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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Harmonie
du soir de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou. (page 1
et page 2)
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Oui-oui: Comme
une boule de neige, la deuxième strophe:
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
A la
reprise du thème de la fleur et de la valse, se mêlent
l'approfondissement de la mélancolie (le sentiment du poète et un
nouveau décor qui reflète l'angoisse du poète).
Hibou: La
vibration comme balancement devient un frémissement: c'est la vie
qui frémit, c'est le cœur qui frémit et cette palpitation
suggère la souffrance du poète qui a vu disparaître dans le
gouffre du temps la femme aimée.
Oui-oui: on,
désigne peut-être les hommes d'équipage?
Hibou: Plus
sûrement les ennuis et ce gouffre du temps qui emporte tout ce qui ne se retrouve pas.
Oui-oui: D'où
le néant vaste et noir
de la troisième strophe
Hibou: Mais
que te fait dire le 8ème vers? Le ciel est triste et beau comme un grand
reposoir: Le
reposoir c'est l'endroit où l'on place le Saint Sacrement,
l'Hostie, particulièrement le Vendredi Saint.
Oui-oui:
Tristesse du soleil qui disparaît et beauté du ciel, de sa
profondeur, comme si Baudelaire signifiait une correspondance
verticale entre la nature et le monde de l'esprit: ça se gâte!
Le violon frémit comme un
cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Hibou: Oui.
La mélancolie, la tristesse, devient brusquement l'angoisse que
produit l'appréhension d'un danger inconnu: et s'il n'y avait rien
que le néant, aussi vaste que l'idéal et noir comme le rien, source
de désespoir. Alors le ciel lui même reflète l'angoisse: une
noyade, un engloutissement sans retour du soleil, l'analogue du
bien: le triomphe de la rigidité cadavérique qui ne laisse qu'une
trace naturelle et morte.
Oui-oui: Le
poète avait tout pour être heureux. Qu'est-ce qui lui
manque?
Hibou: La
femme à qui est dédié ce poème, Apollonie Sabatier, qu'il a
perdue.
Oui-oui:
J'avoue que, jusqu'au dernier vers du poème, je n'ai pas trop vu d'amour...
Hibou:
Tout y est pourtant: La mort des amants nous a appris
que l'amour est lumière, chaleur: Le balcon, que
l'art retrouve le passé. Harmonie du soir nous dit
que l'amour est aussi souffrance et doute.
Oui-oui:
La dernière strophe oppose à l'angoisse le travail et l'art grâce
auquel Baudelaire transfigure son mal, comme si ce poème arrivait
à le soigner.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
Hibou:
C'est la réussite du poète dans et par Les fleurs du mal:
se connaître pour se soigner en transformant son mal en beauté: à
partir de ses souffrances d'amoureux, de corrompu, d'angoissé par
la mort Baudelaire produit des fleurs qui l'enchantent et recouvrent
le mal: Les fleurs du mal.
Joseph Llapasset
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