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Au Plaisir des Dieux.
(suite)
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Tous
les dieux ont au fond d'eux-mêmes, Héra, en particulier, un profond
mépris pour les habitants de la terre.
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Cependant,
ces sentiments restent subordonnés au confort des
habitants de l'Olympe, car il n'est pas question de se tourmenter, ni
de se brouiller entre soi d'une façon durable "pour de simples mortels".
Quand
il s'agit des hommes, un dieu peut agir absolument comme il lui plaît, il
n'a de comptes à rendre qu'à ses pairs. Promettre et ne pas réaliser,
changer d'avis, abandonner d'un coup ceux qu'on favorisait, mentir, ruser,
exercer férocement sa violence, tout cela n'a aucune importance. L'attitude du
maître des dieux est significative: "Les Troyens... marchent à
l'assaut des nefs, exécutant l'ordre de Zeus, qui, à chaque instant, réveille
leur fougue puissante, tandis qu'il jette un charme sur le cœur des Argiens et
qu'il leur refuse la gloire en stimulant leurs adversaires. Son cœur est
désireux d'offrir cette gloire à Hector, fils de Priam. Hector, ainsi, sur les
nefs recourbées, pourra jeter un feu prodigieux, vivace, et accomplir le vœu funeste de Thétis. Le prudent Zeus attend l'heure où il verra de ses yeux la
lueur d'une nef en flammes. Il doit provoquer alors le retour offensif qui
partira des nefs et donnera enfin la gloire aux Danaens. Dans cette pensée, il
réveille contre les nefs creuses l'ardeur d'Hector". Voilà un calcul
bien retors et cruel!
Un seul, dans l'Iliade, se montre sage et fidèle, c'est Phoebus Apollon, et sa
compassion à l'égard d'Hector mort, sur qui s'acharne Achille, finira par
s'imposer à tous. Soyons clairs: l'Archer Divin n'est pas pour autant plus
tendre qu'un autre sur le champ de bataille.
D'une
façon générale, donc, les notions morales de justice ou de mérite
influencent peu l'attitude d'un dieu à l'égard d'un mortel. Du reste, on
n'obtient pas la faveur divine parce qu'on est bon, honnête, ou courageux,
et ce n'est pas pour punir un séducteur ni pour garantir les droits du mariage
qu'Héra poursuit la ville de Pâris.
La meilleure façon d'être chéri d'une divinité, c'est de la
flatter par des prières complimenteuses (le jeune Archiloque obtient l'aide
d'Athéna, la "sage"! en jouant sur sa vanité) et surtout, de lui
offrir de nombreux et somptueux sacrifices. Aussi est-il bien peu d'activités qu'on ne mette sous le signe divin
par
des prières, des libations, ou des offrandes.
Nous
voyons l'indignation de Poséidon à l'encontre des Achéens qui ont imaginé et
réalisé un énorme rempart sans avoir placé leur entreprise sous le signe
divin par "d'illustres hécatombes"! Mais il pourra un jour
détruire ce travail insolent: "Poséidon et Apollon décidaient de
l'anéantir en dirigeant sur lui l'élan de tous les fleuves qui, des monts de
l'Ida, coulent vers la mer... Phoebus Apollon... neuf jours durant, lança leurs
flots sur lui. Et Zeus en même temps faisait tomber une pluie continue pour que
le mur s'en fût plus vite à la dérive. L'Ebranleur du sol en personne, le
trident en main, les guidait, et sur ses vagues, emmenait toutes ces fondations
-de bois, de pierre-, que les Achéens avaient eu tant de peine à mettre en
place. Il nivela ainsi les bords de l'Hellespont au flot puissant. Puis, sous le
sable, de nouveau, il cacha le rivage immense: le mur était anéanti. Alors, il
fit faire demi-tour aux fleuves, et chacun s'en fut retrouver le lit où
auparavant il précipitait le beau cours de ses eaux."
Ainsi,
les dieux ne sont pas bons pour les hommes, ils n'ont pour eux aucun
projet durable de bonheur. S'ils ne peuvent rester longtemps loin d'eux,
c'est parce qu'ils ont besoin d'eux pour se distraire ou se chercher
mutuellement querelle.
Et Zeus?
En
principe, Zeus est l'arbitre des combats, et rien ne se décide sans son autorisation, mais lui-même
balance d'un côté à l'autre, car il a de la sympathie pour les deux camps
et se laisse facilement attendrir ou duper.
Par
ailleurs, il domine mal la situation, parce que son autorité est
souvent contestée par les siens et qu'il craint beaucoup de fâcher l'un
ou l'autre. Nous l'avons vu pousser vivement Hector vers le succès, dans
l'impatience qu'il a de retourner aussitôt la situation pour satisfaire les
protectrices des Grecs.
Enfin,
il est lié à l'autorité du Destin, dont la voix sans visage énonce des
arrêts incontournables.
Quoi
qu'il en soit, pour tous les dieux, la guerre de Troie est un champ
d'activisme rêvé, ils vont donc la prolonger indéfiniment, en faisant
échouer les différentes tentatives d'accord et de paix.
Sous
prétexte de défendre leurs favoris, ils peuvent ici donner libre cours à
leur agressivité: "Ils se ruent les uns sur les autres dans un
terrible fracas. La large terre gronde et le ciel immense claironne autour d'eux
la bataille. Zeus l'entend, assis sur l'Olympe, et son coeur en liesse rit de
voir les dieux entrer en conflit..."
Le spectacle de la bagarre est, en effet, toujours un régal pour "le
Père des dieux et des hommes"! Il "arrête ses chevaux, les
dételle du char... Après quoi il s'assied sur la cime, tout seul dans
l'orgueil de sa gloire, afin d'y contempler la cité des Troyens et la flotte
achéenne", les deux camps opposés.
"Héra se dirige vers le groupe des nefs, de même, Pallas Athénée et
Poséidon, le Maître de la terre, et Hermès bienfaisant, qui excelle en
subtiles pensées. Héphaïstos part aussi avec eux, enivré de sa force,
boitant et agitant sous lui ses jambes grêles. Vers les Troyens, en revanche,
s'en vont Arès au casque étincelant, et avec lui, Phoebus aux longs cheveux et
Artémis la Sagittaire, et Létô, et le Xanthe, et Aphrodite qui aime les
sourires".
La
bataille devient un conflit cosmique:
"Le
père des dieux et des hommes terriblement tonne du haut des airs. En dessous,
Poséidon émeut la terre infinie et les hautes cimes des monts. Bases et
sommets, l'Ida aux mille sources est tout ébranlé, et la cité des Troyens, et
la flotte des Achéens. Et, sous la terre, le souverain des morts, Aïdoneus,
prend peur..."
"Face à sire Poséidon, se dresse Phoebus Apollon, avec ses flèches, et
face à Enyale, la déesse aux yeux pers, Athéna. Devant Héra, prend place
Artémis la Bruyante, sagittaire à l'arc d'or, la soeur de l'Archer, devant
Létô, le puissant Hermès Bienfaisant, et, face à Héphaistos, le grand
fleuve aux tourbillons profonds, celui que les dieux appellent le Xanthe, et les
mortels le Scamandre. C'est ainsi que les dieux affrontent les dieux"...
Dans
tout cela, que pèsent
les faibles mortels? --Page
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