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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Élévation
de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou (page1
et page2)
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Hibou: Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Ce vers (9) reprend en l'éclairant le premier vers: miasmes,
c'est ce qui émane des étangs et morbides suggère le
mal physique et moral qui rôde dans les vallées proches des
étangs. En s'élevant l'esprit se débarrasse, du moins en
imagination, de ce qui l'embarrasse, du mal, de la corruption.
Oui-oui: Boire
le feu clair. C'est magnifique! Ce n'est plus le ciel qui nous
verse un jour noir, c'est l'esprit qui boit la lumière dans
un acte qui vient de lui: une invitation au "c'est toi qui le
diras" de la maïeutique?
Hibou: En tout
cas la comparaison entre la lumière et la liqueur divine relève de
Platon pour qui le soleil est l'analogue du bien.
Admire la musique du vers 12: Le feu clair
qui remplit
les
espaces limpides.
Les e, i, a, sonnent comme un chant de triomphe. C'est un rêve
de joie car, comme ce n'est qu'un exercice d'imagination c'est tout
au plus de la gaîté. On s'est changé les idées., selon
l'expression.
Oui-oui: Voilà
pourquoi les vers 13 et 14 rappellent le Spleen que le poète
retrouve, d'autant plus cruel, qu'il a intensément rêvé.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse
Comme dans Le vin des amants.
Hibou: Tu y
tiens! Mais tu n'as pas tort. Heureux renvoie au sermont sur
la montagne du Nouveau Testament. Baudelaire évoque ce qu'il aurait
dû faire, son devoir: accomplir sa mission, être vraiment utile
pour ne pas mourir comme un vieux lâche. Admire le rythme qui met
en évidence qui peut et l'aile moteur de l'ascension.
Oui-oui: Si je
comprends bien, du vers 15 au dernier vers, j'ai la mission du
poète:
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
Mission possible?
Hibou: Mission
que seul un héros pourra accomplir. Mission difficile de planer sur la vie
et de comprendre le langage des choses qui sont muettes!
L'entreprise poétique devient celle d'un héros divin qui nie le
hasard... Mallarmé le comprendra bien: Le Livre qu'il voulait
écrire aurait été la réalisation de ce que cette dernière
strophe propose: l'essence de la pensée est liberté qui sillonne
gaiement les distances et les nie. C'était le projet de Swedenborg.
Oui-oui: J'aime
beaucoup la comparaison de ces pensers constitués, avec
les alouettes: l'esprit vivant et non pas figé dans le
concept.
Hibou: Reste que
la plénitude de la surréalité relève davantage d'une espérance
que d'une actualisation, d'une possession. L'héroïsme consiste à
s'arracher au mal auquel la chair cloue le poète, pour réconcilier
l'intelligence et la sensibilité purifiée, le bonheur quoi! Ce
serait une manière de chanter les transports de l'esprit et des
sens, si tu te souviens de la fin de Correspondances.
Mais Baudelaire retrouve toujours le déchirement devant une nature
corrompue qui semble toujours avoir le dernier mot.
Oui-oui: Voilà
pourquoi sur 126 poèmes (première édition), Spleen et Idéal
comportent 85 poèmes.
Hibou: C'est sa
condition de poète que Baudelaire scrute: un curieux mélange de
grandeur et de misère, comme quelqu'un qui a compris que pour se
soigner il faut connaître son mal.
Joseph Llapasset
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