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Un petit Parisien

par Dominique Jamet

Flammarion.

Ces quelques souvenirs (1926-1941) …Maigre bagage pour traverser la mauvaise saison". (page 10)
"Foudroyé, je découvre simultanément que je l’aimais et qu’elle ne m’aime pas, l’amour et le chagrin d’amour." (page 210)

   

S’il y a un devoir de mémoire, Dominique Jamet l’accomplit dans son livre, Un petit Parisien, chez Flammarion, en témoignant du malheur qui cerne et frappe Dominique, seul devant sa maman envahie par un cancer, sa mère patrie envahie par une peste et ce père noyé dans une caricature de Jaurès, qui cache mal le refus du sérieux, de prendre à bras le corps l’aujourd’hui même, au point de clouer au lit, pour ne pas dire de crucifier, son épouse mourante par une infidélité dont les prémisses vont battre la porte de la malade.

   C’est le regard de ce petit parisien que vous verrez d'abord sur une photo et que vous reverrez enfin sur une autre photo prise quelque soixante ans après, comme si la confusion de Proust entre la mort et la vie (Pléiade III, page 1034,1035) n’était qu’une rodomontade démentie par ce regard qui en un certain sens reste le même malgré les années: le même étonnement devant ce qui lui a été infligé entre 1941 et 1945, comme s’il interrogeait Dieu et Les grandes personnes, l’étonnement des Saints Innocents, celui des enfants d’Izieu.

   Avec cette sobriété des grands écrivains, de ceux qui sont un style, une parole maîtrisée, avec beaucoup de pudeur et de vérité, l’auteur nous signifie cette enfance atroce illuminée pourtant par de grandes vacances chez des provinciaux dont le cœur s’élargit aux dimensions du désastre, de cette passion qui réunit dans le même malheur tous les enfants, perdant leur mère et leur patrie et même la servante au grand cœur: ils se sont trouvés abandonnés dans la nuit, cherchant en vain ce dialogue, cette écoute, qu’on leur refusait.

   Un tel livre vous le désiriez avant de l’avoir lu, vous en éprouviez le manque pour ne pas avoir regardé l’enfant que vous avez été.

   C’est un monde de souffrances, de joie et d’humanité qu’il ouvre, sans jamais perdre le sens de l’humour et de la retenue.

   Les dernières lignes évoquent peut-être la magnifique fin du Mystère Frontenac (François Mauriac) comme si l’autobiographie et le roman pouvaient par miracle se rejoindre: la mort réunirait ceux qui se sont aimés.

   A lire ce livre, nous nous sentons un peu orphelins, et c’est peut-être cela l’humanité.
Joseph Llapasset.

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