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philo-poche, cours sur Philagora http://www.philagora.net/philo-poche/
Sur la
troisième maxime de morale provisoire du Discours de la méthode. Descartes
(pour le sens,
pour le contexte, pour expliquer le texte) - par Joseph
Llapasset -
"Vaut-il
mieux changer ses désirs que l'ordre du monde?"
(page
1 ouverture
nouvelle fenêtre et page 2)
___________________________ |
Suite
de l'explication du texte de Descartes et conseils pour le sujet:
Pour
faciliter votre lecture, voici le sens de quelques expressions:
tâcher:
à l'origine, s'acquitter d'une taxe, s'attacher à réaliser comme si
c'était une dette, un devoir ("toujours").
fortune:
le hasard heureux ou malheureux, ce qui ne dépend pas de moi.
que:
plutôt que.
m'accoutumer:
prendre l'habitude de.
notre mieux:
tout ce qu'il nous était possible de faire: dans ce texte, il ne s'agit
pas de se résigner, ce n'est pas dans le tempérament de Descartes. Il
s'agit de ne pas essayer d'agir sur ce qui ne dépend pas de nos
pensées parce que l'effort est inutile puisque c'est hors de notre
pouvoir. (absolument = totalement) Pas question de se battre contre des
moulins à vent.
je
n'acquisse:
C'est la conséquence: il est évident que si je ne veux que ce qui est
accessible (ce que je peux acquérir), j'aurai tout ce que je
voudrai.
content:
il s'agit bien d'une maxime provisoire pour vivre heureux.
naturellement:
comprendre que la volonté a pour nature d'être éclairée par
l'entendement: elle ne veut donc, si elle est éclairée par
l'entendement, que des choses accessibles. Cela vous permet également de
comprendre "pas plus".
Bien
distinguer:
L'entendement, comme ce qui aperçoit en comprenant, ce qui est
pure intellection ou conception. C'est une façon de penser.
L'entendement est fini, il a des limites et sortir de ces limites c'est
se condamner à l'impuissance: tout pouvoir en effet exige un savoir et
sans le savoir, le pouvoir disparaît.
La volonté (ou le désir chez Descartes): elle est illimitée.
On peut vouloir/désirer tout ... Mais vouloir ce n'est pas avoir et
pour avoir il faut pouvoir. Il faut donc s'interroger sur le désir et
sur le pouvoir. La volonté/désir est désir de posséder, la sagesse
sera de ne désirer que ce que nous pouvons posséder.
Le
problème:
Pour changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde, pour ne désirer
que ce que nous pouvons posséder, il faut trouver un moyen d'égaliser
volonté/désir et pouvoir.
La
solution:
Répondre à la question: sur quels objets puis-je exercer un pouvoir? =
qu'est-ce qui dépend de moi?
-a) Ce qui
ne dépend de moi et que je ne pourrai jamais posséder: les autres, le
monde, les lois et coutumes de mon pays...
-b) Ce qui dépend de moi: ma pensée, or le désir est une pensée: de
même que je peux modifier les préjugés ou les habitudes, je peux
changer l'objet sur lequel porte le désir à la seule condition de ne
désirer que ce qui dépend de moi. Cela suppose que le désir ne soit
(pour Descartes) rien d'autre qu'un mouvement de la volonté.
(Voir le texte de Descartes: "Car notre volonté ne
se portant naturellement à désirer")
-c) C'est une
"clé" qui permet de renoncer à tout désirer: cela revient
à ne désirer que les choses qui dépendent de nous et à ne pas
désirer les choses qui sont indépendantes de nous, dont nous ne sommes
pas les auteurs, que nous ne comprenons pas.
Conclusion:
cela revient à ne désirer que ce qui est accessible et à ne vouloir
que ce que nous pouvons avoir. Ainsi, nous ne connaîtrons jamais
l'échec qui est toujours subi comme conséquence d'une passion parce
qu'on n'a pas réussi à agir, ni la tristesse qui en découle
(sentiment d'impuissance).
Il s'agissait donc de déterminer un pouvoir car un pouvoir limité mais
réel est infiniment préférable à un pouvoir théoriquement illimité
mais pratiquement nul.
Ainsi, la liberté naturelle de Rousseau sera théoriquement illimitée
et pratiquement nulle, à la merci de la première rencontre, alors que
la liberté civile, pour limitée qu'elle soit par la loi, sera réelle.
On retrouvera ce mouvement de critique, de séparation, de détermination de limites qui
assure une efficacité restreinte mais réelle, dans la Critique de la
raison pure de Kant.
Descartes préfèrera toujours à la connaissance de toutes les choses,
tout connaître d'une chose.
Ce qu'on perd en extension, on le gagne en compréhension, comme action
de prendre ensemble, d'embrasser par la pensée, ce qui correspond au
précepte du dénombrement qui assure que rien n'a été omis.
