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De
l'intersubjectivité et d'internet
-Chapitre
1-
-"Au-delà du tiers exclu et du tiers
donné: le tiers recomposé".
de Joseph |
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1.
En quelques
lignes -(Introduction à la métaphysique, oeuvres, Ed. du centenaires p.1394)- Bergson
marque l'échec de l'expression verbale, ce qui semble limiter la communication entre deux
sujets: vouloir communiquer l'apparition à moi-même d'un point de vue singulier, une
impression simple, celle que laisse un vers d'Homère, exigerait un discours infini:
traduction, commentaire, explication, explication de l'explication ... Comment le mauvais
infini d'une énumération inépuisable, comment la multiplicité dégradée finirait-elle
par exprimer l'absolu, ce qui coïncide avec soi, ce qui est le propre d'une personne, ce
qui se recueille dans l'unité d'une "perception simple" ?
Il faudra donc distinguer l'absolu que seule l'intuition
peut donner du relatif, du commun que l'analyse pourra toujours mettre en évidence. En
effet, rejeter ce qui est commun comme ce qui ne peut déterminer adéquatement l'absolu
c'est exclure le langage comme facteur de communication des essences puisque les mots
rassemblent par des traits communs (concept: ce avec quoi je prend, ce qui rassemble par
quelques traits communs et manque donc nécessairement l'absolu, le propre).
Chacun serait alors condamné à un terrifiant solipsisme
si n'intervenait "l'intuition" comme acte de pénétration dans l'autre pour
"coïncider" avec cette perception simple qui le caractérise.
Il nous faut donc interroger Bergson sur cette
"intuition": non le terme général qui suggère le coup d'œil, le regard, car
on voit mal comment un regard, même rapide, qui découvre un corps pourrait faire autre
chose que le circonvenir, en faire le tour, multiplier des perspectives à l'infini:
autant d'écarts, de manières de s'éloigner de la simplicité, de l'unité, de la
perception simple qui habite l'autre.
L'intuition bergsonienne est une "saisie", ce qui
signifie que ce n'est pas un regard qui ne ferait que rebondir sur un objet extérieur
situé dans le cadre de l'espace. C'est dire que le corps que je vois ne me donnera jamais
qu'une multiplicité d'images sans unité, séparées d'elles-mêmes et de moi par une
distance infranchissable puisque, avec l'espace, en juxtaposant tout, j'ai perdu la
dimension qui peut seule "réaliser" l'unité de la multiplicité, la mêlée du
continu et du discontinu, la durée. Le mouvement de pénétration dans l'objet ne
s'effectue donc pas dans l'espace. Voilà pourquoi "l'intuition porte avant tout sur
la durée intérieure qu'elle saisit" (oeuvres Ed. du centenaire, p.1272). Comprenons
que l'intuition s'oriente d'abord vers l'immédiat donné dans la profondeur du moi, alors
qu'on s'attendrait à ce qu'elle se dirige plutôt vers l'objet qu'elle veut pénétrer.
Que saisit-elle, cette intuition? L'intuition bergsonienne
est à l'opposé de la vue qui exige la bonne distance, l'écart des objets juxtaposés,
parce qu'elle n'est rien d'autre que l'expérience vécue d'une identification du sujet et
de l'objet, de sorte que, pour connaître, il faut être ce qu'on connaît. "Une
croissance par le dedans" répond Bergson: un présent qui prolonge le passé et qui
empiète sur l'avenir sans pour cela qu'il y ait pure et simple répétition du même.
"Croissance" parce que création et développement, "par le dedans"
parce que auto fondatrice d'elle même.
Qu'est-elle? Une vision sans déchirement, sans distance,
puisque le sujet, l'esprit est ce qui se saisit lui même: c'est la transparence: il n'y a
en effet "plus rien d'interposé" entre l'esprit et lui-même, il y a contact et
"même coïncidence" (oeuvres p 1273). On n'est pas loin de la pure présence à
soi de la conscience. Le point de départ de l'intersubjectivité est la certitude de
l'immédiat. |
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2.
