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Marivaux.
Le Jeu de l'Amour et du Hasard. (page
5)
- Et qu'en pense Marivaux?
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- 5 - 6.
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De quel côté penche notre auteur? Le
canevas de la pièce, le rôle et l'importance accordés aux différents
personnages donnent la vedette aux maîtres. Faut-il en conclure que Marivaux
les admire sans réserve? Pour tenter de saisir les intentions de l'auteur, nous
allons revenir au dénouement, puis étudier sans à priori (si c'est possible!)
quelques attitudes des protagonistes.
Lorsque, après un assaut de protestations
d'amour indéfectible, elle découvre que Arlequin est du même bord
qu'elle, Lisette a un mouvement de surprise déçue qui se traduit
par quelques invectives pittoresques "faquin!...
mais voyez ce magot!... Il y a une heure que je lui demande grâce et que je
m'épuise en humilités pour cet animal-là!"
"Masque!
Mais voyez cette magote avec qui, depuis une heure j'entre en confusion de ma
misère!"
lui
rétorque Arlequin quand il est à son tour détrompé.
Mais le rire et la bonne humeur
l'emportent vite sur le mécontentement de s'être dépensés en pure perte.
Lisette, dont nous connaissons le réalisme, ne perd pas de vue ce qui est pour
elle le plus important et elle se ressaisit bientôt: "Venons
au fait: m'aimes-tu?
- Pardi oui! En
changeant de nom, tu n'as pas changé de visage.
- Va, le mal
n'est pas grand, consolons-nous et n'apprêtons pas
(= ne prêtons
pas) à rire".
Ils se quittent en s'esclaffant et ce
sont eux qui s'amuseront de l'embarras de Dorante tiraillé entre son amour
et son devoir de caste. Arlequin lui donne en quelque sorte une leçon de
désintéressement en lui prétendant que Silvia l'accepte tel qu'il est:
"Je n'ai pas besoin de votre friperie",
ajoute-t-il, autrement dit, je puis me faire aimer pour moi-même.
Peut-être cela encourage-t-il Dorante à
vaincre ses dernières hésitations. A la scène suivante, il prend sa décision
et déclare à la fausse Lisette: "Il
n'est rang, ni naissance, ni fortune qui ne disparaisse devant une âme comme la
tienne. J'aurais honte que mon orgueil tînt encore contre toi... Ma fortune
nous suffit à tous deux et le mérite vaut bien la naissance".
Arlequin, lui aussi, dit à Lisette:
"Avant
notre connaissance, votre dot valait mieux que vous. A présent, vous valez
mieux que votre dot".
-
Voilà un dénouement qui fait
honneur à ces deux jeunes gens! Chacun a compris que la fortune
importait moins que la personne. Nous avons là un "triomphe
de l'amour".
-
C'est la première leçon de Marivaux,
il y en a peut-être une seconde.
Dorante est récompensé en découvrant
que son choix lui permet un mariage assorti, et voilà son valet débarrassé
des manières du beau monde. Chacun d'eux va donc se marier dans sa
condition, comme leur coeur les y avait tout de suite conduits. Et le
deuxième enseignement serait qu'il est sage de choisir son conjoint dans son
milieu , parce que les semblables s'attirent et se conviennent.
Faut-il voir dans cette morale où
chacun reste à sa place, et où, par le fait, les privilèges
sont protégés, une préférence de Marivaux? Est-il du côté des
maîtres?
On peut commencer par le croire. Si on
voit de la sottise dans la façon dont apparaît Arlequin,
fanfaronnant et sûr de lui, si on trouve vulgaires ses expressions peu
retenues: "mon beau-père, ma femme",
si on juge ridicules ses déclarations alambiquées, les poses qu'il
prend, sa cour pressante et fleurie, on se dit que Marivaux se moque de lui
pour mettre en valeur par opposition la discrétion et le raffinement de
Dorante et de Silvia. On en conclut que la pièce fait leur éloge et que son
auteur veut flatter les maîtres. C'est une réaction normale.
Mais laissons de côté un préjugé
simpliste qui accorderait aux riches toutes les qualités de l'esprit et du
coeur, et les accorderait plus chichement à leurs serviteurs. Observons mieux
nos personnages. Sur le très estimable et séduisant Dorante, nous n'avons rien
à ajouter. Voyons les trois autres.
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