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Rubrique
philosophie de Philagora: http://www.philagora.net/philo.htm
La Loi naturelle
(page1)
et
(Page 2)
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La notion de loi naturelle soulève un problème aussi
passionnant que déconcertant parce qu’il va nous amener:
— d’une part à éprouver nos limites
— et d’autre part à voir naître -de nos limites mêmes- une espérance.
Ainsi notre dignité "d’être humain"
résiderait-t-elle dans notre faiblesse et dans le pouvoir, que certains
jugerons insensé, de choisir de courir un risque : le risque de dire
"oui" - même lorsque cela nous coûte - à ce dont notre raison
ignore l’origine: le Bien .
La loi naturelle ou de nature est , dit-on, "écrite au
fond du cœur de l’homme" . Elle est définie comme: "des règles de
conduite fondées sur la nature même de l’homme et de la société".
Cette loi qualifiée de "naturelle" implique la
nature et plus particulièrement ici la notion de nature humaine. Si l’homme
est un animal faisant partie de la nature , il n’est pas un animal comme les
autres. Sa raison lui fournit des "principes". Situé dans le monde
de la nature, il est soumis, comme elle, à la nécessité, au déterminisme.
Mais par sa raison il accède à un monde moral où il ne s’agit plus
simplement de savoir ce qui est, mais ce qui doit être et où règne la
liberté.
Comment pourtant concilier la nature, le monde moral c’est-à-dire
le monde du devoir-être et la liberté?
-
Pourquoi, au lieu de suivre nos penchants naturels, nous
imposerions-nous une discipline de vie? N’est-ce pas être esclave que d’accepter
de nous soumettre , de nous conformer rigoureusement à ce que nous appelons
les"principes" fournis par la raison?
D’où vient cette notion "d’obligation morale"?
Pouvons-nous accomplir un acte uniquement s’il nous est
commandé
— fusse par notre raison? Non
— Il faut que la fin nous paraisse
bonne .
Mais d’où proviennent nos mobiles moraux? De quoi
dépendent-ils? C’est-à-dire qu’elle est leur source et vers quoi nous
mènent-ils?
Comment enfin concilier les notions d’obligation, de
liberté, de dignité de notre personne?
En un mot quel est le fondement de la loi naturelle, de la
morale? Car il faut le constater cette loi existe! "On ne fait pas la
morale d’un peuple car elle existe déjà" , écrivait Lévy-Brühl en
1903 dans La Morale et La Science des mœurs .
La morale est une réalité vécue. Nous constatons cette
réalité en nous. Kierkegaard écrivait: "L’individu éthique n’a pas
le devoir hors de lui mais en lui."
Nous avons conscience que certaines choses nous sont dues,
que d’autres nous sont permises ou pas, que nous devrions agir de telle ou
telle façon... La morale est une réflexion sur la vie, issue de la vie
elle-même (mais devenue en quelque sorte méthodique puisqu’elle détermine
des règles). Il existe donc une moralité spontanée. Pouvons-nous nous en
tenir là? Cette simplicité n’est qu’apparente . En fait elle cache une
réelle complexité.
Que signifie donc "obligation morale"? D’où
proviennent nos mobiles moraux?
Holbach (1770) a essayé de l’expliquer. Il considère l’homme
comme; "un être qui sent, qui pense, qui a de l’intelligence, qui s’aime
lui-même, qui tend à se conserver, qui dans chaque instant de sa durée s’efforce
de rendre son existence agréable, qui pour satisfaire plus aisément ses
besoins et se procurer des plaisirs, vit en société avec des êtres
semblables à lui, et que sa conduite peut rendre favorables ou indisposer
contre lui".
Pouvons-nous admettre que ces sentiments universels fondent
la morale c’est-à-dire pour Holbach la science de l’homme vivant en
société?
Nos devoirs envers nous-même et envers les autres sont
nécessaires, pensent-il, puisqu’ils découlent de notre propre nature d’être
raisonnable et social. En d’autres termes nous tendons au bonheur mais pour
être heureux nous sommes obligés de compter avec les autres qui vivent et
travaillent avec nous, qui nous regardent, nous jugent. (cf Sartre "l’enfer
c’est les autres"). Nous sommes engagés vis-à-vis d’eux: il y a
échange, obligation morale. Bref: que dois-je faire (sous entendu pour être
heureux)? Il ne faut pas chercher bien loin pour le savoir. Il suffit de
regarder en nous même où habite la loi morale. Mais pour parvenir à ce
bonheur il semble que ce soit bien plus difficile car il faut nous dit Kant, s’en
rendre digne. Comment? - en respectant la loi en nous, c’est-à-dire
en accomplissant notre devoir.
