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George
SAND
Bicentenaire
de sa naissance: 1804-2004
Parcours
initiatique par Joseph Llapasset
La
Marquise (1835)
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Fantastique
Marquise, admirable
George Sand !
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Fantastique Marquise, sur laquelle George Sand va s'appuyer comme
sur un contrepoint, un chemin que l'on emprunte pour l'oublier.
Sainte Beuve, Balzac, Dostoïevski, admireront ce récit, cette
oeuvre écrite par George Sand à trente et un ans, cette création
d'un modèle, d'une tentation, d'une route qu'elle ne suivra pas,
une simulation qui lui permet de se sauver de cette mort à
elle-même que vit le personnage de la Marquise. Cela revient à
exorciser le désespoir, en choisissant non seulement de vivre avec
lui mais d'en faire un tremplin de l'action.
La marquise fit une pause; puis, avec un sourire sombre, et en se décomposant elle-même comme une ruine qui s'écroule, elle reprit:
"Depuis ce moment, je n'ai pas entendu parler de lui."
La marquise fit une nouvelle pause, plus longue que la première; mais, avec cette terrible force d'âme que donne l'effet des longues années, l'amour obstiné de la vie ou l'espoir prochain de la mort, elle redevint gaie, et me dit en souriant:
Eh bien, croirez-vous désormais à la vertu du XVIII è siècle ?
- Madame, lui répondis-je, je n'ai point envie d'en douter; cependant, si j'étais moins attendri, je vous dirais peut-être que vous fûtes bien avisée de vous faire saigner ce jour-là.
- Misérables hommes! dit la marquise, vous ne comprenez rien à l'histoire du cœur! ".
(La Marquise)
Texte de
référence: Édition MILLE..ET.UNE.NUITS (dernières
lignes, page 53). |
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A la concision classique, à la sécheresse, au tragique de la
Marquise, George Sand va préférer la prolixité du verbe, au
narcissisme exigeant de la Marquise qui n'aime que soi elle substituera
la multiplicité des aventures sentimentales , charnelles et , au repliement sur soi, au masque de la soumission devant un
monde désolé qui ne comprend rien à l'histoire du cœur, parce
que les hommes traduisent l'amour en termes de besoin pour ne pas
dire d'autre chose, et que les femmes désirent l'absolu notre
auteur opposera la revendication du droit de douter , de
revendiquer, de donner des ailes au désir d'une femme. George
préfère ouvrir l'avenir par le scandale comme mouvement
perpétuel: à la Marquise elle s'oppose pour se poser. Elle reprend
la force d'âme de la Marquise, son amour obstiné de la vie pour
les tourner contre l'hypocrisie de la société, pour mener ainsi un
bon combat, jusqu'à sa mort en 1876. Un combat pour la liberté et
donc pour l'humanité.
-
Reste que la Marquise est fantastique parce qu'elle a pour fonction
de dénoncer un asservissement d'autant plus fort qu'il prend le
masque de la morale et du devoir: les femmes sont ainsi enterrées
vivant dans une société qui les refuse comme désir et par là
leur dénie la liberté et l'accès à l'absolu: cela revient à
mépriser les femmes, à ne pas les respecter: à partir du moment
où elles ne sont plus des fins en soi, elles sont considérées
comme des choses, comme des moyens pour les hommes; pour elles, ni
liberté, ni égalité mais le simple droit de se taire érigé en
devoir. Par une imposture radicale de l'homme, la femme se voit
assignée un poste à tenir: l'aliénation dans le silence, le droit de douter
étant occulté par le devoir de fidélité à d'énormes normes
sociales.
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Admirable George Sand qui tourne la force d'âme de la Marquise vers
la Vie, qui ne cèdera jamais à l'espoir de la mort mais lui
préfèrera toujours la violence de l'espérance dans la vie.
Si la vraie vie est absente, on se battra pour elle, si autrui reste
un lointain et un brouillard, on va quand même vivre avec soi en
essayant de le rencontrer; si on n'aime jamais que soi, on va quand
même s'aimer en multipliant les rencontres, si l'absolu est un
être de fuite, on se battra pour le désir en aimant le prochain
d'un amour fou, au risque de ne plus aimer que l'amour. En se battant pour les droits, on se battra pour
toutes les femmes, en se libérant, on les libèrera par l'exemple,
puisque, aussi bien, aimer c'est libérer et se libérer.
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C'est dire l'échec de ceux qui veulent à tout prix
réduire une oeuvre à une vie et du même coup l'échec de
ceux qui veulent comprendre une oeuvre comme autre chose
qu'un immense effort pour se réapproprier sa vie sans
jamais fuir l'infini qui habite le désir.
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C'est dire qu'il serait vain de faire des distinctions dans l'œuvre
de George Sand qui n'est qu'un seul grand texte, un Livre:
le romantisme sentimental, le socialisme mystique ont la
même origine: le sentiment qui s'étreint soi même. Le
même élan anime donc les multiples aspects de l'œuvre.
Que serait l'action sans l'infini des cieux et sans la
pitié?Que serait le moi sans le désespoir?
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N'oublions jamais que Georges Sand, dans sa resplendissante
humanité, comme nœud de relation, multiplie les influences,
les accueille, s'ouvre comme une éponge, reçoit et enfante
des enfants de son cœur, crée du neuf avec de l'ancien, au
gré de son désir et de sa balance intérieure. Une
Marquise si l'on veut, mais la Marquise de l'espérance;
elle se cogne toujours aux barreaux des sociétés closes,
aux damnés qui fuient l'infini, mais elle ne renonce jamais
à remonter sa pente naturelle comme un guetteur de l'absolu
dont la mission, la vocation est d'être facteur du
progrès. |
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