Mais
tout le chemin reste à parcourir car dans le texte cité au début de ce chapitre,
l'auteur parlait de coïncidence avec un objet, de pénétration dans l'objet pour
coïncider avec ce qu'il a d'unique. L'intuition ne peut donc être uniquement l'intuition
de nous-même. Est-ce à dire que la séparation des consciences peut être réduite par
l'intuition? La réponse affirmative de l'auteur semble mal fondée par deux sortes de
propos. Si l'espace sépare les corps et les distingue nettement cet acte de juxtaposition
n'a pas sa raison d'être entre deux consciences qui ne relèvent pas de l'extériorité
spatiale. Alors on peut affirmer que les deux consciences seront plus proches que les
corps. Ce premier argument ne nous dit rien du mouvement par lequel l'intuition accède au
point de vue unique dans l'objet. L'auteur se contente alors de "faits" pour
souligner ce qu'ils impliquent: par là Bergson montre davantage l'existence d'une
intuition, son résultat que ce que peut être son mouvement réel. Sympathie et
antipathie spontanées "devinent" le point de vue d'autrui . Ces faits attestent
l'existence d'une "interpénétration des consciences" sans laquelle ils
seraient, selon l'auteur, inexplicables. La suite du texte montre un Bergson intéressé
par une communication avec la vie, avec tout ce qui participe à la spiritualité, la
communication intersubjective n'étant qu'un cas particulier. Cela nous laisse avec pour
toute argumentation des affirmations et quelques exemples qui ne sauraient tenir lieu
d'une description. Deux pages plus loin l'auteur donne plus et définit l'intuition
autrement, comme une "pensée en durée" qui échappe donc au voir et au
prévoir, ce qui revient à dire que, même si on lui accorde que l'intuition pénètre
dans l'objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique, cette coïncidence ne donnera rien
de stable ni aucun futur de cette durée créatrice qui interdit la prévision. On
comprend mal alors comment la sympathie ou l'antipathie peuvent être
"divinatrices" puisque la nouveauté de l'acte générateur, par essence, ne
peut se prévoir. Voilà donc une intuition bien paradoxale qui s'efforce d'aller dans un
ailleurs que rien ne pourra distinguer d'elle-même tout en restant en elle-même comme
"saisie" d'une "continuité ininterrompue d'imprévisible nouveauté"
(oeuvres p.1275).
Et pourtant la cohérence de cette pensée ne peut
être mise en doute. La sympathie est possible parce que la durée n'est rien d'autre
qu'un acte en quoi consiste le mouvement de l'absolu, de l'être en devenir. non seulement
on échappe ainsi au dilemne, ou bien le "je pense" ou bien le "moi
empirique", mais encore, en s'installant dans l'absolu comme moi profond ou tiers
donné, l'auteur découvre l'intuition de la donnée immédiate comme acte de connaissance
qui "coïncide avec l'acte générateur de la réalité" (Ecrits et Paroles II
p. 302).
Voilà pourquoi le mouvement vers l'autre semblait se
détourner de l'objet posé dans l'espace: il se tournait vers l'immédiat, un acte, parce
que l'absolu du moi profond et l'intérieur de l'objet sont des actes. Seul un acte
pourrait épouser (coïncider avec) un autre acte et si connaître c'est être, seule une
participation du moi profond, en tant qu'acte, participation à l'intériorité de l'autre
peut assurer l'intersubjectivité. C'est bien une pénétration dans l'objet qui
s'effectue et l'intersubjectivité aurait pour fondement cet acte créateur, mode de
l'élan vital générateur de toute réalité, la matière n'étant qu'une détente. A
tout objet on attribuerait donc "un intérieur et comme des états d'âme, ce qui est
sympathie".(Oeuvres p.1393). Disons que l'autre se trouve en quelque sorte inscrit
dans cette durée du moi, profond comme une tension sympathise avec une autre tension.
Comprenons que tout repose sur le postulat selon lequel tout durerait, que tout est donc
suspendu à cette hypothèse. Ce n'est donc pas l'intuition certaine d'autrui que nous
donne la durée mais l'intuition de nous-mêmes qui mèle mystérieusement le continu et
le discontinu. Et l'intuition ne peut jamais s'assurer de la coïncidence avec cet autre
absolu qu'elle suppose plus quelle ne latteint.
En effet, si cette expérience en autrui, dans ce qu'elle a
de propre, ne peut être exprimée par la diversité des mots elle ne pourra pas être
communiquée pour qu'autrui la confirme ou l'infirme. Or qu'est-ce que l'expérience de
l'unique en autrui qui ne peut se dire sinon une perception -simple- de- ce- qu'autrui
-perçoit- simplement, qui ne pourra jamais être comparée à celle qu'autrui perçoit?
