MERLEAU -
PONTY
Le
visible et l'invisible
Propos de Claude Lefort
Réunion du 2 mai 1988
(compte-rendu de Joseph)
|
|
- page 2 -
La philosophie réflexive (comme
la science) est abordée dans le prolongement de l'analyse de la foi perceptive, car elle
y a son fondement. La critique de la dialectique est strictement enchaînée à celle de
la réflexion en ce sens que se dévoile une autre question qui, elle aussi, a son
fondement dans la perception: il y a en deçà du soi, du sujet auquel on revient, un
sujet autre, ou pour mieux dire une habitation de l'être même, une implication de
l'être même (page 77,78).
|
Merleau-Ponty et Sartre: "Soi
aliéné":
M-P se déplace de la question réflexive avec ce qui va être la thèse d'une certaine
philosophie dialectique, celle de Sartre, avec Hegel à l'horizon. Le lecteur pourrait
supposer que voilà les termes qu'il convient de prendre en compte ("on dira
donc..."), mais M-P réfute le projet de vouloir expliquer la possibilité de la
vision car cette question ne veut rien dire puisque le monde et nous sommes donnés
en deçà de la distinction du possible et de l'impossible qui implique un dénuement que
notre expérience récuse: dans ce chapitre c'est à l'opposition radicale d'une pure
positivité de l'être et d'une pure négativité (L'Etre et le Néant) que M-P
s'attaque: il s'agit d'une pure et simple inversion de la question propre à la
philosophie réflexive. Cette dialectique de l'Etre et du Néant (page 122) rend
impossible l'ouverture à l'être qu'est la foi perceptive. Or tel est pourtant le donné:
l'ouverture, ce qui veut dire l'impossibilité d'occuper un bord, une
rive (corps voyant ou chose). En s'opposant à la dialectique sartrienne, en dévoilant
l'artifice de l'opposition dialectique, Merleau -Ponty tend à rétablir une idée de la vraie
dialectique comme mouvement même du contenu, se réalisant par auto-constitution,
art de retrouver les rapports de l'appel et de la réponse, du problème et de la
solution. Dialectique comme épithète et non comme thèse, principe exploratif reconduit
à la foi perceptive et à l'interrogation (page 130): Sartre bondit d'un terme à
l'autre. Mais c'est de l'intérieur de l'être que nous en sommes distants: pour parler de
rêve il faut déjà savoir, avoir un accès à la chose même.
Phrase clé de l'oeuvre: page 136, "Ouverture au
monde":
L'ouverture au monde suppose que j'en sois mais, en être ne peut se
comprendre au sens de l'être positif (= enlisé): cela nous interdit cette distance que
la notion de conscience ou de sujet suppose, "en être" implique qu'il
y a une transcendance à l'être: l'être est à la fois présence absente = je le
découvre dans l'expérience de moi-même comme dans l'expérience de la chose. S'il y a
ouverture au monde c'est que le monde n'est pas là ou ici, c'est que la présence au
monde est comme l'envers d'une absence: le monde se dérobe en se donnant. L'ouverture
implique que de ce monde (toujours latent dans l'éclat de sa manifestation) j'en suis;
En être, est donc non pas le posséder mais être pris en lui, dans le mouvement où
s'ouvre un accès. Faire l'expérience d'une expression et d'une impression qui ne
pourrait jamais être défaite, comme une appartenance à l'être, à penser comme
ouverture.
|
L'opposition à Sartre apparaît clairement:
pour Sartre il y a ek-stase, l'être ce sera donc l'être massif et se
faire être ce sera se donner la détermination pleine. Pour Merleau -Ponty il ne saurait jamais en
être ainsi puisque je suis déjà donné à moi-même du fait que je suis imprimé dans
l'être mais jamais pleinement donné parce que l'expérience de l'être est ainsi
dépassée: la chose n'est pas positive, elle n'existe que par ses horizons.
Le visible est inachevable, il n'y a pas de signification close. Il serait absurde de
vouloir dire ce que c'est que le sens de l'histoire (en faire une catégorie). L'horizon
humain se déplace lui-même, la signification latente qu'il exerce est en gestation (page
135). M-P parle encore de description mais, en fait, décrire ne suppose aucune
antériorité de celui qui analyse: ce qu'il veut dire c'est recueillir.
Regard qui interroge les choses, lui même interrogé par les choses.
Clé de sa démarche: discours philosophique pris dans l'élucidation de
la foi perceptive: non la disqualifier mais la suivre, surprendre ce qui
se déroule en elle.
|
-----à suivre --> page 3
.
Retour à philo-recherche/fac
- Aller à la rubrique PHILOSOPHIE
Aller à la page
d'accueil de philagora
Aller à philo-recherche/fac
Aller à la rubrique PHILOSOPHIE
Retour à la page
d'accueil de philagora
|