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 Parcours initiatique par Joseph Llapasset
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George SAND 

Bicentenaire de sa naissance: 1804-2004

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La Marquise. Le prélude d'une oeuvre née de la Vie.

  Tournée, par le désir, vers le Beau, le Juste, le Vrai, ces trois éclats du Bien, La Marquise a longtemps souffert de la pauvreté du sensible, de ces existences qu'elle rencontre , aliénées au paraître  comme  à la générosité restreinte; pour tout dire, figures bien pauvres d'une société animale dont, croit-elle, pourrait seule la sauver une rencontre: la rencontre d'un homme qu'elle puisse aimer "assez pour jeter un peu de poésie sur les faits de la vie animale." (George Sand, La Marquise, Ed. Mille.et.Une Nuits, page 18).

  Si la vraie vie est absente c'est qu'elle ne peut pas se voir, elle ne peut que se rencontrer dans la fiction: au théâtre qu'animent  le rêve et l'absolu, dans une re-présentation, une peinture qui ne peut se consommer.

  A l'horizon du coup de foudre, du mirage, se profile toujours la déception qui renaît sans cesse de l'écart entre le désir et le plaisir: le désir, comme manque éprouvé, est d'abord, épreuve de soi, plénitude d'une conscience de soi , peuplée pourtant des rêves d'une imagination qui étend à l'infini la mesure du possible. Au contraire, le plaisir, est toujours guetté par ce qu'il n'est pas et qui pourtant le précède, lui succède, la soif et la perte de conscience accompagnant inéluctablement son paroxysme, dans un repliement sur soi qui semble annuler la présence de l'autre et marquer sa disparition. Le plaisir ne peut donc satisfaire le désir.

  Ce que le romantique rêve, ce qu'il pense en s'élevant à l'absolu (ce qui a sa raison d'être en soi) ne sera donc jamais ce qu'il voit, comme pour ce roi Midas, qui ne peut se nourrir de ce qu'il atteint.. Ce Romantisme sentimental ne peut alors aimer que l'amour dans une poursuite de pauvres existences qui le déçoivent toujours, pour peu qu'il les atteigne et les prenne dans ses mains . La chasse finit par être la fin poursuivie et n'est donc jamais abandonnée. Car on n'échappe pas au désir qui désire l'impossible parce que l'existence, soumise à la violence inconcevable du devenir, ne peut jamais s'offrir que comme reflet d'une absence.

  La Marquise cherche à fuir l'infini qu'elle porte en elle, à s'en décharger sur un reflet qui sauverait le sensible de sa pauvreté. Or si la Beauté et la Morale font briller Lélio aux yeux éblouis de la Marquise, cela tient-il au regard de la dame ou à une présence effective dans l'acteur? La lumière éclaire mais ne se donne jamais à voir et c'est peut-être le désir qui éclaire Lélio plus que le Beau et le Bien. Autant dire que le désir affirme dieu en Lélio:  à ce compte  aimer Lélio annulerait la distance et la soif, la sécheresse, ce manque éprouvé des grandes eaux vives que fait miroiter le désir.

 Mais le regard creuse toujours une distance qu'il ne pourra jamais franchir que par un autre regard ... Et le sentiment restera dans sa solitude radicale, dans un auto-donation, dans sa profonde désolation d'avoir cru échapper à soi par la passion.

  Les quatre parties découpées dans l'œuvre de George Sand ( voir cette page ), retrouvent alors leur unité profonde dans cet écart creusé entre le désir et le plaisir à partir d'une déception toujours renouvelée. La Marquise va alors mourir au monde. Pour George Sand il y aura, au contraire, quatre chemins possibles, ouverts par l'insatisfaction:
- Une conquête toujours poursuivie: aimer l'amour comme Don Juan. Le Romantisme sentimental.
- L'action généreuse pour réaliser toujours davantage les valeurs: le Socialisme mystique.
- La contemplation: la reconnaissance de la force et de la grâce rurale: la Vocation rustique.
- L'écriture qui d'une certaine manière peut tout sauver: le Retour au romanesque.

  On comprend mieux pourquoi l'œuvre de George Sand reste vivante: pour dire simplement, l'œuvre  a pour origine la vie: sa puissance s'enracine dans le sentiment, dans l'effort pour échapper à soi et pour se retrouver en autrui. Le sentiment, qui se saisit dans une étreinte de soi par soi, cherche à se voir parce qu'il est lumière, présence à soi, mais ne peut se voir parce qu'il ne trouve devant lui que des équivalents objectifs. Toute action créative et singulièrement l'écriture, a sa source dans le sentiment, dans les cris et les chuchotements de cette passion fondamentale du désir qui ne peut se  voir  qu'en disparaissant: dans cet immense effort, à l'image d'un dieu vivant, George Sand devient ce qu'elle est, créatrice. 

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