Car comment autrui pourra-t-il comparer sa perception simple à celle que je prétends
éprouver en lui si je ne puis lui communiquer ce que l'intuition m'a donné? Si
l'intersubjectivité exclut ce qui est détermination commune, le sujet est condamné soit
à rester lui-même, seul, soit à devenir l'autre en se perdant dans ce devenir, sans ce
qu'on sache comment. Ainsi nous sommes condamnés à un dilemme selon le principe du tiers
exclu.
Il est bien évident que tout le passé de Pierre cette
longue "phrase" m'échappe et avec lui tout ce que la perception simple peut
devoir à la continuité de ce passé. Reste le discontinu par lequel apparaît cette
perception simple c'est à dire l'instant créateur, l'absolu du sujet. Mais alors, dans
une telle perspective, l'intuition devient inutile: le sujet a-t-il besoin de pénétrer
dans "l'objet" pour coïncider avec la discontinuité de l'intuition simple, ce
qu'il est lui aussi? L'intuition nous donne-t-elle "le même", et je demeure, ou
"l'autre" et je disparais? Où sera la différence entre deux absolus qui ne
sont que création de soi par soi?
L'intersubjectivité se fonde donc ici sur la donnée
immédiate constitutive de chacun et la communication ne peut se concevoir que comme
intuition, sympathie par laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour
coïncider avec ce qu'il a d'unique. Intersubjectivité bien paradoxale s'il faut pour
coïncider avec autrui, devenir autrui, ce que l'on était déjà. Or il ne peut y avoir
deux absolus: qu'est-ce qui les distinguerait? Bien sûr l'espace permet de distinguer
deux unités identiques juxtaposées, mais l'absolu ne relève pas de l'espace, n'est pas
un acte de l'esprit. Tout ce qui relève de l'espace relève du relatif, d'une
définition, et donc d'une négation. L'absolu ne peut donc rester que dans sa solitude
monadique.
Mais, dans ce qu'il faut bien appeler avec l'auteur une
pénétration dans "l'objet" nous voilà de nouveau, embarqués dans un
dilemme:
de deux choses l'une, ou-bien le sujet est semblable à l'autre et l'intuition, au
processus problématique, n'est plus utile puisque le moi profond trouve l'autre en lui,
ou bien autrui est différent de par la continuité de sa durée et alors l'intuition est
l'engagement dans un processus qui consiste à devenir autre ce qui ne concerne plus que
l'un des deux sujets: si je deviens Pierre c'est Pierre qui se perçoit et non moi puisque
je ne suis plus ce que j'étais: si je me suis perdu, il n'y a plus qu'un sujet. |
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3.
Comment
continuer à parler d'intersubjectivité? Et le terme "d'objet" choisi avec soin
par Bergson suggère bien que tout objet est aussi en quelque sorte sujet. Il devient
difficile d'échapper au panthéisme. L'intérêt de cette pensée est moins dans la
solution proposée que dans la question, le problème qu'il permet de poser et les
difficultés qu'elle rencontre.
La question: qu'est-ce que le dedans d'un objet et en
particulier de ce corps qui ne s'apparaît comme objet que parce qu'il s'apparaît à
lui-même d'abord, dans ce que Bergson appelle une perception simple, sans dédoublement
d'un sujet et d'un objet, dans une non distance qui est coïncidence d'un acte avec
lui-même?
Le problème: comment ce "dedans" peut il
accéder à un objet posé devant lui comme un obstacle, autrement que sur le mode d'une
extériorité radicale? Comment trouvera-t-il une "fenêtre" dans cet objet
qu'il a construit et dans lequel il ne peut retrouver que ce qu'il a mis, -fenêtre grâce
à laquelle il conjurerait le solipsisme dans lequel la perception simple semble
l'enfermer? Quelle "fenêtre" trouvera-t-il en lui pour effectuer ce mouvement?
S'il est exclu qu'un mouvement spatial de pénétration dans objet obtiennent autre chose
que des explications, des processus réguliers objectifs de plus en plus ténus mais
toujours de l'ordre de ce qui se déplie dans l'espace, alors on devra dire qu'une telle
exposition ne peut aboutir à une compréhension. D'où l'importance de l'incontournable
diagnostic dans tout acte médical. Il reste donc, en conséquence, que le mouvement de
pénétration sera nécessairement temporel.
