Un peu avant de nous quitter, Michel Henry nous a laissé le meilleur de lui même, sa foi en des paroles de Vie qui retentissaient en lui. Et si pour beaucoup la foi se nourrit de doutes, pour notre maître et ami, elle se nourrissait d'une  certitude fondée en raison. Ce jeune officier appelé à combattre le mal, a voulu faire quelque chose pour l'humanité et mettre ses pas d'orphelin dans les pas de son Père pour dénoncer, à la suite du Christ une sagesse fondée sur la fausse suffisance d'une condition humaine aliénée par l'échange, cette caricature de l'amour qui masque mal l'antique loi du  Talion: aimez ceux qui vous aiment, haïssez ceux qui vous haïssent. L'auteur est terriblement armé pour cette déconstruction de la sagesse, lui qui n'ignorait aucune démarche des thuriféraires de l'échange.
Si nous sommes tous frères et sœurs, c'est par le regard du Père dans cette invisible étreinte de soi par soi qui nous constitue chacun. C'est que la Vie n'est autre que le Père, seul et unique Père de tous: elle instaure chacun dans la condition de fils et, dans cette intuition éclairante , Michel Henry rejoint les grands docteurs de l'Église , singulièrement saint Jean de la Croix. S'il n'y a pas de condition humaine c'est qu'il n'y a qu'une condition divine ancrée sur un rapport à l'absolu qui fait de chacun ce qu'il est.
Autant dire que tout le système de l'échange, basé sur la réciprocité,( une réciprocité qui est impossible car ceux qui échangent, malgré leur suffisance, ne suffisent pas), est contesté radicalement (et pour cause ) par Les paroles du Christ. En réalité, l'échange n'est qu'une fuite de l'absolu, le refus de répondre à l'appel, au don de soi.
Les paroles du Christ exhibent donc le fondement de l'amour comme fondement de la vie.
Spinoza, Rousseau, Bergson nous ont laissé d'admirables écrits sur le Christ des évangiles. Mais leur effort de compréhension s'est exercé dans l'objectivité, dans la distance, dans la vision., dans la finitude de "traces".. Michel Henry adopte un point de vue subjectif car la subjectivité c'est la vérité. En ce sens il vient , dans le temps, après ces grands auteurs, mais non pas à leur suite. Et c'est ce qui fait de lui un maître.
Si les morts ont des droits, c'est d'abord celui  que soient reproduites, comme conclusion définitive de leur oeuvre, les paroles écrites qu'ils nous ont laissées: voici donc ce que Michel Henry , tel qu'en lui-même, écrivait sur  ce livre qu'il dédiait à l'humanité. 
Joseph Llapasset.

Vers http://www.philagora.org/etoile/michel-henry.htm