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Hector: le fléau de grecs
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C'est
le fléau des Grecs,
"Par centaines,
ils sont tombés sous les coups du divin Hector".
Tous
les Achéens "redoutent Hector,
puissant maître de déroute. Hector, comme toujours, apparaît au combat
semblable à l'ouragan".
"Hector
le Priamide fait peur à tous les autres. Achille même s'effraie de
l'aborder dans la bataille" rappelle Agamemnon à son frère Ménélas,
qui veut se mesurer à lui.
Il
déclare aussi: "Jamais encore je n'ai vu, jamais je n'ai ouï parler
d'homme ayant en un jour provoqué plus d'angoisses qu'Hector chéri de
Zeus en aura su créer aux fils des Achéens, cet Hector
qui n'est fils de dieu ni de déesse
et qui pourtant nous aura procuré des soucis dont je puis assurer qu'ils
doivent obséder l'esprit des Argiens, longtemps et longtemps, tant il a médité
de malheurs pour les Achéens".
Ulysse le voit avec épouvante
s'approcher des nefs: "Enivré de sa
force, Hector sévit en furieux, guerrier effrayant qui s'assure en Zeus et qui
n'a respect d'homme ni de dieu. Une rage brutale est entrée en lui".
Les Grecs se pressent pour protéger
leurs navires, mais "à peine ont-ils vu Hector parcourir
les rangs des guerriers, qu'ils prennent peur et que le coeur leur tombe
à terre".
On imagine leur joie devant cet ennemi
abattu: "Les fils des Achéens de
tous côtés accourent. Ils admirent la taille, la beauté enviable d'Hector.
Aucun d'eux ne s'approche sans lui porter un coup, et chacun alors de dire en
regardant son voisin: "Oh! Oh! cet Hector-là est vraiment plus doux à
palper que celui qui naguère livrait nos nefs à la flamme brûlante!"
"Il est tant
d'Achéens qui, sous les coups d'Hector, ont mordu la terre immense!
rappelle Andromaque à son fils, Ah! il n'était pas tendre, ton père, au
cours de l'affreuse bataille, et c'est pourquoi nos gens le pleurent par la
ville..."
Sa disparition est en effet pour
les Troyens une perte irréparable. Désormais
Troie est perdue, puisqu'est mort, dit Priam, "le seul qui me restait
pour protéger la ville et ses habitants"
Tous
dans la ville, l'aiment et comptent sur lui.
"Loin
de se montrer un lâche, il se dressait pour la défense des Troyens et
Troyennes à la ceinture profonde, sans songer à fuir ni à s'abriter", rappelle
Hécube, sa mère.
Sa sœur, Cassandre, voyant, du haut du rempart, le cortège qui ramène son
corps, lance un long cri: "Venez,
Troyens, Troyennes, venez voir Hector. Venez, si vous avez jamais été joyeux
de le voir rentrer vivant du combat, lui qui fut la grande joie de sa cité,
de tout son peuple... Elle dit, et, dès lors, il n'est plus ni homme ni
femme qui reste dans la ville. Une douleur intolérable a pénétré tous les
Troyens... la foule immense gémit".
Il
y a dans cette plainte un désarroi profond, mais on y sent aussi combien
Hector est aimé, et quelle place il tient dans sa cité. Les relations
affectueuses entre lui et son peuple apparaissent dans le surnom donné
à son petit garçon, "qu'Hector nomme Scamandrios et les autres Astyanax
(= Le Prince de la Ville), parce qu'Hector est seul à protéger Troie".
Il
est le soutien de sa famille,
Hector se montre affectueusement
attentif à chacun. Et quelle tendresse il reçoit, en retour!
Comme ils l'ont supplié,
ses deux vieux parents, pour le ramener à l'abri des murs, avant le
duel fatal! Quel deuil ensuite dans leurs plaintes! C'était "Mon
plus vaillant fils", gémit Priam. "Qu'Achille me tue, dès
que j'aurai pris mon fils dans mes bras et apaisé mon désir de sanglots".
Dans son désespoir, il s'en prend à ses fils survivants: "Méchants
enfants, fronts honteux! Pourquoi donc, près des nefs fines, n'avez-vous
pas été tués, tous, à la place d'Hector?... Seuls me restent ceux
qui, pour moi sont des opprobres, des menteurs, des danseurs". Ah! il
ne lésinera pas pour racheter le corps de son enfant: "il
lève le beau couvercle de ses coffres. Il en retire douze robes splendides,
douze manteaux simples, autant de couvertures, autant de pièces de lin blanc...
il en dépouille son palais: de toute son âme, il veut racheter son fils".
Sa
mère avoue: "Hector, toi, de tous mes enfants, le plus cher de beaucoup
à mon coeur!" et dans sa naïve affection, elle ajoute: "vivant,
je le sais, tu étais chéri des dieux: même venue la mort fatale, ils s'inquiètent
encore de toi".
