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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Correspondances
de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou (page1 et page
2)
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Oui-oui: Pourquoi ne pas commencer
par les premiers poèmes des Fleurs du mal? Tu recules
devant une mère qui maudit son fils, dans Bénédiction
ou, devant ces matelots qui se moquent du poète, dans l'Albatros,
comme les prisonniers de la caverne se gaussaient du philosophe.
Hibou: Correspondances, est
la clé pour Les Fleurs du mal, un portail si tu
préfères, mais un portail qui éclairerait les autres poèmes,
un paradigme en quelque sorte.
Oui-oui: L'étude de Correspondances
permettrait d'éclairer le reste de l'œuvre, pour ceux qui
souhaitent étudier ce recueil édité une première fois en 1857.
Hibou: Baudelaire y proclame que le poète est médiateur entre
l'homme et la nature. Il y exprime sa théorie des correspondances
horizontales et verticales et il y multiplie les figures rhétoriques
qui permettent de mettre en évidence les relations: comparaisons,
métaphores, oxymore.
Oui-oui: Tu veux dire qu'on y
trouve l'incarnation d'une théorie, l'esprit rendu sensible, une
illustration en quelque sorte?
Hibou: Exactement: c'est la clé de
ce qu'on peut appeler, maladroitement, les instruments poétiques
de Baudelaire.
Oui-oui: Pourquoi ce titre de Correspondances?
Hibou: Remarque le pluriel: il
signifie que la diversité demeure ici bas, qu'elle ne sera jamais
réduite à l'unité, ce qui reviendrait à déduire de manière
triomphale l'existence de la réalité intelligible: les fleurs
pousseront donc toujours sur le mal, pour ne pas dire le fumier.
Correspondances désigne tout se qui se correspond, est en
relation: la relation se fonde sur l'analogie, une forme de
relation entre deux objets de pensée différents en apparence:
c'est donc l'imagination, ce pouvoir de rendre présent l'absence,
la relation, qui, seule, par un acte de foi, dépasse le donné,
souvent horrible, et entrevoit une surréalité.
Oui-oui: Par exemple?
Hibou: Eh bien, entre les arbres
d'une forêt et les piliers d'un temple, l'imagination suppose une
relation au delà des différences entre le minéral et le
végétal: l'image, comme forme sensible des deux objets est
analogue "visuellement": le signe vers le ciel, l'invitation à
monter est analogue. La métaphore, La Nature est un temple
marque l'analogie visuelle entre le pilier et l'arbre, et
l'analogie spirituelle, la présence du sacré dans le signe qui
s'élève vers le monde de l'esprit, l'infini vers lequel pointent
le pilier, le sommet du temple comme la cime des pins noirs. L'expansion
est signifiée.
Oui-oui: J'ai du mal à prendre
ensemble l'horreur de la nature souvent manifestée par Baudelaire
et cette exaltation de la Nature.
Hibou: il faut saisir le mouvement
baudelairien inspiré principalement par trois philosophes: Platon,
l'auteur de La République (Fin du Livre VI début du Livre VII), Swedenborg
(1688-1792) et Charles Fourier (1772-1837):
-
Platon- Baudelaire
reprend cette idée que le sensible est le reflet de la
réalité intelligible, du monde de l'esprit.
-
Swedenborg- Baudelaire a
trouvé dans son oeuvre le terme même de Correspondances.
C'est un philosophe suédois, grand mathématicien,
astronome, mais aussi grand inventeur, à l'imagination
féconde, à la sensibilité extrême. A partir de1736, il
éprouve des sortes d'extases avec une impression de liberté
totale: il veut y voir des signes et compose un traité
d'anatomie qui cherche à retrouver dans la diversité du
corps l'unité du cérébral (cortex) ce qui l'oriente vers
l'esprit. Toutes ses compétences en astronomie, il cherche à
en faire un paradigme de la vie et progressivement, il découvre
ou croit découvrir l'Esprit au fondement de la Nature et
même de la matière. Comprends que son imagination et sa
sensibilité lui permettent de mettre en relation les divers
règnes de la nature (minéral, végétal, animal) avec
l'Unité créatrice dont ils découlent.
Oui-oui: Il veut remonter vers le
bien à partir d'une dégradation. C'est un schéma "émanatiste"?
Hibou: Oui, en quelque
sorte Les
fleurs du mal. La profondeur du visible c'est l'invisible. La
vie conjugale pour notre philosophe suédois n'est que l'union des
contraires pour l'éternité.
Cet esprit supérieur suit la tendance de la raison à unifier et
brusquement découvre l'amour dans l'Incarnation comme si la
connaissance était amour, correspondance reconnue, cette harmonie
que Baudelaire trouve dans l'union des contraires qui, dans La
morts de amants, s'exprime par un regard échangé, dans un
éclair unique. Pour Baudelaire, il y aura deux moyens de
s'élever: l'art et l'amour.
-
Fourier- Précurseur du
socialisme français, il met en relation le minéral, le
végétal, l'animal par ce que Baudelaire appelle Une
ténébreuse et profonde unité. Fourier perdra beaucoup
à vouloir mettre dans la lumière, dans l'objectivité, cette
unité. Cela l'amènera par exemple à faire de la girafe un
symbole de vérité qui s'élève au dessus du monde minéral
car le fromt de la girafe plane au dessus de la matière ...
Dans tous les cas la Nature
reflète par moment ou même incarne la réalité première, le
monde de l'esprit. L'horrible, le mal vient de ce que la nature s'est
éloignée par rapport à la réalité spirituelle qui est son
origine, s'est dégradée dans le milieu spatio-temporel.
Joseph Llapasset
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