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Rubrique Littérature
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LES
FLEURS BLEUES de
Raymond Queneau -
II -
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Commençons par
l'Histoire de France.
Elle va défiler sous nos yeux, par touches rapides, qui en
feront revivre les principaux épisodes, non pas intellectuellement,
mais du dedans, car le duc d'Auge, qui traverse les siècles, est plongé
dans les modes et les émotions de chaque époque, il réagit spontanément
aux événements et aux préoccupations qui s'imposent à lui en chaque
circonstance. Et vous allez voir, c'est drôle, de retrouver ce qu'on a
appris, de cette façon-là.
Sous Saint
Louis.
En 1264, armé en chevalier, le duc s'en va vers la
capitale, il fait abaisser le pont-levis pour quitter son château féodal,
monté sur son palefroi, en compagnie de son page.
Dans Paris, où bruissent encore les chantiers de la Sainte
Chapelle et de Notre-Dame, ces nouveautés gothiques qui font
l'émerveillement des badauds, il va rendre hommage au bon Louis IX, que
préoccupent les préparatifs de la huitième croisade.
Le duc d'Auge, comme la plupart des seigneurs, qui ont déjà
donné pour l'expédition en Égypte, et n'en ont rapporté que fièvres
pernicieuses et autres corporelles misères, se refuse énergiquement à
repartir. Du reste, elle est absurde, cette idée d'aller se battre à
Carthage!
Mais la foule, qui confond tous les ennemis du roi très
chrétien, Musulmans d'Orient installés sur le Saint-Sépulcre, et Albigeois
revenus à la paix depuis quelques décades, pousse des huées à l'encontre de
ce piètre croisé qu'elle traite de tous les noms. Piètre croisé, qui
échappera de peu aux terribles pénitences en prières, aumônes
et macérations dont le menace, pour mille raisons très justifiées la dévotion
royale.
Sous Charles VII.
Le duc voit s'achever la Guerre de Cent Ans.
Indifférent à la misère qui accable les manants comme les citadins, il
s'indigne du procès intenté à son valeureux, mais sulfureux compagnon
d'armes, Gilles de Rais, et s'en va plaider sa cause auprès du roi.
A son grand courroux, il constate que celui-ci délaisse
Paris pour les bords plus riants du Val de Loire, s'entoure de gens de
peu, comme ce "borgeois" enrichi de Jacques Coeur, et ces moines
mendiants qui s'insinuent partout. Naturellement, le futur Louis XI,
qui rallie les mécontents et complote contre son père, le rencontre et
lui fait des promesses.
Le duc profite de son voyage "pour aller admirer
le beau porche flamboyant de Saint Germain l'Auxerrois".
Et, puisque des armées royales régulières remplacent
les troupes levées par les seigneurs, que les artilleurs supplantent
désormais les archers, il fait l'acquisition de canons pour sa sécurité
personnelle. Il en a bien besoin, mais ces "engins du diable", que les
artificiers maîtrisent difficilement, lui occasionneront beaucoup de dégâts
et de dépenses.
De retour chez lui, tandis que, dans les cuisines, on chante
déjà les poèmes de Charles d'Orléans, il s'irrite d'apprendre par son
chapelain, qui, lui, revient de concile, que la Pragmatique sanction de
Bourges limitera l'autorité papale sur le Royaume, car lui-même est
"guelfe", c'est à dire fidèle à Rome.
Sous Louis XIII.
Le XVII° siècle voit s'installer des modes et un luxe un
peu ostentatoires, auxquels n'échappe pas notre héros.
La statue équestre du roi Henri IV, qu'on vient de
dresser à l'entrée du Pont Neuf récemment achevé, lui donne le désir
d'en commander une à son effigie, elle sera en or, si son alchimiste
privé sait découvrir le secret de la pierre philosophale. Son épouse, elle,
rêve d'avoir un astrologue, "comme la reine Catherine"
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Il se meuble en "Louis XIII", fait venir sa
verrerie
de Venise, exige de ses cuisiniers des repas raffinés aux multiples
services.
Il fréquente précieux et beaux esprits. On discute
chez lui d'astronomie, en se gaussant de Copernic. On fait l'éloge du
roman de Don Quichotte, qui vient d'être traduit en Français.
Il se montre à la Cour, y obtient brevets,
pensions, bénéfices ecclésiastiques, pour lui-même sa parentèle, ses
abbés. Il ne manque pas d'aller visiter les travaux de l'aqueduc
d'Arcueil, que fait construire la reine-mère, pour les bassins du
Luxembourg. Mais il lui faudra ensuite se rendre aux États-Généraux,
convoqués pour couvrir ces dépenses par de nouveaux impôts.
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Sous Louis XVI.
Il
boit du café sur la terrasse de son château, dans un de ces délicats services
en porcelaine de Chine récemment mis en vogue par le commerce avec
l'Extrême-Orient.
La grogne et le scepticisme s'installent. Malgré leur
demande, il laisse partir sans lui la délégation des notables de son
baillage. Ils vont porter leur cahier de doléances aux États
Généraux, qui s'appelleront sous peu Assemblée Constituante.
Il suit, sans trop la comprendre, la valse des ministres, où
Necker joue encore le premier rôle, et les projets de réforme qui se
succèdent. A sa grande surprise, la Bastille, où la sévérité royale avait
enfermé un de ses amis, est prise d'assaut par les manants, qu'on appelle
désormais "le Peuple", et bientôt les
"Républicains". La France
adopte le drapeau bleu, blanc, rouge.
Notre duc, n'est plus qu'un "citoyen" ;
il se nomme à présent monsieur "Hégault".
D'ailleurs, il va quitter la France, comme
la plupart des aristocrates, ses
semblables, qui émigrent nombreux vers l'Angleterre.
Et la suite....
Avec l'approche de l'époque moderne, il a des doutes sur l'enseignement
de la Bible, il s'interroge sur la réalité de la Création et sur l'âge de
l'Humanité.
Aussi va-t-il chercher des indices des
"préadamites" dans des cavernes de Dordogne destinées à une grande
célébrité. Il participe donc à l'émergence de la Préhistoire, en compagnie
de son ex-aumônier (alias l'abbé Breuil, initiateur de la chronologie du
Paléolithique).
En guise de pied de nez à l'incrédulité dont furent
victimes les premiers découvreurs de peintures rupestres, il va couvrir de ses
dessins une grotte que son ami, le comte Almaviva (pardon: Altaviva y Altamira)
met à sa disposition.
Pour ces longs voyages, plus question de carrosse, il prend
la chaise de poste. En effet, un "postillon" a remplacé son cocher,
les moyens de transport se sont démocratisés.
Viendra ensuite le jour où, circulant en
"caravane" comme tous les vacanciers,
le duc promènera dans un
"van" les valeureux chevaux
qui lui servirent de montures durant des
siècles.
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pas possible!
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