La délicatesse du
héros à l'égard d'Hélène lui vaut toute la reconnaissance et l'affection de
la jeune femme: "Hector, de tous mes beaux-frères, tu étais de
beaucoup le plus cher à mon coeur... voici vingt ans déjà que je suis
partie de là-bas et que j'ai quitté mon pays, et de toi, jamais je n'entendis
mot méchant ni amer. Au contraire, si quelque autre, dans le palais, me
critiquait... , c'était toi qui les retenais, les persuadant par tes avis,
ta douceur, tes mots apaisants. Je pleure donc sur moi, malheureuse, autant
que sur toi, d'un coeur désolé".
Sur Pâris, il exerce une autorité que son frère accepte et qui
n'exclut pas l'affection. Il se montre extrêmement sévère: "Ah!
Pâris de malheur! Ah! le bellâtre coureur de femmes et suborneur! Pourquoi
donc es-tu né?... aujourd'hui notre honte et l'objet du mépris de tous...
de quoi te serviront et ta cithare et les dons d'Aphrodite, tes cheveux, ta
beauté, quand tu auras roulé dans la poussière?". Ce garçon est un
si "terrible fléau pour les Troyens, pour Priam magnanime et pour tous
ses enfants", qu'Hector va jusqu'à souhaiter nommément sa mort.
Il le houspille avec colère: "Allons! Debout! Debout! Si tu ne
veux que notre ville bientôt ne se consume dans le feu dévorant". Mais
dès que Pâris se décide à combattre, le cœur de l'aîné s'attendrit:
"il n'est pas d'homme, s'il sait être juste, qui ravale ton travail au
combat: tu es un brave... Et mon cœur en moi s'afflige quand j'entends
des outrages à ton adresse".
Jeune époux et jeune père, Hector nous touche infiniment. Sa brève
rencontre avec Andromaque et son bébé contient une tendresse mutuelle et
une émotion qu'on n'oublie pas.
"Hector, tu
es pour moi tout ensemble, un père, une digne mère, pour moi, tu es un frère
autant qu'un jeune époux. Allons! cette fois, aie pitié, demeure ici sur le
rempart. Non, ne fais ni de ton fils un orphelin, ni de ta femme une
veuve..."
Malgré la peine et le souci qu'il lui
cause, Hector doit retourner au danger: "Tout cela, autant que toi
j'y songe... j'ai moins de souci de la douleur qui attend les
Troyens, ou Hécube, même, ou sire Priam... que de la tienne, alors qu'un Achéen
à la cotte de bronze t'emmènera, pleurante, t'enlevant le jour de la liberté...
Ah! que je meure donc, que la terre sur moi répandue me recouvre tout
entier, avant d'entendre tes cris et de te voir traînée en servage!".
Puis "Hector sourit, regardant son fils en silence... il prend
son fils et le baise, et le berce en ses bras, et dit en priant Zeus
et les autres dieux: "Zeus et vous tous, dieux! permettez que mon fils,
comme moi se distingue entre les Troyens, qu'il montre une force égale à la
mienne. Et qu'un jour, on dise de lui: Il est encore plus vaillant que son père!"
Il dit, et met son fils dans les bras
de sa femme et elle le reçoit sur son sein parfumé avec un rire en pleurs. Son
époux, à la voir, alors, a pitié. Il la flatte de la main, il lui parle,
en l'appelant de tous ses noms: "Pauvre folle! que ton coeur, crois-moi, ne
se fasse pas un tel chagrin... Allons! rentre au logis, songe à tes travaux...
Au combat, veilleront les hommes... "
"Sa femme déjà s'en revient
chez elle, en tournant la tête et en versant de grosses larmes..." Quelle
angoisse, quand des sanglots et des gémissements font pressentir à Andromaque
la mort du bien aimé! "Je sens, au fond de ma poitrine, le coeur me
sauter aux lèvres, tandis que mes genoux se raidissent sous moi". "Eperdue
à en mourir", elle l'aperçoit, indignement traîné par le char du
vainqueur, "ses cheveux sombres se déploient, sa tête gît dans la
poussière, cette tête jadis charmante et que Zeus maintenant livre à ses
ennemis".
Quelle détresse,
et quelle promesse de fidélité, dans son adieu! "Rien ne
restera plus que d'affreuses douleurs. Tu n'auras pas, de ton lit, tendu vers
moi tes bras mourants! tu ne m'auras pas dit un mot chargé de sens, que je
puisse me rappeler nuit et jour en versant des larmes."
Celui qui fut le protecteur de son
peuple, l'honneur de son père, la joie de sa mère, un frère juste et
bienveillant, l'unique amour d'Andromaque, celui que tous aimaient
parce qu'il était beau, fort, courageux et merveilleusement humain, "Zeus
maintenant le livre à ses ennemis". Et pourtant...
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