III =
Conseil de méthode pour le sujet: "Vaut-il mieux changer ses
désirs que l'ordre du monde?"
Comme de
nombreux sujets d'examens, le sujet est tiré du texte de Descartes
(ci-dessus).
Dans tous les cas, il sera nécessaire de le situer dans son contexte et
de suivre:
-dans une première partie les raisons données par
l'auteur.
En faisant référence explicitement à ce texte, on aura soin
d'évoquer le contexte historique et de souligner que la formule
n'enlève rien au courage à la hardiesse et à la
"générosité" de Descartes. Tout en soulignant la force de
l'argumentation, par rapport à ce qui est possible et à ce qui ne
l'est pas, il faudra bien admettre que Descartes identifie la volonté
et le désir, le désir n'étant qu'une volonté d'avoir un objet, 'un mouvement de la volonté
.
-Une deuxième partie s'attachera donc à souligner d'une part que le
désir semble bien se distinguer de la volonté
puisque la volonté
échoue à le transformer, ce qui remet en question la possibilité
d'exercer un pouvoir sur lui.
-Autre piste complémentaire: la psychanalyse
qui met en question le
pouvoir du sujet: puisque la volonté ne peut rien sur le désir, il est
impossible de dire qu'il l'exprime.
"Le
désir, fonction centrale à toute l'expérience humaine, est désir de
rien de nommable. Et c'est le désir qui est en même temps à la source
de toute animation." Jacques Lacan, Le séminaire, II.
Cela signifie, semble-t-il que le désir ne peut être désir
d'appropriation d'un objet comme l'affirme Descartes.
On voit que "changer ses désirs" semble à la pensée
contemporaine une tâche impossible parce que le sujet ne peut, selon
elle rappeler à l'ordre ce qui le structure comme sujet.
Pour
la recherche des idées:
Vaut-il mieux changer ses désirs que l'ordre du monde? (Descartes)
ou ... peut-on égaler désir et pouvoir pour ne jamais être déçu? mais le désir n'excède-t-il pas toujours le pouvoir? Voir le
désir et le besoin
1)
Sommes-nous l'auteur de l'ordre des choses? Peut-on agir sur ce qu'on n'a pas
créé?
-N'est-il pas sage de ne désirer que ce qui est accessible?
-Le contentement de pouvoir sur soi même ne peut-il être atteint?
-La générosité: Descartes, Traité des passions article 153.
===Transition, le volonté peut-elle modifier un désir? Puis-je transformer un
désir par la seule volonté? Si je renonce à essayer de réaliser un désir
n'est-ce pas sur la seule action que j'ai un pouvoir?
2)
Si changer ses désirs est impossible ne vaut-il pas mieux essayer de modifier
l'ordre du monde? Quelles objections peut-on faire à Descartes:
-Y a-t-il un pouvoir du sujet sur lui- même? N'est-il pas aussi impuissant à
changer ses désirs que l'ordre du monde?
-Si le désir constitue le sujet, le sujet a-t-il un pouvoir de maîtrise sur ce
qui le constitue? conséquences pour le sujet? Voir Jacques Lacan, Le Séminaire
II. Le Seuil page 262, 263. (Vous pouvez lire l'article de J-L Blaquier dans
philo-aide prépas: l'autre qui n'existe
pas
3)
utiliser dans aide aux dissertations,
la volonté n'est-elle que la force d'un
désir? |
Une
remarque:
On
peut se demander si les critiques ne portent en fait que sur un sujet
"donné", ce que personne n'a jamais soutenu. Le sujet (auteur
de ses représentations et de ses actions) n'est-il pas l'horizon de
l'individu, une possibilité à réaliser si on le veut.
La sagesse, si décriée à notre époque, resterait donc possible.
Reste que ce
texte nous concerne tous dans notre recherche du bonheur que ce soit une
illusion ou pas. La plupart de nos maux, ne viennent-ils pas de ce que
nous désirons qu'autrui désire ce que nous désirons ce qui est une
manière de l'inviter à vivre une autre vie que la sienne!: au risque
de compromettre notre contentement en l'attachant à un désir ou une
volonté qui n'est pas la nôtre.
L'idéal stoïcien dont s'inspire
Descartes garde donc toute sa valeur parce que, chaque fois que nous
l'oublions, en voulant quelque chose qui ne dépend absolument pas de
nous, notre bonheur est compromis: notre volonté n'est pas
éclairée par notre entendement.
Le désordre signifie l'absence d'un ordre et une invitation à une mise
en ordre par celui qui en a la capacité.
Francis Courtès, dans son
livre La Raison et la Vie (Vrin) écrit en parlant de la vie: "Selon
notre courage, nous la trouverons belle ou nous serons désolés de
notre insuffisance" (page 309).
(page
1 et page 2)
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