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Quelques
perspectives sur Le
Cygne (II)
de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou. (page 1 et page
2)
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Hibou: Paris
change comme la Seine coule sous le pont Mirabeau, comme le
décor est modifié par des grands travaux, mais le sentiment, la
mélancolie, le soi qui ne peut échapper à soi, demeure
devant le désastre de la disparition: mélancolie, bile noire,
profonde tristesse qui n'est que le moi du poète et à laquelle
il ne peut échapper! cette épreuve de soi, de la vie, que la
fuite du temps nargue est pourtant génératrice d'une force
d'expression et de création: dès lors, tout devient allégorie,
prétexte à une lecture de chaque élément qui renvoie à
l'idée, comme ce vers quoi convergent les apparences, comme ce
qui donne leur sens aux apparences.
C'est pour cela qu'une image,
forme sensible d'un objet, peut opprimer le poète car elle
reflète, met en évidence le sentiment qui seul opprime le moi
parce qu'il lui est identique.
Oui-oui:
Serait-ce que les souvenirs s'originent dans le moi?
Hibou:
Exactement: nous ne nous souvenons que nous-même. Voilà pourquoi
les souvenirs que nous traînons sont plus lourds que des rocs
utilisés dans les constructions: les rocs, on peut les déplacer.
Paris toujours en travaux! Ce Louvre, symbole de la puissance,
toujours menacé, toujours en travaux. Le temps mange tout.
Oui-oui: Cette
image qui l'opprime, qui le hante, c'est l'image d'une négresse!
Hibou: C'est le
terme de l'époque! C'est ce qui correspond au cygne évoqué dans
la première partie du poème, ce cygne qui rêvait de son beau
lac natal, ce grand cygne nostalgique, égaré dans la poussière
de la ville. Des gestes fous qui nient le désert de la grande
ville, ces mêmes gestes qui, au pays natal, retrouveraient leur
sens, des gestes d'expansion et de liberté. Ainsi dans Brise
marine Mallarmé rêve de pays exotiques où fuir les classes
imbéciles et les copies à corriger. Mallarmé,
prince des poètes, en bute à l'opinion d'une petite élève, fille d'un obscur
sous-préfet qui va obtenir sa mutation.
Oui-oui:
Baudelaire "pense".
Hibou: Bien
lu. Il s'élève et, dans ce mouvement, prend ensemble l'humanité
que
brise le temps, la décomposition. Tous ceux qui "ont perdu ce
qui ne se retrouve pas"
Oui-oui: Les chers
souvenirs de la première strophe.
Hibou:
Andromaque... Pour Pyrrhus, le drame de l'amour non partagé et
pour Andromaque le drame de l'amour partagé avec Hector qu'elle a
perdu et qui fait partie de ce qui ne se retrouve pas. Restée
seule, elle est enfer dirait Jacques Brel. Suis bien le jeu des
oppositions: grand/vil; bras/main; vide/extase; veuve/femme
(épouse).
Oui-oui: Ces
oppositions marquent peut-être la chute, le contraste entre
l'avant lumineux et l'après de souffrance. Souffrance d'autant
plus grande que l'avant n'a pas été oublié. Tiens, une autre
opposition saisissante: extase courbée: L'oxymore mêle
les sentiments, le souvenir et la réalité.
Hibou: Revenons
à l'image qui l'opprime.
Oui-oui: Un
cygne, une négresse, je ne comprends plus. Comment ce qui est
blanc peut-il être noir?
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Joseph Llapasset
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