Rubrique épistémologie
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L'épistémologie
par
Joseph Llapasset.
Qu'es aco... ? Demande
Oui-oui.
Ce
terme me hérisse et je n'écoute plus. C'est
spontané!
Hibou: Disons plutôt, immédiat. Dans ce
cas, pourquoi ne pas essayer de lui donner un sens, une signification en
revenant sur chacun des termes qui le constituent? A la fin du mot tu reconnais le "logos" de biologie, l'étude de la vie? Que reste-t-il
à comprendre, à prendre ensemble?
Oui-oui: il reste épistémè, la science
que Platon distingue de l'opinion: ce serait donc l'étude de la science. Je
vois que tu veux me faire perdre mon temps à étudier une étude!
Hibou: Qu'est-ce qui pourrait t'amener à
réfléchir sur une étude, à réfléchir sur la science par exemple?
Oui-oui: Rien. Si la science est science,
alors revenir sur elle est inutile.
Hibou: Si la science est science, elle
doit avoir un "visage" pareil dans le temps et universel dans l'espace
géographique, un peu comme La Vérité: alors, pourquoi chercher encore si on
sait?
Oui-oui: Mais tu as les yeux fermés par
le soleil! ON CHERCHE toujours, tu m'as souvent répété que l'ambiance
de la science est le provisoire. Rappelle-toi ces malheureux nourrissons que
l'on secouait après la tétée, parce que le lait agité caillait plus vite et
que le lait caillé se digérait mieux! Les "Pôvres"!!!
Hibou: Alors si le produit des
"savants", le discours de la science, est provisoire, ne faudrait-il
pas s'interroger sur la cohérence des principes qui le gouvernent; l'ajustement
des méthodes à l'objet étudié et le fondement des déductions, des
interprétations données au résultat d'une enquête?
Oui-oui: Des exemples!
Hibou: Parce qu'on ne peut faire de la
physique sans faire de la métaphysique, tout discours scientifique se fonde sur
des principes qui semblent immédiatement "évident" et qui, bien
entendu, ne le sont pas, ne se voient pas, car ils dépassent (metha) l'observable
(physique): par exemple Galilée substitue au principe de la qualité celui de
la quantité comme te le montrent ces deux affirmations:
Alors que Aristote affirme "Le lourd et le léger sont par nature et par
essence définis l'un par le bas, l'autre par le haut (= qualité)" -
physique VIII, 4, 28
Galilée affirmera que "L'accroissement de la vitesse
augmente avec l'extension du temps."
Oui-oui: Ah! Galilée savait.
Hibou: En un sens oui, en un sens non,
car si on le suit, alors tous les astres décrivent des orbites circulaires: c'est
le plus simple qui est vrai!
Le principe interdit la prévision de phénomènes
complexes... comme l'ellipse etc. Il ne faut pas se hâter de dire que le discours d'Aristote est faux, que le
discours de Galilée est vrai.
Chaque discours doit être rapporté à ses
principes: quand il s'agit d'un savoir, aux différentes conceptions du savoir et
de l'étant, à leur fondement: l'épistémè grecque n'est pas la scientia du
Moyen Âge ni la science contemporaine.
La cohérence ne se déroule qu'à
l'intérieur d'une époque car, à chaque époque, le savoir a une manière
propre de s'articuler: par exemple à la Renaissance, le savoir tient sa rigueur
du concept de ressemblance. (Lire l'exposé
de Olivier Delobel sur le livre de Michel Foucault, Les Mots et les Choses).
Alors, comprendre Aristote c'est
rattacher le discours d'Aristote à l'explication de l'étant propre à l'épistémè
de l'époque.
Oui-oui: il n'y aurait pas de vérité
absolue, un peu comme dans les géométries.
Hibou: Les conceptions d'Aristote et de
Galilée ne diffèrent donc pas par le "degré", mais par les points
de vue premiers dont elles sont déduites.
C'est comparable à un discours
hypothético-déductif, du genre SI ... ALORS ..., qui garde toute sa
valeur pour celui qui reste dans le même domaine des définitions premières,
avec cette différence qu'Aristote et Galilée cherchent plus que la
vérité formelle, une adéquation de leur discours à la réalité.
Par exemple, la géométrie d'Euclide ne relève pas de la Vérité mais de la
cohérence des déductions avec le point de départ: une fois admis ce qu'elle
postule, les déductions rigoureuses deviennent "vraies" au sens où
elles s'imposent par tautologie , tant qu'on ne change pas les points de départ
(actuellement
on parlerait d'axiomatique) admis.
Elles deviendraient fausses ou vides de sens si on admettait le point de
départ de Lobatchevski ou de Riemann, si on les référait à un autre système
de propositions premières.
Oui-oui: Et pour l'ajustement des
méthodes à l'objet?
Hibou:
Pour l'ajustement des méthodes à l'objet étudié, on s'interroge:
par exemple, sur l'application du
quantitatif à l'homme, à une existence, une subjectivité, dans la mesure où
on ne peut mesurer que ce qui est dans l'espace, car mesurer, comme le remarque
Bergson, consiste bien à comparer deux espaces.
Ou encore les méthodes de la
biologie, les problèmes méthodologiques des sciences de la vie: quel est
leur objet, la vie ou le système vivant? Peut-on expliquer par des
processus physico-chimiques antécédents, sans tenir compte de la finalité
du système vivant, une sorte de projet: se nourrir et se reproduire?
Oui-oui: Je comprends pourquoi
"l'incertitude économique" de Pierre Monfraix trouve sa place dans la
rubrique ÉPISTÉMOLOGIE.
Ai-je bien compris? L'épistémologie c'est la réflexion (le retour
sur) critique (qui s'efforce d'utiliser la raison pour séparer le cohérent
et l'incohérent) sur la science.
Hibou: exactement, c'est toi qui l'a
dit ... selon le terme français, du moins.
Oui-oui: Quoi! serait-ce, oiseau de nuit,
que l'Anglais dirait autre chose?
Hibou:
"epistémology"
correspond au français "gnoséologie" comme théorie de la
connaissance en général.
Epistemology:... Which investigates the origin, structures, methods and validity
of knowledge (Runes, Dict of philosophy). C'est bien un monde de sens que fait jaillir une langue.
Oui-oui: Que vas-tu choisir? A qui vas-tu
donner raison?
Hibou: Aux
deux; pour cette rubrique de
Philagora que nous dédions d'abord à ceux qui préparent une carrière
scientifique, nous suivrons la définition de Van Riet: "Établir les conditions, la valeur et les limites de la connaissance
humaine", ce qui nous permettra, aussi de nous interroger sur la
métaphysique...
Oui-oui: Ah, je vois, ou plutôt je
comprends, les agrégatifs... Mais tu me dis souvent que le livre est
irremplaçable pour accéder à la culture. Que me conseilles-tu de lire?
Hibou: Tout
d'abord:
chez Magnard, qui
souvent a 15 ans d'avance, dans la collection philosophie critique, LA
SCIENCE, Epistémologie
générale de Bartholy, Despin, Grandpierre: une suite de cours
illustrés de très nombreux textes. Un livre engagé qui ne cache pas son
engagement.
Puis l'incontournable livre de Robert Blanché: L'Epistémologie, PUF. 1972