Les difficultés: si l'existence de l'intersubjectivité
est attestée lexistence incontestable de lhumanité, par l'humanité, les
difficultés se lèvent lorsque l'on veut déterminer cette existence du sujet et de la
communication entre les sujets, leur donner un contenu. Le terme intersubjectivité
comprend en effet à lui tout seul un double jugement d'existence:
a) la subjectivité caractérise ce qui est
propre à un sujet, ce qui revient à affirmer, à tort ou à raison, l'existence du
sujet, ce qui est jeté dessous par opposition à l'objet, ce qui est jeté devant.
b) Qu'il y ait intersubjectivité
signifierait qu'entre un sujet et un autre sujet jeté devant lui, comme un objet, une
communication existe.
Cette double
affirmation de l'existence de sujets et d'une communication "semble" exiger une
double tâche qui exténuera notre siècle: exhiber dans lumière de l'évidence ce qui
est propre à un sujet, ce qui rassemble dans l'unité ses états de conscience, ce qui le
caractérise comme ce "dont tout le reste est prédicat" (Aristote M 1029 a), et
comment l'objet qu'il présente à autrui peut refléter quelque chose de ce qui lui est
propre. Non sans naïveté, la philosophie s'est engagée dans ces chemins qui ne
mènent nulle part.
Comment ce qui est placé dessous peut-il apparaître dans
ce qui est placé devant, comment ce qui est placé devant, l'objet, peut exprimer ce qui
placé dessous, le sujet? Comme si on voulait à tout pris confondre et identifier
l'absolu et le relatif! On voit que cette tour de Babel condamnait à une double quête:
celle des données immédiates de la conscience pour exhiber la manifestation du sujet
dans son apparaître à lui-même en la "transportant" sous la lumière crue de
l'objectivité; une théorie de l'expression, de la manifestation du sens au regard, à la
vue. Les tentatives de réalisations occupent la recherche d'un XXème siècle à genoux
devant la science.
Évitons ces deux écueils qui reviennent à fuir le
problème en ramenant insidieusement le sujet à ce qui n'est pas lui, à sortir du thème
de l'intersubjectivité et à parler d'autre chose que de l'homme ce qui amène à
confondre le sujet et l'objet et à se donner des réponses toutes faites grâce au
panthéisme.
Entendons nous bien sur le terme "enquête": il
ne doit pas prédéterminer l'objet de la recherche comme devant être nécessairement vu
dans une évidence car vouloir exhiber dans la lumière un fondement, un sujet, c'est à
proprement parler vouloir mettre devant, comme un objet, ce qui est dessous, comme un
sujet. L'opération est impossible et le sujet parce qu'il n'est pas un objet ne paraîtra
jamais dans l'évidence de la lumière qui ne peut éclairer que des objets. Alors la
simple hypothèse qu'un objet puisse refléter un sujet devient absurde puisque la
lumière ne peut éclairer que ce que l'absolu semble avoir déserté. Ce qui devrait
conduire, non pas à renoncer au sujet et à l'objet, ce qui serait "refuser le
sujet", mais à les repenser en les distinguant des illusions et des impasses qui les
ont recouverts au lieu de les développer, comme si l'histoire, au lieu de développer le
fondement avait cherché à l'effacer, recouvrant la statue de Glaucus sans pour cela la
faire disparaître. Renoncer à l'illusion, satisfaction imaginaire d'un désir ce n'est
pas faire disparaître le désir ni le sujet qui surgit avec lui. Que les philosophes
idolâtrent le "voir" et se désolent de ne pouvoir établir que les sujets se
voient, trahit leur horreur du solipsisme, qui ne les quitte jamais. Ils entament une
course aux données immédiates car, à leurs yeux, seul le donné peut être fondement
d'une existence. Et comme ils ne trouvent aucun donné, comme objet, ils cherchent sous le
sujet, hors du sujet quelque sens à "voir" comme un enfant qui voudrait trouver
tout fait ce qui est à faire.
Ayant renié le sujet ils ne peuvent tomber que dans le panthéisme
qui "prête" aux objets ce qui est le propre du sujet. Le maintien de
l'intersubjectivité, à tout pris pour ainsi dire, dans un tel naufrage a quelque chose
de désespéré et de paradoxal., "ça sent l'officine" dirait Nietzsche.
Il nous semble que l'honnêteté exige que les termes du
problème soient maintenus et que, quitte à tomber dans l'aporie la plus complète et à
le reconnaître, l'effort doit être maintenu sur les termes "inter, sujets", en
résistant à la tentation de fuir ailleurs dans le préreflexif où l'intuition, dans un
mouvement kaléidoscopique qui est la marque du talent ou du désespoir.
