MERLEAU -
PONTY
Le
visible et l'invisible
Propos de Claude Lefort
Réunion du 2 mai 1988
(compte-rendu de Joseph)
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Le rouge est déjà une chair.
Il apparaît par différenciation, il émerge comme un détroit: Cela n'est pas un pur
sensible, nous ne nous ouvrons à ce rouge que parce qu'il est une modalité, des
vibrations dans le registre de la rougeur, un pli dans ces multiples rouges qui tapissent ma mémoire: détroit,
ouverture et pénétration. Le rouge entre en moi toujours par une sorte de défilé.
Insertion du culturel?
Dans les notes de travail Merleau-Ponty revient sur la notion d'être sauvage (Husserl: noeud de la
vie). La reconquête n'a rien à voir avec une philosophie du vécu, des
erlebnis, de
l'immédiat, de ce qui serait extérieur à toute élaboration culturelle, de l'ordre du
préréflexif. Dans la science elle-même, il y a en deçà des thèses, des
constructions, une expérience sauvage de ce qui est (structures, significations par
différences). Là, dans cette articulation de signes se dévoile un rapport à l'être
sauvage que la philosophie a à explorer. Il n'y a pas de partage monde de la nature et
monde de la culture: l'être sauvage doit être pensé en termes de ce qui advient, il
n'est pas thématisé mais sous-jacent à la thématisation.
Voilà pourquoi le visible et
l'invisible, alors même qu'il commence par la foi perceptive, est animé par la
conviction qu l'on ne peut pas rejoindre une couche primitive pour venir étayer
l'expérience du langage, de la pensée.
Dans chaque registre où se déplace
l'interrogation, il y a le paradoxe d'aller au non thématisé par un mouvement qui
véhicule des significations langagières. Langage, culture, histoire, refaire le même
parcours de telle sorte que ma démarche soit comme une ascension sur place, un mouvement
qui me porte vers le non dit par le langage.
ENTRELACS: l'un dans l'autre ; LE CHIASME:
mouvement, passage.
Après avoir parlé de cette dualité interne du corps, de l'être à deux feuillets,
Merleau-Ponty
corrige cette métaphore en disant que si le corps est chose parmi les choses c'est en un
sens plus profond qu'elles: il en est, il se détache sur elles et se détache d'elles: le
voyant n'est jamais simplement devant le visible, les visibles sont autour de lui et s'il
les touche et les voit (intimité du corps à soi-même) c'est, qu'étant de leur famille,
il use de son être. Le monde est chair universelle.
Avancée de Merleau-Ponty: il cherche
à mettre en évidence cette hétérogénéité du sensible en moi- même, du sentir en
moi-même: il n'est pas un visible parce que le visible n'existe que comme détroit
( reformulation de l'expérience de la synergie, communication latérale des sens
différents dans Phénoménologie de la Perception).
Dernières pages de l'œuvre.
L'analyse va nous amener à suivre deux directions, deux manières différentes de penser
la chair.
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1) Ce qui importe le plus à l'auteur c'est de mettre en évidence cette indécision,
l'adhésion du corps au sensible, du voyant au visible en deçà de leur écart. Parler de
"feuillets" ne doit pas nous amener à céder à l'illusion de
l'extériorité.
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2) En insistant sur la notion de présence du corps à lui-même (fait que le pur sensible
ne se donne que comme détroit) Merleau-Ponty tend à faire penser un nouveau type d'être, une
altérité aussi bien pour le corps qu'une altérité de l'être même: il va dans la
direction d'une altérité qui ne peut plus se réduire.
" Et ce qu'il faut
comprendre, c'est que, de l'une à l'autre de ces vues, il n'y a pas renversement
dialectique, nous n'avons pas à les rassembler dans une synthèse: elles sont deux
aspects de la réversibilité qui est vérité ultime." Le visible et
l'invisible" (dernière phrase). |
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