A quoi pense Chimène? C'est bien ce que se demande
le malheureux Rodrigue. Il va faire à nouveau irruption chez elle, pour sonder ses
intentions, ou peut-être, lui permettre de se les préciser à elle-même.
(V 1).
Comment va-t-il s'y prendre?
Il va la mettre en face de ses responsabilités:
Souhaite-t-elle sa mort? oui? ou non?
Il exercera un
chantage sur ce thème, dont la
menace va dominer tout le dialogue, beaucoup plus tendu que celui de leur précédente
rencontre. Durant toute la scène, Rodrigue opposera un vouvoiement au tutoiement
de
Chimène, mettant ainsi entre eux une distance respectueuse qui marque en quelque sorte la
soumission du Chevalier à sa Dame.
Il n'y a pas besoin d'épée, cette fois-ci, pour rendre palpable la
présence de la mort, Chimène sait d'expérience que Rodrigue est capable de sacrifier sa
vie sans hésiter.
Que peut-elle lui opposer? La voilà
bien embarrassée.
Elle s'est engagée à épouser le vainqueur de
Rodrigue, et cela peut paraître fou. Mais croit-elle sincèrement qu'il puisse y
avoir un vainqueur de Rodrigue? On peut penser que non, à entendre le ton un peu
méprisant avec lequel elle parle de son champion, Don Sanche: "est-il
si redoutable...?"
Alors, chez le roi, a-t-elle joué la comédie?
S'est-elle
volontairement laissé forcer la main pour admettre un mariage avec Rodrigue,
si c'est lui qui triomphe? La suivante de l'Infante prétendra tout à l'heure (V 3)
qu'elle a tout combiné, "elle cherche, dira-t-elle, un combat qui force son
devoir".
Je pense plutôt qu'elle a agi spontanément. Mais maintenant,
cette
discussion l'oblige à ouvrir les yeux, à être sincère et conséquente avec
elle-même.
Comment, par ailleurs,
dissuader son fiancé de se laisser tuer,
comme il prétend le faire pour lui obéir, sans lui en promettre plus que ne le
voudraient l'honneur et la piété filiale?
De son côté, Rodrigue croit-il vraiment
que Chimène souhaite voir triompher la vengeance, par la mort de celui qu'elle aime?
On peut penser que non!
Ainsi, nous sommes en face de deux personnages qui,
l'une par fierté, l'autre par dépit, font semblant de n'être pas d'accord, alors
qu'ils le sont pleinement.
(De même que dans l'acte précédent, avec le piège tendu à Chimène
par le roi pour lui faire avouer son amour, la situation pourrait être celle d'une
comédie, mais l'enjeu et le ton sont ici d'une gravité tragique).
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Lequel va faire
dire à l'autre ce que tous deux pensent:
Ce duel avec Don Sanche nous offre une
chance
inespérée de retrouver notre bonheur, n'ayons pas de scrupule, ni de fausse honte,
à jouer jusqu'au bout le jeu qu'on nous impose!
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Voyons comment va se dérouler ce dialogue particulièrement
dramatique,
où les deux héros risquent leur vie et leur bonheur.
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I.
La mort de Rodrigue (> v.
1500).
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II L'honneur de Rodrigue ( v.
1546)
-
III
Le mot décisif (> v. 1557)
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le dialogue final.
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