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Michel FOUCAULTLes Mots et les Choses, Archéologie des sciences humaines, Gallimard, NRF, 1966.

Exposé: La classification dans Les mots et les choses.
Contribution de Olivier DELOBEL
(étudiant en maîtrise de philosophie à l'UPMF de Grenoble)
Première partie

   1) Aux XVII° et XVIII, c'est avec l'émergence de l'histoire naturelle que la classification apparaîtra comme une étape essentielle voire comme l'objet de l'activité scientifique. Contrairement aux interprétations historiques qui voyaient dans l'apparition de l'histoire naturelle, une réponse à l'échec du mécanisme inauguré par Descartes, Foucault leur trouve une origine, un socle communs. C'est ici que nous retrouvons les profondes différences opposant les epitémè de la ressemblance et celle de la représentation; en l'occurence en ce qui concerne l'approche des êtres vivants. Jusqu'à Aldrovandi, faire l'histoire d'une plante ou d'un animal consistait à recueillir l'ensemble des signes pouvant constituer leurs marques. Car, répétons-le, les signes faisaient partie de ces êtres. Dès lors, on pouvait trouver, leur concernant, des renseignements tels que: ses vertus, les légendes et histoires s'y rapportant, les blasons où ils figurent, les aliments qu'ils fournissent,... etc. Il ne pouvait donc y avoir d'Histoire naturelle puisqu'il n'y avait que des histoires.
    Par contre, l'âge classique conçoit l'histoire d'une tout autre façon: elle consiste à poser un regard minutieux sur les choses elles-mêmes et à transcrire ensuite ce qu'il recueille dans des mots neutres et transparents. Ainsi passe-t-on à la Renaissance de la représentation, issue si l'on veut de la perception, à la représentation clarifiée parce qu'analytique du langage, sans recours aucun à la similitude. Aussi Foucault indique que "l'histoire naturelle a pour condition de possibilité l'appartenance commune des choses et des mots à la représentation".
Dès lors, les documents de cette nouvelle histoire ne sont pas d'autres mots (textes, archives,...) mais la nature elle-même où les êtres (et non plus leur marque) se présentent les uns à côté des autres dans des herbiers, des jardins et "rapprochés selon leurs traits communs, et par là déjà virtuellement analysés et porteurs de leur seul nom". Ainsi l'analyse de la représentation des êtres vivants opérée par le langage de l'histoire naturelle nous ouvre un monde ordonné. Rappelons en effet que, d'une façon générale, la réflexion et surtout le langage sont déjà des formes d'analyse de la représentation et donc instance d'ordonnancement et de classification des choses. De ce fait, faire l'histoire des êtres, c'est leur appliquer un ordre, les classer selon leurs traits communs. Autrement dit, l'histoire naturelle doit répondre à une mathesis par la classification des êtres vivants en taxinomies.
    A ce niveau de notre réflexion, une question doit être posée: comment véritablement découvrir cet ordre, ce tableau des identités et des différences dans les choses et à partir du langage?

   2) Nous venons de souligner le fait que l'histoire naturelle est rendue possible par l'appartenance commune des choses et du langage à la représentation d'une part et par l'analyse des représentations qu'effectue spontanément le langage ordinaire et que la science n'a qu'à clarifier. Ceci permettait, avions-nous précisé, d'établir un ordre, une classification des êtres vivants et de répondre au projet fondamental de l'épistémè de la représentation, à savoir l'élaboration d'une mathesis universelle.
Cependant une difficulté majeure demeure: "l'histoire naturelle n'existe comme tâche que dans la mesure où les choses et le langage se trouvent séparés. Elle devra donc réduire cette distance pour amener le langage au plus près du regard et les choses regardées au plus près des mots" (p. 144). L' élément-clef qui permettra d'assurer ce rapprochement, c'est la structure obtenue par la description et son analyse. Relevons déjà qu'il constitue (sous la forme du caractère) le fondement de la classification dans l'histoire naturelle.
    L'observation à l'âge classique ne donnera accès qu'à un monde spatial. Aussi les objets observés sont-ils de l'ordre de l'étendue et c'est celle-ci qui constituera la structure des choses et, ce sous quatre formes que je ne me bornerai qu'à citer:
1) la forme des éléments (la morphè grecque si l'on veut); 2) la quantité des éléments; 3) la manière dont ils se distribuent dans l'espace; 4) la grandeur relative de chacun.
   Ce qui importe avant tout, au niveau de la problématique du rapport langage/chose à l'âge classique, c'est que grâce à la structure n'importe qui pourra effectuer la même description au sujet d'un individu. Par exemple, tout un chacun pourra vérifier qu'une fleur donnée est circulaire ou hexagonale, que sa tige a telle taille,... etc. Foucault souligne ce point en écrivant qu' "en cette articulation fondamentale du visible, le premier affrontement du langage et des choses pourra s'établir d'une manière qui exclut toute incertitude" il ajoute encore: "la structure, en limitant et en filtrant le visible lui permet de se transcrire dans le langage" (pp. 146-147). Dès lors, la description, à partir de la mise en évidence de la structure, plonge l'histoire naturelle dans une entreprise de mise en série, de classification  des êtres vivants et ce avec la garantie d'une langue bien faite, transparente. Cette classification peut maintenant correspondre vraiment au projet classique de la mathesis. Comparer les êtres vivants, les mettre en série, les disposer en taxinomies... bref classer et ordonner, voilà la tâche de l'histoire naturelle.

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Rubrique PHILOSOPHIE

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