La
mère Ours, comme toutes les mères, faisait sans cesse des
recommandations à son enfant.
-Méfie-toi de l’animal-homme.
C’est le plus dangereux de tous. Tu n’as rien à craindre des autres
animaux. Ils ne te feront rien si tu ne leur dis rien, mais l’homme,
il te fera quelque chose, de toute façon.
Le petit ours grandit, et un jour
dit à sa mère:
-Je
vais faire un tour hors de la caverne. Je veux voir si cet animal-homme
est aussi méchant que tu le dis.
Non ! répondit
la mère alarmée, tu est encore trop jeune, attend un ans.
Le petit ours avait de la suite dans les idées. Au bout
d’un an, il décida :
-Maintenant, je m’en
vais. On va bien voir si cet animal me fait peur.
Eh bien, va-t’en! dit la mère,
nullement rassurée.
Tu es fort et dégourdi, mais méfie-toi de l’homme,
il te tuera sans raison ; il te verra aussi sans que tu le voies,
méfies-toi bien de lui, c’est le pire de tous.
L’ours s’en alla. En chemin, il rencontra un loup.
-Es-tu homme, toi?
-Non, je suis loup.
-Alors, je n’ai pas
affaire avec toi.
-Pourquoi ? demanda le loup qui aimait toujours faire la
conversation.
-Parce que ma mère m’a
dit que je ne devait fuir personne, excepté l’homme.
-Elle a raison.
Ils marchèrent ensemble un moment. Ils virent,
dans un pré, un vieux abrité dans un grand manteau, gardant son
troupeau.
-Est-ce un
homme ? demanda l’ours
au loup.
Non. Il a été un homme.
Plus loin, ils
rencontrèrent un enfant gardant des porcs.
-Est-ce un homme ?
demanda l’ours.
Non, il le sera.
Ils continuèrent. Ils virent arriver un homme…
Maintenant oui, dit le loup. Je me sauve de
ce coté. Fais comme moi.
L’ours alla vers l’homme.
-Es-tu un homme, toi ?
Non, je suis cordonnier.
-Alors, passe. Je cherche un
homme.
Le cordonnier en profita pour se
sauver le plus vite possible. L’ours continua. Il vit arriver un
chasseur.
-Hep ! Dis-moi si tu est un
homme, toi !
Oui, je suis un homme, répondit le chasseur.
-Ma mère m’a dit que je ne
devais craindre personne, excepté l’homme. Nous le verrons bien, nous
allons nous battre. On verra bien qui est le plus fort.
L’ours escalada la
colline et vint prés du chasseur, qui fut un peu inquiet.
Je n’ai aucune raison de me battre avec toi. Tu ne m’as
rien fait. Par contre, si tu vas saccager ce champ de blé qui est là
et qui m’appartient, je serais en colère contre toi.
L’ours alla aussitôt se
vautrer dans le champ de blé.
L’homme en profita pour glisser des cartouche dans son fusil, et dès
qu’il put viser l’ours il appuya sur la détente. Pan !
-Malheureux, qu’as-tu
fait ? cria l’ours
qui était touché.
Pan !
La seconde balle lui cassa l’épaule.
-Mère, Mère ! cria l’ours
en s’enfuyant. Tu avait raison. L’homme est un animal terrible. Il a
seulement poussé un grand cri, "Pan!" et il m’a cassé l’épaule.
Cela te servira de leçon, dit la mère Ours en le léchant. |