Étonnez-vous
!
Suivre la raison n'est-ce pas nécessairement se laisser conduire par la seule
raison, renoncer à ce qui est de l'ordre de l'immédiat, qui entraîne à la
violence: aux appétits qui déterminent? Pourquoi poser la question si la
réponse est immédiate?
Compréhension
du sujet: premier effort de définition.
être
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marque la continuité,
l'action orientée, patiente, qui pousse toujours dans le même
sens (s'oppose à devenir, changer "faire" au coup par
coup).
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raisonnable
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ce qui est conforme à
la raison, à la loi morale: faire son devoir par devoir,
indépendamment de tout intérêt sensible, de tout désir
particulier, de tout point de vue: donner la priorité à
l'universel (Montesquieu).
Au sens large, conduite guidée par
la seule raison qui fait preuve de discernement et de prudence.
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renoncer à
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se défaire de
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désir
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bien définir le terme:
chaque élément de définition sera utilisé pour l'argumentation
d'une des parties du devoir:
-1) manque
éprouvé, insatiable
-2) énergie,
force productive
-3) violence à
maîtriser.
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De
la question au problème:
la raison exclut-elle nécessairement tout désir? =>Qu'est-ce qui fonde le
désir? =>Le désir est-il l'essence de l'homme =>le désir est-il
nécessairement violence? =>Comment avoir des raisons de vivre et d'agir sans
le désir? =>Le désir relève-t-il de la raison?
Du
problème au plan:
Première
partie:
ce qui vient immédiatement à l'esprit. Il semble raisonnable de renoncer à
ses désirs.
Deuxième partie:
ce que dit la réflexion. Pourtant l'homme ne peut vivre sans désir.
Troisième partie:
la solution du problème qui permet de répondre à la question posée. Tout
désir n'est pas nécessairement déraisonnable: ce qui est déraisonnable c'est
le désir tant qu'il n'est pas pénétré d'intelligence et de volonté, tant
qu'il n'est pas développé. Il n'est pas raisonnable de renoncer au désir.
La
recherche des idées par questionnement:
I- Pour
quelles raisons il semble qu'il est raisonnable de renoncer à ses désirs.
-
Si
être raisonnable c'est se conduire selon la raison par le choix
autonome d'une loi qu'on se prescrit, d'une loi pour tous, alors ne
doit-on pas exclure ses désirs parce qu'on ne les a pas choisi et
qu'ils sont particuliers? Ne vaut-il pas mieux obéir à la nature,
à l'ordre, se dominer, souffrir, supporter et se taire selon la
sagesse des stoïciens. Selon
eux le bonheur est dans la vertu, seule la vertu compte: il faut
donc être indifférent à tout ce qui relève de la sensibilité,
des désirs, des mirages de l'imagination et nier la douleur. Le stoa
était le portique sous lequel enseignaient les stoïciens.
Comprendre que celui qui vit en harmonie avec la raison (= la nature
ordonnée et divine) échappe aux troubles de la passion (un désir
qui a envahi toute la conscience).
-
Si le
désir est insatiable cela a-t-il un sens de chercher à combler ce
qui ne peut être satisfait? N'est-ce pas mener une vie de
"tonneaux percés" (Platon)?
-
Si le
désir porte sur l'avenir, sur ce qu'on n'a pas encore, il se
détourne du réel présent: rien ne lui résiste, l'imagination
s'exerce pleinement et étend la mesure du possible (Rousseau).
Cela a-t-il un sens de courir après des déceptions?
Transition:
mais cet abandon des désirs ne réduit-il pas une vie humaine à
l'inertie? n'est-ce pas perdre toute raison de vivre?
II-
Pour quelles raisons l'homme ne peut vivre sans désir?
-
Le
désir peut-il être réduit à un simple manque éprouvé? N'y a-t-il
pas dans le désir une force, une énergie? L'essence de l'homme
n'est-elle pas l'existence, la liberté de choisir et de poser des
fins qui trouvent dans le désir la force et l'enthousiasme pour les
accomplir?
-
Qu'est-ce
qu'une vie proprement humaine? Qui pose les fins, qui choisit la fin,
qui donne la force de vouloir? comment la perte du désir
amène-t-elle la perte de la raison, comme raison de vivre et raison
d'agir? La perte du sens n'accompagne-t-elle pas l'absence de désir?
La raison suit-elle le sort du désir?
-
"Ses
désirs": ne peut-on choisir de suivre les désirs dans lesquels
nous nous reconnaissons? nous les ferions nôtre par ce choix. En
s'orientant vers des valeurs rendues désirables par le désir, la
vérité, la beauté, la justice, l'homme n'accède-t-il pas en même
temps au sens de sa vie et à l'autonomie en obéissant à la loi
qu'il s'est prescrite?
Transition:
y aurait-il de bons désirs et de mauvais désirs? N'y a-t-il pas plutôt
des désirs bruts et des désirs couronnés par la connaissance?
III-
Tout désir n'est pas nécessairement déraisonnable.
=> Peut-on
aller contre sa propre essence? Où prendrait-on l'énergie pour un tel
mouvement?
=> La force du désir peut-elle être simplement suivie sans qu'elle ne
dégénère en violence?
=> Développer son essence n'est-ce pas pénétrer le désir de
connaissances véritables, utiliser sa force au service d'une vie
pleinement humaine, libérée de l'erreur, des fantômes de l'imagination.
=> En lui même le désir n'est pas déraisonnable, il oriente vers la
connaissance qui permet la maîtrise de soi. Dire que le désir est
déraisonnable, n'a pas de sens, c'est le confondre avec l'erreur, avec ce
qu'il n'est pas.
Pour
une conclusion.
N'est-on
pas allé trop vite en affirmant qu'il était raisonnable de renoncer au
désir? La précipitation a été source d'erreur. Que nous a appris
l'analyse du désir?
En distinguant le désir et ce qu'il n'est pas, n'avons-nous pas
déterminé que le désir est aspiration à la liberté, condition de
possibilité de la liberté? Est-ce une condition nécessaire? Est-ce une
condition suffisante?
Quelle conséquence pratique de ce bilan du devoir? La liberté est-elle
une donnée ou une puissance à actualiser par un effort de
connaissance?
Lecture
incontournable: Spinoza: Ethique: Livre III, Définitions des
sentiments I, XVII ...
Livre IV, Proposition XVII, XVIII, XXVII, XXXV, XXXVII
Appendice.
Voir
dans Philagora: Le désir - L'existence
- Kant, l'impératif catégorique
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