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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Le
vin des amants de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou (page1 et
page 2)
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Oui-oui:Justement,
il me semble que Baudelaire accumule les restrictions dans la
deuxième strophe:
Comme deux anges que torture
Une implacable
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain!
La "torture",
c'est la soif que le vin ne comble jamais. La "calenture,"
c'est la fièvre, le délire, peut-être même la violence des
ivrognes.
Hibou:
La première perspective réapparaît:
"Dans le bleu cristal du matin"
Oui-oui:
Mais, dès le vers suivant "Suivons"
marque l'aliénation. Avec le vin, on va où on ne veut pas, tandis
que le mirage lointain est
un jugement:
l'aventure est une illusion.
Hibou:
C'est pourtant une intuition directe et sans effort, mollement.
Le balancement est le bercement de l'enfant qui dort qui rêve, qui
rêve.
Pourquoi le tourbillon?
Oui-oui:
Le vin fait tourner la tête, mais il est intelligent, il permet de
comprendre. Reste que c'est un délire, un flot de paroles sans
rapport avec la réalité ou l'évidence, dit mon "petit
Robert".. Mais que signifie parallèle?
Hibou:
Que les amants ne se rencontrent pas, qu'ils sont dans une
fausse proximité, une solitude en commun et c'est peut-être le
plus terrible.
Oui-oui:
"Ma sœur"?
Ma sœur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves!
Hibou:
C'est Marie D'Aubrun, la fille aux yeux verts: ce n'est pas un
amour charnel, réalisé, mais le trouble d'un amour impossible: Le
terme marque donc la distance, la proximité et l'interdit.
Oui-oui:
"nageant,"
suggère la liberté, on va où on veut. "côte à côte"
c'est la fraternité avec la soeur. Mais ils "fuient" ces
deux là! et la liberté du deuxième vers
Sans mors, sans éperons, sans bride,
se transforme en esclavage implacable: "sans repos ni trêves"
Que fuient-ils?
Hibou:
Le terre à terre, pour un paradis imaginaire parce que
provoqué par un artifice, un paradis artificiel. Quel retour au
terre à terre les attend dans le petit matin blême!
Oui-oui:
La gueule de bois!
Mais pour le commentaire de texte?
Hibou:
Il suffit de regrouper les éléments concernant chaque
perspective:
1-L'ivresse qui transfigure l'espace et les amants: [aujourd'hui;
splendide; sans mors; sans éperons; sans bride; Partons; ciel
divin; anges; bleu cristal; intelligent; nageant; paradis]
2- La
lucidité de Baudelaire: tout est fugitif. [Féerique;
torture; implacable calenture; mirage; mollement; délire
parallèle; fuiront sans repos; trêve]
Oui-oui:
L'étude du rythme et de la musique accompagneront ces deux
perspectives de lecture chaque fois que la forme épouse le fond.
Hibou:
Oui, par exemple dans le premier vers, les consonnes
i, a, é, qui
marquent l'enthousiasme devant une nature qui promet de chanter les
transport de l'esprit et des sens. Comme dans l'amour, les débuts
sont toujours magnifiques.
Dans l'ensemble du devoir, il ne faut pas oublier que l'œuvre d'art
a beaucoup à nous faire dire: il ne faut donc pas hésiter à
exprimer les sentiments et les sensations que le poème éveille en
nous: enthousiasme, perplexité, angoisse, impression de solitude,
déception.
Bien entendu, il faut rattacher sentiments et sensations
aux vers qui les provoquent en étudiant l'art du poète, c'est à
dire, la manière dont il s'y prend pour les provoquer.
Oui-oui:
A vrai dire, j'ai l'impression qu'après l'étude d'un texte, il
reste beaucoup à dire.
Hibou:
C'est le miracle de l'œuvre belle: elle cherche moins à nous
dire qu'à nous faire dire. Une sorte de maïeutique de
l'intelligence et de la sensibilité réconciliées.
Joseph Llapasset
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