LE JUGEMENT
"l'esprit agit en tant
qu'il affirme" Jules Lagneau
I. Autour du mot: Le
témoignage
-Le témoignage rapporte ce
qui a été vu, entendu, perçu: il est donc ordonné à l'image, au reflet du sensible et
aux vicissitudes du corps. Le témoignage en appelle à autrui parce que l'intelligible
doute du sensible toujours particulier, toujours partiel et le plus souvent partial.
Voilà pourquoi le témoignage en appelle à la comparaison avec d'autres témoignages: en lui c'est le sensible qui se faufile.
-Dans le jugement au contraire le sujet décide, tranche,
affirme la vérité d'une pensée pure, sans mélange de sensibilité. En ce sens tout
jugement est catégorique en ce qu'il affirme une relation, un lien
entre deux concepts: c'est l'engagement du sujet qui adhère au vrai comme lorsque
le mendiant d'Electre de Giraudoux affirme: La jeune fille est
la ménagère de la vérité.
-Alors que le
témoignage par la faiblesse reconnue de son origine sensible en appelle à autrui, le
jugement manifeste la liberté et la royauté du sujet dans son rapport au vrai: le sujet,
comme esprit, loin de subir une vision fait plus que témoigner, "il agit en tant
qu'il affirme..." selon l'heureuse expression de LAGNEAU.
I. LA NOTION: Le parcours
-
-Le jugement est un acte de l'esprit qui, en
affirmant un rapport entre deux concepts, rassemble deux éléments (sujet et prédicat)
par une copule (est). Un jugement sera donc toujours réductible à la forme:
S est P:
-Le prédicat peut-être inhérent au sujet, on peut l'en sortir, le jugement est alors analytique: le chien est un animal.
-
-Si le prédicat ajoute quelque chose qui n'est pas dans le sujet le jugement est synthétique: les corps sont pesants.
-La matière d'un jugement n'est pas l'image sensible et
particulière mais les deux concepts qu'il ramène à l'unité. Le concept est lui-même
le fruit d'un jugement que l'esprit pourrait toujours prononcer. En effet, le concept
arbre ramène la diversité de nos représentations sensibles à l'unité d'une essence,
les rassemble par des traits purs et généraux qu'on ne voit jamais: la racine, le tronc, la branche... autant de concepts unifiés par le concept
d'arbre résultat d'un jugement qui les unifie, en affirmant un lien, un rapport
constitutif du concept.
-La notion de jugement nous permet:
-
-de caractériser la pensée comme effort d'unification,
concept, jugement, idée qui s'éloigne du sensible pour prendre ensemble, pour
comprendre.
-
-De caractériser la pensée comme exercice de liberté,
de décision, affirmation d'une croyance, d'une foi -non une foi de prisonniers du
sensible- mais d'une croyance personnelle dont la force est d'avoir connu et dépassé le
doute.
-Loin des
tromperies de l'évidence sensible, loin des rigueurs de l'évidence rationnelle d'une
idée érigée en réalité absolue qui nous imposerait finalement la passivité, la
croyance au coeur du jugement est un mixte de savoir et de foi, de rigueur et de liberté.
Quelques citations
"Tous les jugements sont des
fonctions qui consistent à ramener nos représentations à l'unité" Kant
"Le jugement arrête le
contenu d'une croyance et la pose comme son objet"
H. Delacroix
"Dans un homme qui sait
vouloir, les pensées sont des jugements; c'est à dire qu'elles engagent, qu'elles sont
des commencements d'oeuvres" Alain, Minerve p.188
Pistes de lectures
-
Descartes:
Méditations IV
-
Kant: Critique du jugement
-
Jules Lagneau: Cours de 1888 (PUF 1950
pages 191, 192)
-
Gabriel Marcel: Le mystère de l'être
-
Alain: Eléments de Philosophie (Gallimard
pages 220, 221)
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