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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Spleen
de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou (page1
et page2)
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Hibou: Non, c'est
la lutte qui a disparu et ce qui fait la souffrance de quelqu'un
c'est d'aspirer toujours à l'infini alors qu'il trouve, dans sa
nature pécheresse, la lâcheté, et dans la nature extérieure une
prison qui l'enferme: c'est le tragique, cette impuissance à
remuer ce qui ne peut être déplacé. Dans La cloche fêlée,
le poète dira qu'on meurt sans bouger dans d'immenses efforts. La
condition humaine c'est donc le mal.
Alors, d'infâmes araignées viennent tisser leur toile dans
les cerveaux, toiles dans lesquelles s'englue la liberté d'une
conscience de soi, d'un désir d'infini, d'une existence.
Oui-oui: Je crois
que ces araignées ce sont les regrets, les remords, les soucis, les
angoisses qui rongent l'âme: le mal quoi.
Hibou: Bien dit:
c'est encore le temps qui est l'origine des araignées: le
passé sur lequel se brise la volonté, et l'avenir, ce plongeon vers
la mort (nous tombons vers la tombe), qui font se lever ces
araignées infâmes, parce qu'elles révèlent la faiblesse de
l'âme.
Oui-oui: L'esprit
errant, égaré, c'est l'âme du poète. Détail tragique, ce n'est
plus un gémissement, témoignant encore de quelque force qui
émane de lui: il geint, il exprime sa souffrance d'une voix
inarticulée, d'une voix d'enfant qui a renoncé.
C'est que la mort approche lentement, inexorablement.
Hibou:
L'extraordinaire expression long corbillard le fait voir
magnifiquement. La proximité de la mort habite le meilleur du
poète, l'âme: l'immortalité cède devant cette plongée vers la
mort comme si l'âme perdait jusqu'à son essence.
Oui-oui: Je pense
à Bernanos. Le triomphe de Satan, c'est le désespoir, le
découragement, l'absence de foi, le
renoncement au bien.
Hibou: Reste
l'Angoisse, cette peur à laquelle le poète ne peut échapper parce
qu'elle n'a pas d'objet. Le front plein d'éminence, de pensées,
est devenu un crane préfiguration du squelette: c'est que l'esprit
qui a renoncé est vaincu. Incliné signifie orienté vers le
bas, désorienté par rapport au monde de l'esprit. Note le plante
qui suggère une atroce souffrance, une blessure. Et toutes les
connotations du drapeau noir...
Rongé par le mal, auquel il ne peut échapper parce qu'il est en
lui, heurté à une nature corrompue, le poète est à la lettre possédé,
enfermé dans l'ennui, l'angoisse, le désespoir qui sont les
figures de son aliénation parce qu'il est marqué par le péché
originel.
Oui-oui: Ouf!
passons à l'idéal: Élévation.
Hibou: Attends!
Quel est le mouvement du poème?
Oui-oui: Trois
strophes pour marquer l'intensité croissante de la souffrance et du
malheur,
une strophe d'explosion qui ne sert à rien, enfin, une strophe pour
marquer que le poète est vaincu.
Hibou: Il
faudrait étudier le rythme et la musique.
Pour le rythme:
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
[3/3 // 2/4, insiste sur le harcèlement: en proie].
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
[La diction doit insister sur au fond ].
Des cloches tout à coup sautent avec furie
[La diction ralentit sur sautent et accélère sur avec
furie // 2/4 ].
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
[La diction insiste évidemment sur plante].
Joseph Llapasset
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