Lauve le pur
de
Richard Millet.
Aux Editions P.O.L
Richard Millet ajuste sa parole, son style, à tous les méandres,
aux retours en arrière d'une vaine quête d'un sourire maternel perdu: de longues
phrases, scandées, souples et nerveuses, tissent son roman comme une de ces
tapisseries qui mêlent l'ici et l'ailleurs, le passé et le présent, la passion
et la joie, pour faire jaillir devant nos sens éblouis la genèse d'un homme par
son vécu comme par la narration de ce vécu, au cours de sept veillées que compte
on le sait, toute Genèse.
C'est plus que le cliché, que nous devons au père Freud, de
cette page du passé qui ne peut être tournée que si elle est lue, car la
narration du passé s'accomplit au présent: le récit oriente Lauve vers l'impasse
d'un sourire maternel qu'aucune femme ne peut lui donner puisqu'elle sera
toujours autre que sa mère, cette mère trop tôt enfuie du foyer avec le sommeil
de l'enfant qu'elle abandonne; c'est pourtant là où il ne le cherche pas que le
narrateur trouvera avec le sens de sa vie, la fin de sa quête.
Ce livre entraîne et étonne par de nombreux morceaux de bravoure
parmi lesquels un clin d'oeil à Marcel Proust (page 65), une extraordinaire
veillée qui réunit le père et le fils (page 249), la délivrance d'un enseignant
qui crie sa démission à un principal de banlieue éberlué, ce qui ne manquera pas
de faire rêver... (page 282), et par dessus tout ces extraordinaires veillées
dans le théâtre de la nature avec le choeur des femmes de Siom dont la moins
mauvaise finira par se hausser au niveau d'une initiative et osera enfin appeler
l'enfant du pays au salut qui l'attend (page 243).
On laisse avec regret ce beau livre du temps retrouvé qui mêle
l'amour de Paris à celui de la Corrèze, la culture et le sang de la nature, la
pureté et les vomissements: on laisse Lauve le pur à sa vocation, à l'appel de
l'Auvergne, "le Tibet de l'Europe".
Joseph Llapasset
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