|
Rubrique
http://www.philagora.net/frindex.htm
Quelques
perspectives sur Élévation
de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou (page1
et page2)
_________________________________
|
Oui-oui: Juste
une petite question: tantôt tu dis Esprit, tantôt tu parles de
l'âme du poète... Pourquoi ces deux termes?
Hibou: L'Esprit
est ce qui s'élève vers le monde spirituel car il en émane, "il
en est", si tu préfères. L'âme c'est aussi la sensibilité
qui ouvre aux correspondances horizontales, aux synestésies (Les parfums, les couleurs et les sons se
répondent). L'âme c'est l'incarnation.
Bon, aujourd'hui,
commençons par le mouvement.
Oui-oui: Facile!
c'est un mouvement d'ascension: l'esprit monte vers la lumière,
vers la pureté, vers le juste et le vrai! Bravo Baudelaire.
Hibou: Quel navet
blafard tu fais! Rapide lecteur des deux derniers quatrains.
Relis-les.
Oui-oui: Tiens!
le il remplace le tu: l'esprit est remplacé par autre
que lui: celui qui peut.
Hibou: Exact. Ce
n'est plus l'esprit du poète qui s'élève: Baudelaire envie la
béatitude que donne la fidélité à l'idéal, le courage, comme
absence de lâcheté, à celui qui accomplit sa mission. Ce n'est pas
Baudelaire qui continue à monter: il a échoué.
Oui-oui: Un peu
comme dans Le vin des amants?
Hibou: Oui, mais
l'échec, ici, est moins retentissant. Dans le mouvement, il faudra
bien marquer ce changement de la seconde personne (3 strophes) à la
troisième personne (2 strophes).
Que te dit le rythme de ces deux vers?
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Les mesures à trois
syllabes dominent dans le premier vers.
Oui-oui: Euh
?
Hibou: Pour
montrer la régularité d'un mouvement puissant, à quoi rien ne
résiste [3/3 // 3/3].
Dans le deuxième vers bois et mers
sont mis en évidence car le lecteur, pour respecter le rythme,
comme retour à intervalles réguliers d'un temps fort, doit
prononcer les mesures à quatre syllabes dans le même temps que les
mesures à deux syllabes, ce qui oblige à ralentir pour prononcer des
bois et des mers. Par contre la diction sera plus rapide
pour des montagnes et des nuages. [4/2 // 4/2].
Baudelaire insiste sur bois qui fait signe vers le monde de
l'esprit car le regard s'élève le long des troncs d'arbres. Et les
mers symbolisent l'absence de barrières, la liberté.
Oui-oui: Autre
manière de marquer le mouvement le retour de Au-dessus et de
Par delà.
Hibou: Le
mouvement est exercice de liberté, libération par l'envolée. On
ne marche plus parmi les hommes d'équipage, on vole vers le vrai
monde. Cela ressemble un peu à la caverne.
Oui-oui: L'étang
stagne et la vallée engloutit, ou emprisonne, alors que les
montagnes, les bois, les nuages mouvants, les mers symbolisent le
sens comme direction à suivre et comme symbole de liberté. Car le
nuage se répand comme un parfum que rien n'arrête et la mer
s'étend sans frontière: Homme libre toujours tu chériras la
mer.
Hibou: Si
l'esprit se meut, se déplace où il veut, l'agilité étant
grâce, aisance, ce déplacement marque une puissance qui s'exerce
sans effort car c'est le pouvoir de l'imagination de relier ce qui
est à distance et d'étendre la mesure du possible (Rousseau).
Ici, commence déjà à paraître la raison de l'échec final: sera
heureux non celui qui se meut dans la subjectivité de l'Espérance,
mais celui qui peut effectivement, celui qui veut, qui
maîtrise les moyens, le héros dans toute sa force.
Oui-oui: La
comparaison avec le nageur éclaire le mouvement. Ce pâme marque
une extase et la gaîté accompagne ce déplacement dans tous les
sens (sillonne). Profonde qualifie cette aventure de
mystique.
Hibou: Tu
as bien vu, Baudelaire parle de gaîté et non de joie, c'est très significatif!
Vers
la page suivante
Joseph Llapasset
- ©
Retour
à Baudelaire, Les fleurs du mal (page index)
Retour
à J'aime le français (index
alphabétique)
Retour
à la page d'accueil de Philagora |