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Comment déterminer le sens de mesure, son sens propre et son
sens figuré? Cela a-t-il un sens de les rapprocher au point de les
identifier? La sophistique ne consiste-t-elle pas à tout mélanger, à
affirmer que tout se vaut ce qui lui permet de vendre sa camelote qui est
sans valeur morale et de tout justifier en soutenant qu'il n'y a de
mesure que relative à un point de départ arbitraire ce qui consiste à
identifier toute forme de mesure au raisonnement hypothético-déductif,
à un colosse aux pieds d'argile.
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Quel sens donner au terme mesure? Remarquons que nous avons non pas un
terme au programme mais deux termes qui s'opposent : mesure et
démesure. c'est donc cette opposition qui doit guider notre souci de
bien "cibler" le programme.
1-
Par un contraire on peut éclairer l'autre, ou même le retrouver,
le distinguer: voyons si "démesure" peut nous orienter
dans notre recherche du sens de mesure.
Démesure signifie pour les savant, les érudits, qui est distant
de la mesure; mais dans notre langue, il signifie d'abord:
exagération, excès d'orgueil, manque de modération, aliénation
à l'infini d'un devenir que rien ne freine, que rien ne cadence.
Comme opposé de démesure, "mesure" doit donc d'abord
être compris au sens figuré, comme modération, maîtrise
de soi qui empêche de dépasser les limites de ce qui convient.
Tout va bien entendu dépendre de ce qui détermine "ce qui
convient", les conformismes d'une société close ou les
valeurs qui orientent une société ouverte. On parlera du sens
de la mesure.
"La
mesure n'est point médiocrité ou défaut de force; elle est cette
sorte de plénitude intérieure et de juste proportion avec
l'univers qui doit permettre à chaque être d'être soi et maître
de soi, c'est à dire de tenir en main les extrêmes au lieu, soit
de les fuir, soit de leur céder." Lavelle, L'erreur de
Narcisse, page 205 |
2-
Reste que "mesure" a un sens propre qui, lui, doit
et peut être déterminé une fois pour toutes, car il contamine le
sens figuré dans des confusions ruineuses pour la morale c'est à
dire pour l'humanité. Au sens propre correspond, l'art de la
mesure, l'art est dans l'application. Il vous sera facile de le
faire à l'aide des citations suivantes.
"Dès
qu'on sait comparer à la grandeur qu'on étudie une grandeur de
même nature, on sait mesurer ... l'opération de mesure est le
processus par lequel on a recherché combien de fois l'unité est
contenue dans la grandeur considérée." Boutry,
Introduction à l'art de la mesure.
Deux
textes de Bergson, ce grand philosophe injustement mis au piquet par
ceux mêmes qui le copient vous éclaireront:
"D'une manière générale, mesurer est une opération toute
humaine, qui implique qu'on superpose réellement ou idéalement
deux objets l'un à l'autre un certain nombre de fois."
Bergson, L'évolution créatrice, chapitre III, édition du
centenaire, pages 681 et suivantes. A
utiliser pour le sujet: mesurer est-ce connaître?
"De
sorte qu'en définitive notre science tend toujours aux
mathématiques comme à un idéal: elle vise essentiellement à
mesurer ...Or, il est de l'essence des choses de l'esprit de ne pas
se prêter à la mesure." Bergson, L'énergie
spirituelle, édition du centenaire, page 868. A
utiliser pour le sujet: peut-on tout mesurer ?
"L'échelle
Celsius utilise la longueur de la colonne dans le thermomètre quand
l'eau pure gèle à la pression atmosphérique normale pour définir
le point 0 degré, et la longueur de la colonne lorsque l'eau bout
pour établir le point 100 degrés. L'échelle Fahrenheit situe
respectivement ces deux constantes à 32° F et 212° F. Ceci est
aussi arbitraire que de se servir de la longueur du pied d'un roi ou
d'une quelconque fraction d'un degré de latitude à la surface de
la terre comme unité de longueur." O' Neil, Faits et
théories, Colin 1972 (lire pages 129 à 131), pour distinguer
les mesures intensives (le dur, le mou) et les mesures extensives
(la quantité, le volume ...) |
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Joseph Llapasset
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