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Ce qu'il est devenu (en 1873):
Hugo rédige Quatrevingt-treize du 16 décembre 1872 au 9 juin 1873: dans la dernière période de sa vie. En 1873, il est à cinq ans de la congestion cérébrale (1878) qui doit lui enlever toute possibilité de création. C'est "le" grand père, non seulement de ses petits-enfants, mais, du peuple. Les contraires s'équivalent-ils?

Ce qu'il pense, ce qu'il croit: arrachement et attachement:

• Arrachement -

-Il ne croit plus au mythe romantique de la fatalité d'un éternel retour du même qui annulerait et découragerait l'action.
-La méfiance devant les combats soupçonnés d'être inutiles, cède la place à une certitude: la paix est toujours à conquérir. A côté de la guerre qui ruine les vies dans une dialectique monstrueuse, il y a l'écriture qui est action, au sens plein du terme.(Voir en bas de cette page la note sur Éclaircie)

• Attachement -

-Il croit en conséquence en l'action de l'homme qui conjure le retour du même par une participation à la création toujours renouvelée: alors l'histoire est possible.
-Cette action n'est pas le déroulement d'une dialectique animée par un mauvais infini, l'infini de la succession des massacres qui engendrent des massacres, mais l'annulation du massacre par le massacre symbolique du massacre (par l'écriture, par la dérision, par la figuration)
 Lire: "Poum" (page 347), "Le bruit cessa" ou encore, page 344, "Ce fut une extermination".

Comment la contemplation peut-elle nourrir l'action? Y a-t-il équivalence de ce qui semble deux extrêmes, contempler et agir ?

-Il s'agit de  l'immanence de la transcendance. Cette pensée est nourrie de l'intuition, elle est donc vérité. (notre texte page 346)

C'est ainsi que le projet d'une action (transcendance du sens, avenir) oriente (immanence) le passé: condition de possibilité de l'action au plein sens du terme.

Quelques perspectives de lectures pour éclairer 93.

• L'absence est présence, 

-la transcendance d'un sens habite l'immanence, ce qui justifie la contemplation ou, si l'on préfère, la rêverie d'un visionnaire: non pas une contemplation passive mais un regard intuitif qui atteint l'action en marche , l'orientation donnée par le Sens et  peut alors nourrir l'action d'un collaborateur de Dieu/Nature.

-Le mal n'est donc pas irréductible, l'espérance n'est jamais déçue car elle se nourrit de contemplation: même Satan échappe au désespoir, au retour du même. (lecture incontournable: La Fin de Satin -1854-=>1860 ... écriture laborieuse!): 
Hugo imagine le pardon de Dieu comme si le projet (à venir) orientait le passé. "Dieu se tourna, par l'être et la vie absorbé, et dit: -Ne jetez pas ce qui n'est pas tombé." (Miracle par lequel le monde sera sauvé, commente Marcel RAYMOND).
-L'écriture est action car elle entraîne les cœurs: non seulement elle fait apparaître, grâce à la piété, le sens de la transcendance au cœur de l'immanence ("l'immense respect de la nature autour de cette petitesse" page 347 - tout Quatrevingt-treize est dans cette phrase.) Mais elle permet de décontenancer et d'exorciser le mal dans une figuration qui lui perdre son "enflure" en mettant à la lumière sa vanité, son manque d'être par rapport à l'Être.

• Hugo chantre de la démocratie

Si l'immensité, que rien n'englobe, est origine de la vie, non seulement tout est vie, mais encore, par rapport à l'immensité toutes les créatures s'équivalent: c'est l'Égalité. Le sage vaut le fou. D'autre part, l'immensité étant immensité de l'amour, tout est amour c'est à dire liberté: aimer ou penser s'équivalent. Enfin, tout résonne, dans un accord parfait, c'est la Fraternité. C'est ainsi que le grand père rime avec le peuple de ses petits enfants grâce à la fécondité de la femme. Il ne s'agit pas (on ne le répètera jamais assez) d'une dialectique mais d'une filiation fondamentale par l'immense fécondité de l'amour qui, à une certaine profondeur , est aussi immensité du respect.

• Ce qu'il écrit

L'écriture révèle l'intuition donnée par la contemplation  non pas  un affrontement de contraires qui s'engendrent à l'infini: la contemplation engendre l'action car elle révèle le Sens, la transcendance fondamentale de la nature qui invite l'homme à une collaboration, à aimer pour engendrer dans l'amour( importance de la femme et de la fécondité): l'homme s'arrache aux contradictions du mal pour s'élever vers Dieu en plongeant dans la création: pour Hugo, écrire c'est aussi bien aimer, admirer, respecter, croire, penser ,rêver.(Même si penser et songer doivent être distingués).

Contempler le sens de l'action dans une sorte de nappe phréatique toujours féconde, au creux de l'absence.
Y aurait-il un endroit de la nature où Dieu ne soit pas chez lui? Voir les dernières lignes de Quatrevingt-treize: "L'ombre de l'une mêlée à la lumière de l'autre" (bien peser le terme mêlée; voir plus bas la note sur  Eclaircie.)

-Pistes  de lecture:1867: Paris, guide de l'Exposition universelle, introduction de Hugo (Le projet oriente le passé ...)

-Sur la fin de Satan, Marcel RAYMOND, Hugo mage, Génies de France-La Baconnière,  "La Fin de Satan est le poème du pardon, de la rédemption ...( de Satan il ne reste qu'une plume blanche que Dieu sauve: - Ne jetez pas ce qui n'est pas tombé.) De cette plume fécondée par un rayon naîtra l'ange qui portera le nom de Liberté. C'est l'ange Liberté, échappé à la damnation, qui pénètrera peu à peu de sa flamme l'univers nocturne, l'élèvera, le transfigurera jusqu'à l'Être absolu ... Cette croyance au salut de l'univers et de l'humanité fait vivre Hugo, nourrit son espérance ..." (page 182 à 184).

-Dans son édition critique P. Albouy écrit: "La lumière sauvera l'ombre, mais pour devenir lumière, elle a eu besoin de l'ombre - du tombeau; l'ombre ou le mal, qui n'est qu'un aspect des choses -par exemple, la mort vue par les vivants - est non seulement promis à la rédemption, mais a été nécessaire à la lumière elle-même, au progrès et au bien. (tome II, page 1634)

  INCONTOURNABLE --- Reprendre le poème Éclaircie dans Les Contemplations. 
Le paysage de Jersey, pacifié, émerveille Hugo: contemplant le sacré,  le poète découvre  que tout le paysage concourt à faire apparaître "La grande paix d'en haut" comme le triomphe de la vie sur la mort. C'est que le paysage ne se distingue pas de la paix qu'il exprime. C'est l'acte de fécondation qui est symbolisé: alors tout s'équivaut par la grâce de l'immensité parce que tout est réconcilié. L'imagination du poète peut les mêler. Le miracle de l'écriture c'est que le lecteur éprouve la joie du poète devant ce triomphe de la paix L'écriture est action.

Propédeutique à l'étude du texte essentiel :
"La paix couvre le songeur comme une nuit"

Joseph Llapasset - Site Philagora, tous droits réservés ©  

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