Il y a beaucoup à apprendre, dans cette longue marche, où, à vrai
dire, on a d'abord du mal à s'orienter.
On
prend le départ chez des gens étranges, dans un grand domaine perdu au
milieu des collines... très vite, on les quitte pour un personnage
énigmatique, qui sort de prison et va son chemin... puis, passe un
brave garçon un peu pitoyable... Chacun d'eux porte ses drames et vit
ses aventures.
Au
gré d'un temps qui va et vient, nous faisons route tantôt avec l'un,
tantôt avec l'autre, intéressés, charmés, intrigués: quel est le
sujet? qui est ce Roi des Orties?
Quand commence le dernier tiers du roman, les deux routards se
rencontrent, le maître du domaine, qui survient, les entraîne dans son
Eden, et pour nous, tout s'éclaire.
Le
Roi des Orties, c'est Sambuc, ce gamin maltraité par la vie,
analphabète, défiguré, qui, du mauvais, peut faire surgir le bon,
parce que, miraculeusement, il a conservé un regard positif et
intelligent sur les gens et sur les choses. Il se gagne un ami qui lui
offre le meilleur du savoir humain, il touche le cœur d'une belle
enfant innocente, qui lui apprend qu'il est beau.
L'écriture,
juste et efficace, fait surgir au gré des pages l'émotion d'une
immense détresse, d'une injustice qui déchire le cour, d'un brusque
geste de générosité, ou d'un accord parfait. Elle fait naître une
ambiance, une lumière, un paysage... Le pays cévenol prend ici une
réelle présence, et parle au cœur de ceux à qui sont familiers les
noms et les lieux de cette belle région austère.
Quand on ferme le livre, on se sent apaisé, content. Les moments
difficiles, violents, cruels, odieux n'ont pas manqué, mais un grand
mouvement de compassion les a recueillis et magnifiés.
Jacqueline Masson |