Réjouissez-vous,
votre colle entre parfaitement dans le cadre: mesure démesure.
De plus vous avez la
chance d'avoir sous les yeux trois termes juxtaposés. Orgueil,
Humilité, avec au milieu la modestie comme vertu. La modestie comme
modération (modus en latin). La parfaite raison fuit toute
extrémité comme chacun sait .... In médio stat virtus.... La
route semble toute tracée dans la détermination de deux excès
avec la définition de la vertu à égale distance entre les deux
excès. Mais, c'est peut-être trop simple parce qu'il n'y a pas de
problème, vous n'êtes pas étonnés.
Sans problématique, vous risquez de vous embarquer dans un chemin
tracé à l'avance alors que vous devriez vous méfier: l'ordre de la
présentation ne signifie pas que la réalité soit ordonnée: la
raison met souvent plus d'ordre et de distinction qu'il n'y en a dans
la réalité, tellement elle est pressée d'unifier, de distinguer
aussi. A
la recherche d'une problématique -
= La
problématique c'est le chemin qui mène à un problème. Je vous
propose pour le trouver une phrase étonnante de Camus qu'il prête à
Clamence dans La chute: "La modestie m'aidait à
briller ... l'humilité à vaincre ... la vertu à opprimer."
ça décoiffe la belle construction que vous alliez présenter en vous
appuyant sur Aristote.
Un problème: comment distinguer les trois termes si les deux autres
luisent dans chaque terme et semblent vous narguer?
De la problématique jaillit le plan:
Première partie: un effort de
distinction qui apparaissait possible à la première lecture du sujet
Deuxième partie:
courageusement, vous allez nager dans le poto-poto de la confusion des
trois termes.
La troisième partie vous
verra tel un prestidigitateur sortir de l'embarras par une solution et
par la bonne définition des termes.
Pour l'effort de distinction -
Orgueil =
D'Alembert, Synonymes. Oeuvres philosophiques, III, pages 326 et
327, Paris 1805: "L'orgueil est l'opinion avantageuse que l'on
a de soi."
ou encore, Gabriel Marcel, Positions et approches, page 284
"L'orgueil consiste à ne trouver sa force qu'en soi."
Modestie =
Caractérise celui qui garde la mesure, qui fait
preuve de réserve et de discrétion. Donnons la parole à Bergson,
l'incomparable peintre des états intérieurs dans Le rire,
page 133 "La modestie vraie ne peut être qu'une méditation
sur la vanité. Elle naît du spectacle des erreurs d'autrui et de la
crainte de s'égarer soi même."
Humilité =
L'humilité caractérise celui qui est
dépourvu d'orgueil et conscient de ses limites. "L'humilité
est une purification par élimination de soi du bien imaginaire."
S. Weil, Cahiers, II, page 298 Pour
la deuxième partie, le poto-poto -
= La
citation de Camus dans La chute. "La modestie m'aidait à
briller ... l'humilité à vaincre ... la vertu à opprimer."
Sur l'orgueil => modestie. "L'homme, de sa nature,
parle hautement et superbement de lui même, et ne pense ainsi que de
lui même; la modestie ne tend qu'à faire que personne n'en souffre;
elle est une vertu du dehors..." La Bruyère, Les
Caractères, XI, 69
Sur orgueil => humilité. "L'orgueil a de telles
racines! Au moment du plus fervent repentir, c'était avec une
prodigieuse jouissance qu'il savourait son humilité." Roger
Martin du Gard, Les Thibault, I, page 235
Pour la transition:
Sur Humilité => modestie. "Il semble bien que la
différence entre l'humilité et la modestie consiste précisément
que celle-ci ... peut être un simple habitus naturel ou profane, au
lieu que l'humilité proprement dite présuppose une certaine
affirmation du sacré. C'est par là que l'humilité s'oppose de la
façon la plus radicale à l'hybris qui est, peut-on dire,
essentiellement sacrilège." Gabriel Marcel, Le mystère
de l'être, II, page 85 et 86.
Pour
la troisième partie -
Vous pouvez soit en rester à l'embarras
de la deuxième partie ou sortir de l'embarras en proposant une
solution au problème déterminé en début de colle, dans votre
introduction.
Exemple de solution, mais il y en a d'autres.
Si L'orgueil brille dans la modestie, c'est que la modestie étant
ordonnée à l'orgueil n'est pas modestie mais orgueil: la fausse
modestie.
Pour ce qui est de l'humilité, vous pouvez maintenir que l'humilité
est vérité, et donc qu'elle ne saurait procéder d'un orgueil
sous-jacent. L'humilité devant le sacré c'est aussi bien l'humilité
devant la personne, la créature, son visage, que devant le créateur.
C'est bien le contraire de l'orgueil sans aucun pacte possible.
Ne peut-on se demander si, ceux qui insistent tellement sur la
confusion, ne cherchent pas à tout confondre pour, comme les
sophistes, mieux vendre leur camelote.
"L'orgueil
comme l'amour se nourrit de doutes." Jean Rostand, De la
vanité, page 39. Comme la Foi?
Bon courage!
Joseph
LLapasset ©
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