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Rubrique
philosophie de Philagora: http://www.philagora.net/philo.htm
Nature
et Monde
... au delà?
Texte
de Cournot,
Traité de l'enchaînement des idées fondamentales dans les
sciences et dans l'histoire.
|
_______________________
"La
CURIOSITÉ
de l’homme
n’a pas seulement pour objet l’étude des lois et des forces
de la Nature;
elle est plus promptement encore excitée par le spectacle
du Monde, par le désir d’en connaître la structure actuelle, les révolutions
passées et, s’il se peut, les destinées futures. Ce peu de
mots suffit déjà pour faire sentir en quoi l’idée de Nature
diffère de l’idée du Monde, et pourquoi il y a lieu de
distinguer entre la série des sciences physiques
et la série des sciences cosmologiques.
La physique proprement dite, dans ses branches si multiples,
la chimie, la cristallographie sont des sciences de la première
catégorie ce sont celles auxquelles s’applique
en toute rigueur ce que les anciens disaient de la science en général,
qu’elle n’a jamais pour objet le particulier,
l’individuel. Au contraire, l’astronomie, la géologie
(comprenant ce qu’on appelle de nos jours la physique du globe
et la géographie physique) doivent être rangées sous la
rubrique des sciences cosmologiques; et à coup sûr on ne les
en estime pas moins, pour s'occuper d'objets particuliers ou
individuels, tels que le soleil, la voie lactée, l'anneau se
Saturne, la lune ou la terre."
Cournot,
Traité de l'enchaînement des idées fondamentales dans les
sciences et dans l'histoire. |
Il ne faut pas croire que Nature et
Monde sont deux objets distincts vers lesquels se tournerait
successivement un science souveraine. Ce ne sont que des idées, des
perspectives ou points de vue, ce qui les distingue définitivement et
qui rend vain tout effort pour les réduire l'un à l'autre: deux
approches irréductibles.
L'écart est déjà dans leur origine: la curiosité ouvre sur la
nature, le retour du même comme déterminisme ou ensemble de lois, la
satisfaction d'un savoir arraché au temps.
Le désir qui porte sur le devenir car il ne saurait être comblé
puisqu'il vit d'un manque éprouvé. C'est l'ouverture au temps: le
monde est monde du désir, de l'histoire comme catégorie qui embrasse
bien plus que le devenir des sociétés humaines.
Si cette distinction est pertinente, elle permet de distinguer deux
sortes de sciences sans espoir de les réduire: l'écart ne naît pas
d'une distinction d'objet mais du type d'intelligibilité induit par la
curiosité ou le désir.
C'est dire que la réalité de l'être est au delà des méthodes
scientifiques et que toute science s'oriente par une sorte de
précompréhension prédéterminante, soit vers l'explication par des
lois "de la Nature" soit vers le devenir qui permettrait de
rendre compte de l'état présent du monde. Il faut donc abandonner
l'idée de rabattre la structure d'une constellation sur la structure
chimique d'une molécule, de réduire le désir à une simple curiosité
comme si à partir du l'universel abstrait on pouvait rejoindre
l'individuel.
"La
détermination représente donc en quelque façon
"l'obstacle" contre lequel notre pensée vient buter,
qu'elle doit dépasser lorsqu'elle veut se donner à elle même
la vérité. Supposons que, sans prendre clairement conscience
de ces dangers nous nous en tenions à cette connaissance du
déterminé. Nous savons que notre pensée doit porter sur une
réalité donnée en elle même, nous suivrons donc l'instinct
réaliste, et nous identifierons arbitrairement le réel avec
les points de vue sous lesquels nous pouvons le
considérer."
Aimé Forest, Du consentement à l'être, Aubier page
85
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C'est dire que Nature et Monde ne
sont que des approches différentes d'une réalité concrète qui leur
échappe. Serait-ce que cette réalité concrète exige un dépassement
de l'idéalisme et en particulier de cette affirmation de Hegel que le
concret n'est tel que par l'abstrait: donner la priorité à l'abstrait,
n'est-ce pas se condamner à "inventer" une réalité
abstraite. Peut-être que l'échec de l'idéalisme vient de ce qu'on ne
met pas en question la conversion qui est refus provisoire de l'être et
qu'il faudrait envisager une autre démarche qui serait décision de la
pensée et d'abord consentement à l'être:
"Mais
le monde est présent et actuel, il défie toute la vanité de
nos construction; dans cette présence immédiate que nous ne
pouvons pas nier mais dont nous cherchons simplement à trouver
le vrai principe, il est lui même la garantie de la valeur de
nos systèmes... Lorsque nous aurons réussi à reconquérir
l'être concret comme objet, le consentement de la pensée à
l'être nous délivrera de la résistance que la détermination
oppose aux progrès de notre pensée."
Aimé Forest, Du consentement à l'être, Aubier page 80
et 86.
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