrement." (p.210)
R. Caillois
- L'Incertitude qui vient des rêves, 1956
"Pendant qu'elle rêvait la conscience hallucinée du rêveur
croyait bien percevoir et veiller, tout comme elle en est persuadée
maintenant." (p.107)
"Pour la perception, où convient-il de
placer l'index sui qu'on lui suppose... Le malheur est qu'il
advienne qu'on se livre en rêve à une telle comparaison et qu'on
en tire précisément la certitude qu'on ne rêve pas ou qu'on ne
rêve plus." (p.108)
3-Pour
la conclusion
La réflexion
sur le rêve et la perception, semble conduire à une incertitude, à une
aporie, comme si nous nous trouvions devant une difficulté, devant
l'égalité des raisonnements contraires: on est dans l'impasse et on ne
voit pas comment on en sortirait après de si grands penseurs... En ce
sens la certitude serait signe de pensée morte.
Pour
vous aider à mieux comprendre voici deux textes:
- "Le fait dominant est que, sauf rare
exception, le rêveur croit à l'objectivité de ses rêves et
cela pour le simple fait qu'il n'a aucune raison de n'y pas croire
en l'absence de toute possibilité de comparaison avec la vie
éveillée dont il ignore l'existence dans son rêve." Y.
Delage, Le rêve, page 668.
- "Le rêve est ... à la pensée personnelle ce que
serait, à un réseau électrique ordonné, bien isolé, réglé, une
suite désordonnée de courts-circuits entre des câbles
arrachés à leurs isolateurs et inextricablement mêlés."
A. Lamouche, L'homme
dans l'harmonie universelle, page 197.