-
"Afin de savoir ,écrit Kant ,comment tu
dois t’y prendre pour participer au bonheur et aussi pour ne pas t’en rendre
indigne, c’est dans ta raison seulement que tu trouveras la règle ... ce qui
signifie qu’il n’est pas nécessaire de l’apprendre par l’enseignement
des autres; ta propre raison t’enseigne et t’ordonne exactement ce que tu
as à faire", c’est-à-dire ton devoir. "Le devoir c’est la
nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi."
Que faire alors de nos penchants naturels? Il ne s’agit en
aucun cas d’essayer de ne pas en tenir compte (chassez le naturel , il revient
au galop!) mais de les canaliser, de choisir, d’exercer en fait notre
liberté pratique .
Qu’est-ce en effet que la liberté ?
Si l’on dit qu’être libre "c’est avoir la
faculté de commencer spontanément un état sans cause antérieure", il s’agira
d’une liberté transcendantale totalement inconditionnée qui n’est pas la
nôtre. Notre liberté est pratique c’est-à-dire qu’elle nous permet d’agir
en rendant notre volonté autonome, indépendante par rapport à la contrainte
des mobiles sensibles, subjectifs.
Réfléchissons : D’une part nous sommes , comme l’explique
Sartre , des "êtres-en -situation", c’est-à-dire impliqués dans
un monde où tous nos actes sont liés à l’ensemble d’autres actes selon le
cours de la nature et d’autre part nous sommes "auteur" de nos actes
posés , après un choix personnel , libre , qui nous fait prendre conscience
des contraintes et nous place par conséquent au-dessus d’elles. Nous disons
ainsi que nous devons accomplir tel acte ou que nous n’aurions pas dû
accomplir tel autre acte .
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Le terme "devoir" ici n’a pas le même sens que
lorsque nous parlons des phénomènes naturels prévisibles, déterminés. (ex
: une pluie torrentielle devra inonder ce village car cette catastrophe ne peut
pas ne pas se produire en vertu de l’enchaînement causal de tous les
phénomènes .)
Ce n’est donc pas du point de vue de notre existence en
tant que partie de la nature que nous disons que nous devons accomplir tel acte
mais du point de vue de notre existence comme personne, comme être en soi .
Ainsi nous affirmons que nos actes ont une autre causalité
que celle qui a lieu dans le temps , nous n’avons pas qu’un caractère
empirique, nous avons un caractère intelligible qui nous fait affirmer une
causalité hors du temps, une causalité inconditionnée, une liberté. (Il s’agit
pour nous non pas de liberté mais de libération. Plus nous nous libérons des
mobiles sensibles plus nous sommes reliés à cette liberté
inconditionnée qui nous fonde).
Par exemple quand un homme ment, on peut déterminer ce qui
lui a fait commettre ce mensonge à tel moment, explique Kant. Mais il n’en
reste pas moins que nous avons un sentiment de réprobation vis-à-vis de cet
acte. Cela implique que nous reconnaissons à sa raison la possibilité d’agir
indépendamment de toutes les conditions empiriques qui l’ont poussé à
commettre ce mensonge et nous pensons que sa raison aurait pu être déterminée
autrement, qu’il aurait dû agir autrement . Nous pensons que sa volonté
aurait dû l’amener à un autre choix , dégagé des contraintes extérieures, des mobiles sensibles et passionnels .
Ce qui implique que nous sommes libres d’agir en respectant
la loi naturelle en nous, ou de passer outre. Nous sommes soumis à notre
propre législation c’est-à-dire que nous sommes autonomes. La morale est
fondée sur la liberté.
La loi naturelle ou loi morale est certes bien un
commandement comme les lois civiles mais un commandement intérieur qui nous
oblige moralement sans nous contraindre matériellement. Il y a liberté dans l’obéissance
à la loi morale parce qu’il y a autonomie. C’est moi qui décide d’obéir
à la loi morale (tandis qu’aux lois civiles on obéit non par conscience mais
par crainte).
Deux questions se posent alors:
-
Quand est-on sûr d’être en présence de cette loi
naturelle et de la respecter? Pourquoi la loi morale nous oblige-t-elle?
-
Comment faut-il agir ?
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