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Rubrique philo-poche, cours sur Philagora http://www.philagora.net/philo-poche/
La
bioéthique
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I.
Autour du mot. Déontologie, éthique, morale.
-La
déontologie
désigne l'ensemble des exigences et des règles morales propres à un domaine particulier,
qui s'imposent à tous ceux qui pratiquent une profession: comprenons
que chaque membre s'engage à les respecter par un serment explicite
(pour les médecins: le serment d'Hippocrate) ou un engagement
implicite, le professeur se doit de donner un corrigé des
dissertations.
-L'éthique
s'attache à la détermination de ce qui est bien et de ce qui est mal pour tous:
son point de vue est universel.
-Morale
a été longtemps synonyme d'éthique comme ensemble de règles
universellement valides mais, sous l'influence de Rousseau, Kierkegaard,
Bergson, Sartre, et du temps de malheur des guerres mondiales, le sens
s'est restreint à l'individu, au moi qui exige de lui-même, qui
s'adresse une parole intérieure dans la sphère de ce qui lui est
propre, un peu comme au temps d'Epicure, cette période de décadence,
du repliement de l'individu sur lui-même.
-On
distinguera donc morale, comme autonomie du sujet ou liberté, et
éthique qui garde son point de vue universel, tourné vers le tout, car
la menace porte sur toute forme de vie.
La bioéthique n'est pas la déontologie médicale car elle nous
concerne tous (elle est pour tous), elle appelle donc l'accord de tous
dans une loi née de la concertation éclairante. Parce que nous nous
sentons menacés dans notre intégrité par le pouvoir que la technique
donne au désir, nous sommes tous concernés. Vers 1960 le terme bioéthique
apparaît pour désigner une discipline, à constituer, qui
réfléchirait sur les problèmes que les progrès de la biologie posent
à la médecine: il ne s'agit pas tant de problèmes théoriques
(savoir) mais pratiques: que doit-on faire, et donc laisser faire...?
Que doit-on ne pas faire, et donc interdire par des lois, ne pas laisser
faire...?
II.
La notion, le parcours.
Quelques
repères historiques aideront à mieux saisir et à mieux comprendre la
genèse de la bioéthique.
-Vers
1960 la science et la technique, comme application de la science,
accomplissent des progrès fulgurants avec pour conséquence
d'accroître considérablement le pouvoir de l'homme dans l'exercice du
savoir, le diagnostic et les interventions sur l'homme: non seulement la
chirurgie des enfants et des adultes est concernée, cela ne posant en
général que des problèmes de déontologie, d'information du patient,
mais le domaine de la reproduction humaine s'ouvre au diagnostic et aux
interventions qui deviennent alors de simples manipulations puisque le
dialogue avec l'embryon est impossible.
L'opinion admira mais des savants et des moralistes tentèrent d'alerter
cette opinion et à travers elle les élus, "les décideurs":
ne s'agissait-il pas de l'homme, une
fin en soi, que l'on traitait comme une chose, un moyen?
-n'était-on pas en train de nier les droits de l'homme comme liberté,
égalité, sécurité?
-La
pertinence de ces questions mit un certain temps, 23 ans ,à entraîner
le politique et avec lui l'opinion: disons plutôt que c'est le
développement des techniques et l'urgence du danger encouru par tous
qui amena la création du Comité Consultatif National d'Éthique, le 23
février 1983 par François Mitterrand, président de la République
française.
-Que
s'était-il passé? Parce que la première urgence est de soigner,
que tout retard dans un diagnostic ou une intervention peut signifier la
mort irréparable du patient, l'électronique pour le diagnostic,
l'informatique pour la rapidité d'une action bien informée, le laser pour
les interventions sur l'infiniment petit apparaissent dans les hôpitaux et
s'imposent à tous les thérapeutes.
-On
s'oriente très vite vers la reproduction humaine avec de nombreux succès
dans le diagnostic prénatal des malformations, le dépistage de porteurs de
particularités génétiques, la congélation du sperme avec la création de
"banques" et, dès 1978, la fécondation in vitro.
Ceux-là qui se réjouissent de ces conquêtes sont les plus inquiets car
toute recherche exige l'ajustement progressif d'un discours à son objet
et donc ici l'expérimentation sur ce qui deviendra un être humain ou l'est
déjà. De plus la génétique ne risque-t-elle pas d'être utilisée pour
satisfaire le désir de ceux qui cherchent, dans l'obscurité, à produire
des êtres "supérieurs"?
-De
telles questions mettent d'accord tous les êtres raisonnables qui sont
aussi capables de prévoir, de calculer:
biologistes et médecins doivent obéir à des exigences déterminées par
une éthique. La question est de savoir quel sera le contenu de ces
exigences et qui les formulera...
-Le
Comité Consultatif National d'Éthique pour les Sciences de la Vie (bio-logie)
et de la Santé a donc pour mission: "donner
son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans la biologie,
la médecine et la santé que ces problèmes concernent l'homme, les groupes sociaux, ou
la société toute entière".
La règle qui guidera les recherches de bioéthique est reconnue par tous: "toute
recherche médicale doit respecter les droits de l'homme".
Pourquoi ne pas avoir commencé par une loi? Le rythme de
succession des inventions techniques semblaient devoir rendre obsolète le
droit dès sa création: on a donc préféré une sorte de comité de
surveillance toujours en alerte: cela avait l'avantage d'éclairer le
politique (même si le comité n'est que consultatif, pour laisser la
souveraineté au peuple et à ses représentants) mais, l'inconvénient de
faire que la loi arriverait toujours "après".
Le 29 - 07 - 94 deux lois sont enfin promulguées, une première loi dans le
Code Civil relative au respect du corps humain et une deuxième
dans le Code
de Santé publique relative aux dons et
utilisations des produits humains. D'autres lois suivront...
-Le
vrai problème que l'on pourrait peut-être exposer clairement à l'opinion
est: peut-on interdire les aventures trop risquées, les expérimentations
hasardeuses, sans paralyser la recherche?
C'est donc, en réalité, sur le désir et sur les "ailes du
désir", la technique, que la bioéthique doit réfléchir, sans oublier
que le désir, manque éprouvé, ne peut porter que sur ce qu'il n'a pas,
sur l'autre et singulièrement sur autrui: cela signifie
qu'il implique la loi comme l'expression d'une liberté
partagée, d'une autonomie, beaucoup plus que les recommandations
qui ne sont suivies que par ceux qui n'en ont pas besoin.
Pour
compléter voir dans:
- Philo-dans-la-poche":
la technique -> André
PICHOT: l'Eugénisme -> Alain
RENAUT : l'Individu
- Et
la matière devint vivante par André Brack
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