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Rubrique philagora
http://www.philagora.net/musee-fabre
Montpellier - Pavillon du Musée
Fabre:
Sébastien Bourdon
1616 – 1671
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Heurs et malheurs de Bourdon
Présentation- pages: 1
- 2 - 3
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Bourdon n’eut pas en fait l’occasion de donner la pleine mesure de
lui-même. À vingt et un ans, revenant de Rome, en 1637, il est un grand
peintre, mais à Paris Vouet est tout-puissant, et accapare les grandes
commandes. Si le May de 1643 fait éclater son mérite, bientôt Le Brun
revient d'Italie et l'universelle compétence de celui-ci l'emporte.
L'épisode suédois, en 1652, lui donne l'espoir de trouver enfin le
théâtre à sa mesure, de jouer à Stockholm le rôle que le Primatice ou
Vouet avaient tenu à Paris. Ne voyons pas dans le mirifique projet de
mausolée à la gloire de Gustave Adolphe, complaisamment relaté par
Félibien, une fantaisie de l'historien : mais la mesure des
espérances que pouvait susciter le mécénat de Christine. La
désillusion dut suivre de près. Les bruits d'abdication, qui couraient
déjà, firent comprendre qu'il n'était pas question de projets
grandioses. Peut-être rêva-t-il encore, en 1657. de créer à
Montpellier une Académie sœur de celle de Paris, la désillusion fut
encore plus prompte. Au reste Paris commençait à resplendir d'un tel
éclat qu'il apparaissait plus enviable d'y être le second que de se
retrouver le premier dans son village. La Galerie de l'Hôtel
Bretonvilliers en fut la preuve.
Cette grande entreprise, promptement et brillamment conduite, admirée
du Bernin lui-même, marquait, à l'approche de la cinquantaine, le début
d'une nouvelle carrière. Le destin devait se montrer plus cruel que
jamais. Il interrompit la vie de Bourdon à cinquante-cinq ans, à
l'apogée de son art, et l'on rêve de ce qu'eussent été les grandes
œuvres des dernières années, s'il avait atteint les soixante et onze
ans de Le Brun, les quatre-vingt trois ans de Mignard. Puis il détruisit
ce chef-d'œuvre, sans même en laisser des traces suffisantes pour qu'il
soit possible de le reconstruire en pensée. Perte infinie, qui
découronne l'œuvre entier. C'est par cette galerie, estimée la plus
belle de Paris, que Bourdon pouvait se mesurer à Pierre de Cortone, à
Romanelli, à Vouet, à Le Brun lui-même. C'est par là qu'il échappait
à cette qualification de peintre de genre où les petits esprits du XIXe
siècle allaient un jour vouloir le rabaisser.
Rien hélas n'a sauvé de la ruine l'œuvre de Bourdon, peu à peu
amputé de pièces majeures et envahi de médiocrités qui le
déshonorent. La suite de l'Histoire de Moïse a disparu. La série
des Sept Œuvres de Miséricorde a été laissée dans un tel état
d'abandon qu'elle n'est plus qu'une ruine indigne. Les grands morceaux
peints pour Cologne semblent tous détruits, de l'anthologie des 37
œuvres nommément citées par Guillet de Saint-Georges en plus de la
galerie Bretonvilliers, il ne s'en retrouve que sept ou huit. Des dizaines
de Sainte Famille gravées au XVIIe siècle, combien d’originaux
ont-ils été identifiés ?. Inversement, le nom de Bourdon a
longtemps servi a couvrir des répliques ou des pastiches de Poussin, et
quantité de compositions banales que l’on appelait avec mépris
"classiques". _ Quant aux dessins, sur les milliers de feuilles,
tout juste en a t-on retrouvé quelques dizaines de pièces.
Forte et ferme évolution d’un génie
En dépit de certains jugements malveillants, dont ceux de Félibien, la
précocité et la virtuosité de Bourdon ont fait que dès sa formation il
a produit des chefs-d’œuvre. On admet d’ordinaire que jusqu’à
trente ans un peintre, pour se former, copie ou imite ses prédécesseurs,
voire ses contemporains. Quand Bourdon est à Rome, il regarde en effet de
tous côtés : Poussin, Castiglione, Cerquozzi, Van Laer, Claude et
bien d’autres. Mais s’il copie littéralement Claude, il exécute un
chef-d’œuvre que tout Rome croit de la main du maître. S’il adopte
la manière de Van Laer, il peint une toile qui l’emporte sur tous les
Van Laer connus. Et c’est en 1636-1637 : il n’a que vingt ou
vingt-et-un ans.
Le May de 1643 – il a vingt-sept ans – marque la fin de ces
hésitations. Ce grand tableau est d’une telle originalité qu’il est
bien impossible de lui désigner une source et de lui trouver des
épigones. Désormais Bourdon est en pleine possession de ses
moyens ; il est lui-même, à la pointe des recherches parisiennes du
moment, et va se tourner vers des recherches neuves, tenter de résoudre
une série de problèmes. Mais pendant quelque vingt-huit ans, Bourdon
manifeste une cohérence et une fidélité envers lui-même qui peuvent se
comparer à celle des Champaigne et des Le Sueur. De la monumentale Déploration
sur le Christ mort de Saint-Benoît (Louvre) à celle que vient d’acquérir
le Musée Fabre, petit chef-d’œuvre où se pressent déjà toute la
poétique de l’art " baroque ", on peut suivre la
forte et ferme évolution d’un génie.
Cette unité profonde a pour corollaire une grande diversité d’expression.
Bourdon semble passer sans effort du petit tableau de piété aux
compositions monumentales, du portrait au paysage. Riche d’une
expérience déjà longue, occupant l’un des premiers rangs à l’Académie,
professeur attentif et, lorsqu’il est à Paris, assidu, Bourdon s’estime
en mesure de maîtriser les difficultés que posent les différents
genres, et il explore toutes les ressources de la peinture.
La postérité a facilement trouvé matière à choisir. Selon les
goûts et tendances de l’époque, et avec une lucidité inégale. Les
uns ont prétendu que Bourdon était un artiste fourvoyé dans un temps et
dans un milieu qui convenaient mal à son génie : il était né pour
le réalisme, il est à son mieux lorsqu’il peint une scène de
genre avec des gradations de lumière aussi subtiles que celles de
Téniers, et avec une inspiration plus délicate ; cette tendance l’emporta
dans les dernières décennies du XIXe siècle.
D’autres ont estimé que l’importance de Bourdon dans la peinture
française venait de ses portraits. Leur juste équilibre entre la
psychologie et l’expression plastique s’inscrit dans la grande
tradition des Clouet.
D’autres encore n’ont pu retenir leur admiration devant les
paysages peints par Bourdon.
Le génie de Bourdon s’est aussi remarquablement exprimé dans toute
sa force, dans toute sa science, avec les tableaux mythologiques et
religieux qui le placent au premier rang des peintres français du
XVIIe siècle, entre Le Brun et Le Sueur.
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