Autant dire qu'avec le thème de l'intersubjectivité c'est
le problème de l'humanité qui est posé. Non que ce soit un problème d'existence:
l'humanité est un "fait" aussi évident que la science ou la morale. Il s'agit
bien du problème du fondement de ce "fait", des conditions de sa production ou
de sa disparition: si "humanité" signifie bien le caractère de se qui est
humain et "humain", qui concerne l'homme, c'est bien de l'homme que nous
traitons, de l'homme dont on a pu annoncer la mort comme si cette annonce elle-même ne
marquait pas l'existence de ce qu'elle voulait nier, en s'adressant à d'autres comme
d'autres subjectivités susceptibles de recevoir cet étonnant message et , dans un
accord, de reconstituer immédiatement ce qui est nié. Car si l'homme est mort, le sujet
n'est qu'une illusion comme l'intersubjectivité et la communication.
Comment appeler celui qui annonce la mort de l'homme
autrement que "désir", refus du donné, parce qu'un "objet" tout fait
manque. Le désir refuse ce qui s'offre chaque fois que ce qui se présente n'est qu'un
"germe" que seul un effort dans le temps pourra déployer selon, par exemple, le
paradigme de l'autonomie. La déclaration "l'homme est mort" relève de cette
déception et donc d'une double erreur: tout d'abord on croit naïvement que le refus peut
anéantir ce qui existe, ensuite que si l'absolu se dérobe comme ce qui ne peut
apparaître dans la lumière de l'objectivité, il n'existe pas.
Or, même s'ils n'ont pas suivi à la lettre le processus
d'aliénation (Feuerbach. Essence du christianisme), puisqu'ils n'ont pas projeté
le paradigme perdu en Dieu, ils se sont cependant interdits la compréhension de
l'humanité, de l'intersubjectivité, de la communication.
Ainsi deux voies ont été explorées par la philosophie
contemporaine: la quête de l'absolu, quête paradoxale qui veut placer dans la lumière
de l'objectivité ce qui par essence ne peut être multiplié, effort qui aboutit à un
panthéisme intégral. La quête du relatif, quête paradoxale qui veut que la
déconstruction facile de l'objet puisque le sujet ne retrouve dans l'objet que ce qu'il y
a mis, valle pour l'absolu de la perception simple qui fonde le sujet. Comme si un objet
peut apparaître à un sujet sans que le sujet s'apparaisse à lui-même comme sujet. Ces
deux mouvements relèvent d'une sainte horreur pour le solipsisme, chacun s'efforçant de
le nier sans se demander le sens et l'origine de cette obsession.
Remarquons que ces deux mouvements nous enferment dans un
dilemme, comme le vrai et le faux, le fermé et l'ouvert, le un et le zéro, deux routes
que la recherche peut parcourir et re-parcourir sans cesse comme si elle était fascinée
par l'identité, la répétition du même, l'exclusion du tiers. Un "tiers" est
pourtant chaque fois possible: au lieu d'une quête impossible de l'immédiat, au lieu de
l'acharnement d'un sujet à se déconstruire ce qui ne le débarrasse que de ce qui n'est
pas lui et des illusions qui le défigurent sans jamais le débarrasser de lui même,
pourquoi ne pas le " recomposer de façon critique" selon la formule d'Alain
RENAUT. S'il est vrai que rien n'est donné comme objet et que tout est construit par le
sujet, une telle recomposition critique sera la troisième voie pour qui veut parler de
l'homme, de l'intersubjectivité, de la communication en restant pour ainsi fidèle à ce
dont on parle: l'essence du sujet comme autonomie c'est à dire la possibilité toujours
présente de se conduire comme un centre de décision autrement dit, de se construire
comme sujet dans l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite, dans la liberté, selon la
formule de Rousseau.
Comment
sortir du cercle dans lequel nous enferme la logique du tiers exclu ou du tiers donné
sans cette humilité qui est vérité, sans accepter enfin le tiers proposé, celui dont
personne n'a voulu, qui n'est autre que l'homme, ce vivant libre parmi des vivants libres,
ce sujet toujours à réaliser comme centre de décision, comme autonomie et sans - une
enquête qui porte dabord sur lintersubjevtivité diachronique celle que le
privilège de lécrit et de le rythme de la diffusion des écrits a imposé
jusquà cette fin du XXème suièvle où se lève enfin la possibilité dune
intersubjectivité synchronique.
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"Ecrits et paroles,
ou
pour une intersubjectivité synchronique vivante"
Voir rubrique PHILOSOPHIE
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