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Au Plaisir des Dieux.
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(Page 12)
Pour
infléchir le déroulement des événements chez les belligérants, les dieux
agissent à la fois sur le moral et sur les données matérielles.
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Chacun
cherche à faire triompher sa cause, en intervenant sur le lieu des opérations. Il inspire les décisions des chefs,
relève le moral des troupes, dirige le déroulement des combats, de façon à
orienter le cours des choses selon ses vues.
S'ils
peuvent se déplacer à une vitesse impressionnante, les dieux n'ont pas le don
d'ubiquité, pas plus que celui de l'omniscience. Ils doivent donc rester
vigilants et prompts à réagir. Alors, pratiquement, ils sont tout le temps
sur le front, ou presque. Sans
eux, la guerre de Troie n'aurait pas lieu!
A-
Des guerriers sous influence.
Ouvertement
ou indirectement, la volonté divine mène les opérations. Le dieu
apparaît en général sous des traits familiers, pour éclairer un chef, créer
un mouvement d'opinion, retourner un état d'esprit:
Poséidon emprunte l'allure du devin Calchas pour rendre confiance aux Ajax.
Zeus, qui désire engager Agamemnon à reprendre le combat, lui envoie en songe
Nestor et lui donne ce conseil par son intermédiaire. Athéna a choisi le
visage d'un prince troyen pour lancer à un allié cet avis qui rompra le
processus de paix: "Allons, va, tire donc sur l'illustre Ménélas".
En revanche, elle s'adresse ouvertement à Ulysse, qu'elle envoie exhorter ses
compagnons, et à Diomède, à qui elle fait cette recommandation: "Garde-toi
de combattre en face les divinités immortelles, sauf une: si la fille de Zeus,
si Aphrodite entre dans la bataille, frappe-la de ton bronze aigu".
Présages, nuées ardentes, grondements, cris stridents encouragent les uns,
épouvantent les autres:
"Zeus
tonnant fait alors se lever des monts de l'Ida une bourrasque de vent qui qui
porte la poussière tout droit vers les nefs. Il jette en même temps un charme
sur l'esprit des Achéens et il octroie la gloire aux Troyens, à Hector.
S'assurant en ces présages..."
Athéna
"pousse un cri puissant, terrible, aux accents suraigus, et, au cœur de
chaque Achéen, elle fait se lever une force infinie pour batailler et guerroyer
sans trêve, et à tous, aussitôt, la bataille devient plus douce que le retour
sur les nefs creuses vers les rives de la patrie".
B-
Une logique des faits bouleversée.
Non
contents d'agir sur l'esprit des combattants, les dieux ne cessent de modifier
les composantes de l'action. Pour protéger la retraite des Troyens, le
Xanthe déborde de son lit. pour permettre à ses combattants de reprendre
haleine, Héra avance l'arrivée de la nuit, Arès enveloppe les siens
d'obscurité...
Ainsi, les dieux passent leur temps à redistribuer les cartes ou à
piper les dés en faveur de leurs protégés. Ils se tiennent, invisibles, à
leurs côtés, et parfois combattent à leur place:
Les
Troyens tentent de franchir le rempart des Achéens, "devant eux,
Phoebus Apollon, d'un coup de pied, sans effort, fait crouler le talus et le
renverse au milieu du fossé profond. Il jette ainsi un pont, une chaussée
longue et large... Ils s'y précipitent par bataillons entiers. Apollon marche
devant eux, portant l'égide vénérée. Il fait ensuite, et sans effort,
crouler le mur des Achéens... tu abats, Phoebus, dieu des cris aigus, ce qui
avait coûté aux Argiens tant de peine et de misère, et tu fais parmi eux se
lever la panique".
C'est encore Apollon qui va provoquer la mort de Patrocle: "A ce moment
se lève pour toi, Patrocle, le terme de ta vie. Phoebus vient à toi à travers
la mêlée brutale. Il vient, terrible, et Patrocle ne le voit pas venir à
travers le tumulte, car Apollon marche vers lui couvert d'une épaisse vapeur.
Il s'arrête derrière Patrocle. Il lui frappe le dos, les larges épaules, du
plat de la main. Les yeux aussitôt lui chavirent. Phoebus Apollon fait choir
alors son casque de sa tête..."
Les
interventions des dieux sont particulièrement fréquentes dans les combats
singuliers, qui forment, numériquement parlant, la part la plus importante
de l'Iliade.
La divinité ôte ses forces à un guerrier:
-Poséidon "jette un sortilège sur ses yeux brillants. Il entrave ses
membres éclatants. L'homme ne peut plus se retourner et fuir, et pas davantage
esquiver les coups. Il reste planté là, immobile, telle une colonne, un arbre
au haut feuillage".
-Elle fait dévier un trait pourtant lancé d'une main sûre: "Zeus...
brise la corde solide de l'arc impeccable, au moment où Teucros la tire contre
Hector. La lourde flèche de bronze s'égare loin du but, et l'arc choit des
mains de Teucros".
-Elle rend son épée à qui s'est laissé désarmer, ou qui, manquant son
but, a perdu son javelot. Elle relève un guerrier abattu, et renouvelle ses
forces déclinantes: Poséidon vient au secours d'Enée, en difficulté: "il
le soulève très haut au-dessus du sol. Enée franchit d'un bond force rangs de
héros et force rangs de chars, la main du dieu lui servant de tremplin".
-Elle sauve un vaincu de la mort, en l'enveloppant dans une nuée, ou en
l'emportant à l'abri: Ménélas est sur le point de triompher, il "saisit
Alexandre (= Pâris) par son casque à l'épaisse crinière, le fait
pivoter, puis tâche à le tirer vers les Achéens... et il l'eût entraîné et
se fût ainsi acquis une gloire infinie, si la fille de Zeus, Aphrodite, ne l'eût
vu de son oeil perçant. Elle rompt la courroie, si bien qu'un casque vide,
maintenant se trouve à suivre seul la forte main... le héros fait demi-tour et
s'élance, brûlant de tuer son adversaire avec la pique de bronze. Mais
Aphrodite, alors le lui ravit, ce n'est qu'un jeu pour la déesse: elle le dérobe
derrière une épaisse vapeur et le dépose dans sa chambre odorante et parfumée"...
C-
Des
instruments dociles et résignés.
De
tout cela, les hommes sont tout à fait conscients. Ils n'ignorent pas qu'ils ne
peuvent échapper à leur destin. Ils savent qu'ils sont dans la main des dieux
et ne peuvent triompher qu'avec leur accord. Ils reconnaissent les manifestations de la présence divine. Ils s'y soumettent,
en profitant de l'aide accordée, ou en suivant les avertissements donnés. Ils
ne s'entêtent pas à poursuivre celui qu'ils découvrent protégé par un dieu.
Et certains guerriers, s'ils se sont montrés particulièrement brillants,
s'entendent parfois traiter de "chouchous" par d'autres moins
valeureux et un peu jaloux!...
Nos
grands héros ne seraient-ils que les jouets des dieux?
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